jeudi 30 décembre 2010

Côte d'Ivoire: "Les médiateurs ne peuvent pas faire grand-chose pour faire fléchir le président sortant"

Créé le 28.12.10 à 13h05 -- Mis à jour le 29.12.10 à 16h09
INTERVIEW - Philippe Hugon, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur de «Géopolitique de l’Afrique», estime que les médiateurs manquent d'arguments pour faire fléchir Laurent Gbagbo...

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) envoie ce mardi trois émissaires en Côte d’Ivoire pour encourager une nouvelle fois le président sortant Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. Mais selon Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Iris, cette médiation est vouée à l’échec.

La médiation proposée par la Cédéao en Côte d’Ivoire peut elle déboucher sur une sortie de crise?

On peut l’espérer mais cela me parait peu probable. C’est la médiation de la dernière chance. Les précédentes, emmenées Thabo Mbecki, l’ex chef d’Etat sud-africain, puis par Jean Ping, le président de l’Union africaine, ont déjà échoué. Il semblerait que Laurent Gbagbo soit décidé à rester à son poste.

Je ne vois pas de quels atouts supplémentaires disposent les trois médiateurs. Que pourront-ils proposer à Laurent Gbagbo? Ils peuvent toujours lui rappeler la position de la Cédéao, qui a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, et brandir la menace – peu probable – d’une intervention militaire mais je ne vois pas pourquoi Gbagbo fléchirait. A moins que les médiateurs aient dans les mains des cartes que nous ne connaissons pas, mais j’en doute.

Le fait que les émissaires viennent d’Afrique de l’Ouest n’est-il pas un avantage?

Bien sûr, il est très important que la médiation passe par la Cédéao. C’est une intervention nettement mieux perçue que celle de la communauté internationale. Laurent Gbagbo s’est d’ailleurs dit victime d’un «complot» franco-américain. Les médiateurs – les présidents du Bénin, de la Sierra Léone et du Cap-Vert – viennent par ailleurs de petits pays, qui ne sont pas les plus hostiles à Laurent Gbagbo et ne sont pas particulièrement va-t-en-guerre, contrairement au Nigeria par exemple. Mais ils ne peuvent pas faire grand-chose pour faire fléchir le président sortant.

Si cette médiation échoue, que peut-il se passer ensuite?

On peut prévoir que la Cédéao va déployer sa force militaire, Ecomog, notamment aux frontières pour empêcher des mercenaires libériens d’intervenir.

Mais la seule chose qui pourra faire fléchir Laurent Gbagbo, ce sont les sanctions économiques. Quand son trésor de guerre se sera épuisé, qu’il ne pourra plus payer les fonctionnaires, la situation sera différente. Le camp d’Alassane Ouattara, lui, ne peut pas faire grand-chose. Ce n’est pas lui qui dispose de la force militaire et sa seule arme est la reconnaissance de la communauté internationale.

Propos recueillis par Enora Ollivier

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