mercredi 24 novembre 2010
SPECIAL 24 NOVEMBRE: Mobutu parle de Kabila, Tshisekedi, JP Bemba, du cardinal Monsengwo
A partir de sa tombe à Rabat au Maroc, le maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga, né Joseph-Désiré, scrute la situation politique de la RDC à un an des élections de 2011. La rentrée politique d’Etienne Tshisekedi, le procès de Jean-Pierre Bemba à la CPI, l’annulation de la dette extérieure de la Rd Congo et l’élévation de mgr Monsengwo à la dignité de Cardinal n’ont pas échappé à la vigilance du deuxième président de la RDC dont la date de prise de pouvoir en 1965, à savoir le 24 novembre passe sous silence comme s’il n’avait pas totalisé 32 ans de règne.
Maréchal, l’actualité en RDC demeure marquée par le procès du sénateur Jean-Pierre Bemba à la Cour pénale internationale, un commentaire à faire?
Euh euh ... je pense qu’il ne faut jamais oublier deux choses: la première, c’est que Bemba Gombo est un Congolais et la seconde, c’est un acteur politique qui a eu à exercer de hautes fonctions en RDC comme tant d’autres aujourd’hui. En tant que Congolais, il mérite la compassion et le soutien de ses compatriotes parce qu’en Afrique, on ne se réjouit pas du malheur de quelqu’un tout comme on pardonne à un mort ses péchés quel que soit leur nombre. En tant qu’acteur politique, ce qui arrive à Bemba Gombo, que vous aimez bien appeler Jean-Pierre, doit servir de leçon à tous les autres politiciens. Et au-delà de cet aspect, il y en a un autre qui donne matière à réflexion. Apparemment, la Cour pénale internationale n’est pas faite par les grandes puissances qui peuvent décider d’y envoyer ceux qu’elles veulent bien, c’est-à-dire des dirigeants des pays du tiers-monde pour régler quelques comptes. Comment pouvez-vous comprendre que des pays comme les Etats-Unis d’Amérique, la Chine, la Russie n’aient jamais signé le Statut de Rome qui crée la Cour pénale internationale, alors que Washington ne cesse de tirer les ficelles dans l’ombre? Ceux qui se réjouissent aujourd’hui de ce qui arrive à Bemba Gombo risquent de le regretter plus tard. Je souhaite simplement bonne chance à mon fils Bemba et que le procès soit équitable et non que le procès en question ressemble à un règlement des comptes politiques.
Vous semblez donc partager la position de ceux qui parlent, depuis le début, d’un procès politique avec un dossier vide?
Oui, mais pas de la même manière. Ceux qui parlent souvent de procès politique ou de dossier vide semblent souvent renvoyer la responsabilité au pouvoir en place. Or, cette affaire est loin d’être l’apanage du pouvoir en place en RDC. Je suis de ceux qui croient que le vrai malheur de Jean-Pierre Bemba Gombo, c’est d’avoir fourré son nez dans un coup d’Etat conçu et planifié par les grandes puissances pour bouter dehors le président Ange-Félix Patassé au profit du rebelle qu’était à l’époque le général Bozize, actuellement président de la République centrafricaine. Son tort, c’est donc d’avoir accepté de prêter main forte à Patassé parce qu’il avait besoin, durant la période de la guerre, d’une base-arrière et cela, dans son contexte, est d’ailleurs compréhensible. Le fait d’avoir refusé d’obéir à l’injonction de certaines puissances occidentales qui exigeait qu’il ordonne le retrait de ses troupes de Bangui lui a valu le procès que l’on déplore aujourd’hui. Or, dans le cas d’un pays (RCA) qui se retrouve dans le giron français, on ne peut pas dire que Paris était absent du scénario qui a abouti à l’arrestation de Bemba Gombo. Je ne pense donc pas que le procès de Jean-Pierre Bemba soit le fait de Kinshasa même si on ne peut manquer de se demander, comme dans un meurtre, à qui profite le crime.
En prévision des élections fixées en 2011, E. Tshisekedi annonce déjà sa candidature et son retour au pays. Pensez-vous qu’il constitue une alternative crédible par rapport au pouvoir qu’il ne cesse de vilipender?
