Par arrêté daté du mardi 16 novembre 2010, le ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba, a «révoqué» dix-huit fonctionnaires en poste à l’étranger pour "désertion". L’information a été publiée jeudi 18 novembre sur le site de radio Okapi. Si cette nouvelle était confirmée, Thambwe - qui est de surcroît juriste et avocat de profession - a violé le principe sacro-saint de respect des droits de la défense tout en usurpant une compétence qui est du ressort de son collègue en charge de la Fonction publique.
La diplomatie congolaise est malade. Gravement malade. Incompétence, arbitraire, gestion fantaisiste des ressources humaines, personnel et postes diplomatiques pléthoriques, inexistence d’une politique étrangère et absence de définition des intérêts à promouvoir au niveau des ambassades et consulats généraux, paiement irrégulier des salaires ou plutôt des «avances sur salaires», manque de moyens financiers et matériels pour le fonctionnement de la mission. Ce sont là les principaux maux dont souffre la diplomatie congolaise. Depuis la prétendue «libération» du 17 mai 1997 à ce jour, aucune réforme administrative digne de ce nom n’a été conduite par les ministres successifs – une dizaine – qui ont défilé à la tête de ce ministère dit "de souveraineté" au même titre que ceux des Finances, de l’Intérieur et de la Défense.
Une décision illégale
Dix-huit fonctionnaires congolais en poste à l’étranger ont donc été "radiés" du corps diplomatique sur base d’un banal arrêté du ministre Alexis Thambwe Mwamba. «Il leur est reproché la désertion de leur poste de travail et le discrédit jeté sur le corps des diplomates de la République», a déclaré Patrick Mutombo, le porte-parole du ministre. «Le fait de ne pas être régulièrement payé ne donne pas à un diplomate le droit d’abandonner son poste», a-t-il ajouté. Qui sont les fonctionnaires frappés par cette mesure? Ont-ils été entendus dans le cadre d’une action disciplinaire? Quelles sont les justifications qu’ils ont pu fournir? L’arrêté ministériel précité est-il conforme au Statut qui régit le personnel de l’administration publique de l’Etat?Il apparaît évident que le ministre Thambwe a voulu faire du "show" en annonçant une mesure spectaculaire tout en prenant des libertés avec la procédure administrative en la matière. Selon des sources concordantes, les intéressés n’ont pas été entendus dans le cadre d’une action disciplinaire afin qu’ils fassent valoir leur droit de la défense. Ils ont donc été condamnés avant le prononcé du jugement. Ce qui entache la procédure en cours d’un grave vice de forme frisant l’arbitraire. Ensuite, le ministère des Affaires étrangères devait se limiter à constater la «désertion» par le "silence" des concernés. Ce n’est qu’après ce constat que le ministère aurait pu faire rapport à celui de la Fonction publique en proposant une sanction éventuelle. «Les agents de l’Administration publique sont recrutés et nommés par le ministère de la Fonction publique, commente un diplomate congolais. Il va sans dire que le pouvoir disciplinaire appartient à celui qui nomme. Lorsqu’un ministère veut se passer de la collaboration d’un agent, il doit remettre celui-ci à la disposition de la Fonction publique et non se faire justice lui-même en le mettant à la porte.» L’arrêté ministériel du ministre Thambwe révoquant les dix-huit diplomates est par conséquent parfaitement illégal. Les agents concernés sont en droit d’attaquer ledit arrêté devant les juridictions administratives pour «excès de pouvoir».
Diplomates impécunieux
Depuis 1990 à ce jour, pas moins de quinze ministres se sont succédés à la tête de la diplomatie congolaise. Aucun d’eux n’a eu la volonté ou l’opportunité de conduire des réformes pour assainir tant l’administration centrale que les postes diplomatiques. Depuis 1990, le ministère des Affaires étrangères se limite à l’affectation des agents en poste et à la gestion des ressources en devise. L’essentiel a été oublié. A savoir : la définition d’une politique étrangère traçant des objectifs à court, moyen et long terme et les moyens à mobiliser pour défendre les intérêts de la RD Congo et ceux de ses ressortissants aux quatre coins du monde.Après le déclin de la Gécamines à partir de 1992, la diplomatie zaïro-congolaise a amorcé sa descente aux enfers. Faute de moyens d’action. Devant l’état de nécessité, les diplomates ont commencé à «vendre» n’importe quoi. C’est le cas notamment des «bons d’essence» acheter au prix hors taxe. D’autres se sont engagés dans des petits commerces. C’est la lutte pour la survie. La "libération" n’a fait qu’exacerber l’impécuniosité ambiante. Plusieurs diplomates et leurs familles ont été expulsés des appartements pour non-paiement de loyer. Plus grave, les «libérateurs» ont inauguré une nouvelle «tradition administrative» consistant à affecter de nouvelles unités à l’extérieur avant d’avoir rapatrié les fonctionnaires «fin terme». Le «Congo libéré» constitue aujourd’hui le seul pays du monde qui a abandonné à l’étranger ses diplomates arrivés à la fin de leur mission. La débrouille est devenue la règle tant pour les "nouveaux diplomates" que pour les "anciens diplomates" obligés d’attendre "à la maison" un hypothétique rapatriement. A La Haye, des diplomates et leurs familles attendent depuis plus d’un an l’arrivée à Bruxelles d’un avion affrèté promis par l’actuel chef de la diplomtie congolaise pour assurer leur retour.
La décision illégale prise par le ministre Thambwe n’honore ni celui-ci encore moins la diplomatie congolaise laquelle a plus que jamais besoin d’un véritable réformateur à sa tête. Un réformateur respectueux des lois et règlements et doté d’un brin d’empathie.
Par Baudouin AMBA Wetshi
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