jeudi 30 décembre 2010

Questions directes à Jeannot Mwenze Kongolo

 
Jeannot Mwenze Kongolo, ancien ministre, président des "Patriotes Kabilistes". Photo d’archives

Agé de 50 ans, Jeannot Mwenze Kongolo est titulaire d’une licence en langue anglaise et d’un diplôme en criminologie. Il vivait aux Etats-Unis d’Amérique lorsque la guerre dite des «Banyamulenge» éclate en octobre 1996 dans les provinces du Kivu. Membre de l’association «Anacoza» (All North America Conference on Zaïre) dans laquelle il assumait les fonctions de «communication officer», il rejoint l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) au mois de novembre, à l’étape de Goma. Après la «libération» du 17 mai 1997, Mwenze est nommé successivement ministre des Affaires intérieures, de la Justice et de la Sécurité et de l’Ordre public. En 2004, il quitte le gouvernement et créé son parti des «Patriotes Kabilistes Mzee». Cette organisation est censée regrouper les "fidèles parmi les fidèles" de la «pensée politique» du défunt président Laurent-Désiré Kabila.
Lors de la visite de Vital Kamerhe à Goma, mercredi 15 décembre, vous avez été aperçu parmi les personnalités présentes. Devrait-on conclure que vous faites partie des hauts cadres de l’Union de la Nation Congolaise (UNC)? Si oui, quelle est votre fonction?

Non je ne suis pas membre de l’UNC. Je me trouvais à Goma sur invitation du président national de l’UNC. Je demeure président national des «Patriotes Kabilistes», mon parti.
Que répondez-vous aux nombreux Congolais qui reprochent à "Vital" d’avoir écrit son ouvrage "Pourquoi j’ai choisi Kabila" et doute de sa sincérité?

Les Congolais ont le droit de se poser toutes les questions sur ceux qui ambitionnent de les diriger demain. Quant au livre et son contenu, je ne l’ai jamais lu simplement parce que je sentais déjà que c’était prématuré de produire un tel écrit. Je pense sincèrement qu’il appartient à Vital de répondre aux questions relatives à son œuvre. Je suis mal placé pour le faire.
Dans des interviews accordées à la presse kinoise - c’est le cas notamment au "Soft"-, vous avez "accusé" Joseph Kabila de "déviationnisme" en soulignant qu’il «a trahi» la mémoire de Mzee LD Kabila. Pouvez-vous être plus explicite?

L’interview à laquelle vous faites allusion date de plusieurs années. Il y a donc plusieurs années depuis que je dénonce ce comportement indigne d’un fils par rapport à son propre père. Un comportement qui se traduit par la destruction systématique de toutes les oeuvres de son géniteur quand bien même des Congolais y trouvent leur compte. Comment devrait-on appeler cela?
Comment expliquez-vous le fait que vos "blâmes" n’aient jamais suscité des répliques de la part de l’entourage présidentiel? A quoi attribuez-vous cette apparente "impunité"?

Je n’ai jamais émis des critiques dans le but d’attirer l’attention de l’entourage présidentiel. Je le fais à l’intention particulière de la population congolaise. Il s’agit pour moi d’une démarche pour le moins normale de la part d’un politicien qui se soucie du destin collectif. La contestation et la dénonciation que vous appeler «blâme» ne sont en réalité que des méthodes les plus légitimes.
Des observateurs assurent que vous avez joué un rôle de premier plan dans l’accession de Joseph Kabila à la tête de l’Etat en janvier 2001. Que répondez -vous?

Ma réponse est simple : Oui! J’ai joué mon rôle de nationaliste en toute honnêteté et en espérant que c’était la meilleure façon d’assurer la pérennité de l’oeuvre de Mzee et surtout d’honorer son nom et sa mémoire. Hélas !
Quel est, selon vous, le facteur qui a présidé au choix de Joseph Kabila pour succéder à LD Kabila?

Il y a d’abord l’ambiance générale qui regnait suite au décès brutal d’un chef charismatique. Il y a ensuite le souci de créer une transition paisible pour tous. Bien entendu, Joseph n’était pas l’unique prétendant. Il reste que l’agitation manifestée par certains de mes camarades - pourtant inaptes à commander - nous a aussi poussés à faire ce choix.
Le 26 janvier 2011, Joseph Kabila va "célébrer" son 10ème anniversaire à la tête de l’Etat. Quel regard portez-vous sur son bilan au plan social, politique, économique, sécuritaire et diplomatique?

Je préfère parler de la pacification du territoire national qui est incontestable. C’est la première fois que je constate que "ne rien faire" peut constituer une solution. En d’autres termes, un chef peut ne rien dire, ne rien faire devant une situation mais il obtient le résultat escompté : voilà une démonstration par l’absurde. Je m’arrête là.
Dix années après, Joseph Kabila continue à demeurer un mystère pour la grande majorité de la population. Qui est-il réellement? Que savez-vous de sa personnalité et de son parcours?

La question me parait trop personnelle. Je préfère ne pas y répondre.
Quelles sont, selon vous, les raisons qui ont empêché le Mzee LD Kabila à tenir ses promesses d’instaurer l’Etat de droit et d’achever le processus démocratique?

La raison majeure c’est l’instrumentalisation du Rwanda pour faire la guerre contre la RDC. Souvenez-vous que cela a pris plus d’une année pour que l’ONU, l’Occident et le Rwanda arrivent à admettre que le Congo était victime d’une guerre d’agression. Comment pourrait-on réaliser des projets avec une guerre sur le dos? C’est quasiment impossible. Je sais de quoi je parle.
Quelles sont, selon vous, les erreurs commises et que continue à commettre Joseph Kabila?

Certes, l’action de Mzee n’était pas exempt d’erreurs. Joseph a aussi les siennes. Quelque part, les deux hommes se rencontrent sur la question des relations avec le Rwanda. A l’époque, le Mzee avait compris qu’il fallait prendre ses distances avec le régime impopulaire de Kagame. Mais Joseph a pris le contre-pied de cette politique. Et ce, en négligeant des pays comme l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe. Comment voulez-vous, dès lors, que les gens ne soient pas tentés de parler de trahison?
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2010

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