Oh, quand Tshisekedi s’annonce de la sorte, sachez que c’est parti pour la gloire. Croyez-moi, ce fut un ami personnel autrefois et je n’ai jamais connu, dans ma vie, d’ami aussi proche que Tshisekedi. D’ailleurs, durant mes premières années de pouvoir, nous nous habillions de la même manière et nous faisions tout ensemble. Le connaissant donc très bien, je peux vous annoncer que sa candidature et son retour annoncent une grande tempête sur l’échiquier politique congolais. Même s’il ne constitue pas forcément une alternative crédible par rapport au pouvoir, il a l’habitude de secouer efficacement l’arbre au point que certains fruits peuvent facilement tomber. Mais, rassurez-vous, ce n’est pas un ouragan de l’histoire. Toutefois, en vieux routier de la politique, il sait faire peur et emballer tous les mécontents au point d’incarner ce que vous appelez une alternative crédible. Sa grande faiblesse, et je ne sais pas s’il pourra corriger cette erreur cette fois-ci, a toujours été de négliger ses alliés comme Jean-Pierre Bemba d’ailleurs en oubliant que les alliances sont nécessaires dans une guerre. Je parle de guerre selon la définition de Mäo Tsé Toung: la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre est une politique avec effusion de sang. Mais, Etienne Tshisekedi marquera sans nul doute les prochaines élections au point d’y laisser des traces indélébiles même s’il n’accède pas à la magistrature suprême de la RDC. En tout cas, pour le côté spectacle, je peux vous en donner des garanties. Tshisekedi sait qu’il peut assez facilement prendre la tête de l’opposition dans l’opinion en l’absence de Jean-Pierre Bemba et compter sur tous les mécontents. Ce n’est pas un adversaire à négliger. Peut-être même qu’il ne vise qu’à réaliser l’exploit du Palu, c’est-à-dire réunir des sièges au Parlement qui lui permettent d’arracher la Primature qu’il raffole toujours. Et c’est moi qui lui ai donné le goût du poste de Premier ministre autrefois afin qu’il oublie mon poste de président de la République et cela avait très bien fonctionné durant ma transition.
Avez-vous une préférence pour la présidentielle 2011, surtout entre les deux candidats déjà connus, à savoir Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi?
J’aurais pu avoir une préférence si j’étais encore de votre monde, un peu comme ce qui se fait en Côte d’Ivoire. Mais, aujourd’hui que votre politique ne me concerne pas personnellement, ,je ne peux pas jouer à ce jeu. Que le meilleur gagne simplement. Je ne peux que prodiguer quelques conseils. Que Joseph Kabila fasse bien attention à Etienne Tshisekedi en évitant de rentrer dans son jeu parce qu’il va tenter de le pousser à commettre des fautes et qu’Etienne Tshisekedi fasse aussi attention parce qu’en Afrique, celui qui détient le pouvoir a généralement plus de chances que d’autres de remporter la course à la présidentielle. Toutes choses restant égales par ailleurs, c’est le plus rusé de deux, celui qui, de surcroît, a les faveurs de l’éternelle communauté internationale, c’est celui là qui va l’emporter sans nul doute. Je refuse de donner mon pronostic au stade actuel, même si j’ai déjà une idée sur l’issue du scrutin en 2011. Il faut aussi noter que le PPRD semble avoir une longueur d’avance sur l’UDPS, en dehors de toute alliance. Mais, rien n’est encore joué pour le moment et il appartient à chaque camp de mettre sur pied des stratégies pour réunir assez de chances de réussite.
Un mot sur l’annulation de la dette extérieure de la RDC après les résultats du Club de Paris?
Vous savez, j’ai eu à suivre plusieurs débats sur la question de la dette extérieure où souvent on me prend à partie en m’accusant de tous les péchés, même parmi ceux qui avaient tiré profit, d’une manière ou d’une autre, de l’endettement de la RDC et qui ont aujourd’hui le beau rôle sur l’échiquier politique congolais. Mais, je pense que le vrai défi aujourd’hui se situe à deux niveaux: il s’agit d’abord d’obtenir l’effectivité de l’effacement de cette dette et, ensuite, d’éviter de se retrouver dans le cycle de l’endettement par d’autres voies. Car, croyez-moi, la communauté internationale n’a aucun intérêt à ce que la RDC échappe si bien au joug de la servitude pour être politiquement et économiquement indépendante. Car, les institutions financières de Bretton Woods ont notamment pour rôle de maintenir des pays du tiers-monde appelés aujourd’hui émergents ou en voie de développement sous la dépendance. Il suffit de voir comment tout est fait pour contrer la Chine aujourd’hui en surproduction et dont les performances économiques dérangent autant les Usa que l’Europe pour comprendre que la RDC aura besoin d’un miracle pour échapper à l’hameçon du Fonds monétaire international ainsi que de la Banque mondiale. Lorsqu’il n’y aura plus de dette, ils pourront, grâce à leur programme, vous embarquer dans un autre scénario pour maintenir le même joug de la servitude à travers un néo-colonialisme qui ne dit pas son nom. L’heure n’est donc pas aux réjouissances, surtout que ce sont les partenaires de la RDC qui ont décidé d’effacer sa dette extérieure. A ce titre, ils ont certainement imaginé d’autres stratégies pour garder la mainmise sur votre beau et grand pays.
Mgr Monsengwo a été élevé au rang de cardinal en remplacement de feu Frédéric Etsou...
Je trouve ce choix judicieux parce qu’il était bien placé pour prendre ce poste si je peux parler en ces termes. Il en a vraiment l’envergure et paraît plus outillé que n’importe quel évêque parce que ce poste est quelque peu politique et il ne faudrait pas le laisser entre des mains inexpertes au risque d’en faire les frais. Car, on est souvent appelé à trancher entre le pouvoir et le peuple et entre le pouvoir et l’opposition. Quelqu’un d’aussi rôdé que Monsengwo qui a plus d’un tour dans ses manches sera certainement à la hauteur, surtout pour un pays comme la RDC où certains ont fait de la politique toute une profession au point de vivre éternellement aux frais de l’Etat. Et, c’est ce que le même Laurent Monsengwo récusait lors des travaux de la Conférence nationale souveraine par la formule «le pouvoir pour le pouvoir n’est pas l’idéal d’un démocrate». J’espère seulement que le cardinal Monsengwo ne va pas se transformer en cardinal Malula pour mener la vie dure à Joseph Kabila. J’ai eu à expérimenter certains tours de Monsengwo durant la transition et je peux vous dire que ce n’était pas facile parce qu’il semblait, par moments, jouer le jeu de l’opposition. Fort heureusement pour moi que le cardinal Etsou était neutre à l’époque. Joseph Kabila doit bien surveiller l’axe Monsengwo-Kengo parce que les deux personnalités sont très liées.
Un mot sur les cinq chantiers initiés par Joseph Kabila?
J’ai déjà eu, dans les mêmes colonnes, à m’exprimer sur ces travaux. Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est que lorsqu’on est au pouvoir, on doit laisser des traces indélébiles. Malgré toutes les critiques que j’ai eu à enregistrer jusqu’aujourd’hui, tout cela n’a pas pu effacer de la mémoire des Congolais le pont Maréchal à Matadi, le stade des Martyrs, le Palais du peuple et tant d’autres réalisations qui portent ma signature. On peut tout dire là dessus, mais l’histoire est têtue. On ne peut donc pas dire que je n’ai rien fait ou rien laissé. Il revient à Joseph Kabila de suivre mon exemple parce que ceux qui le vantent aujourd’hui pourront demain changer de discours. Il n’y a qu’à voir certains qui se la coulaient douce sous mon règne et qui m’ont déjà renié. Mais, la postérité fera d’ailleurs sa propre lecture plus tard. Moderniser les routes ne constitue pas une mauvaise chose et il faut en faire autant que l’on en a l’occasion. La seule note négative, c’est que sur les cinq chantiers, seul le volet infrastructures semble marcher. S’il bénéficie d’un second mandat, Joseph Kabila devra tout mettre en marche pour rattraper son retard. Il est bien parti même s’il a commencé ses réalisations avec un peu de retard. Mais, au delà de tout, il devra se garder, au terme de son prochain mandat en cas de réussite en 2011, de modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir. Je suis mieux placé pour en parler parce que je l’ai expérimenté autrefois.
Marcellin MANDUAKILA
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