L’anarchie continue à régner dans les zones minières de l’Est. Tout se passe comme si la mesure d’interdiction de toute exploitation minière n’a jamais existé. En atteste le rapport publié mi-décembre par l’ONG britannique Global Witness qui pointe du doigt les groupes rebelles et certains hauts gradés de l’armée nationale, particulièrement ceux issus de différentes opérations de brassage et mixage. Pour sa complicité avérée, Global Witness accuse nommément Kigali d’entretenir divers réseaux de commerce de « minerais de conflit».
Une fois de plus, l’ONG britannique Global Witness est revenue à la charge en dénonçant, dans un rapport publié mi-décembre depuis son siège de Londres, le commerce illicite des minerais à l’Est de la République démocratique du Congo. Et ce, malgré la mesure d’interdiction décrétée, sur ordre du président de la République, pour mettre de l’ordre dans cette partie du territoire national.
Dans son rapport, l’ONG britannique se rabat sur des groupes rebelles encore actifs à l’Est et de hauts commandants de l’armée nationale qui « se disputent le commerce des minerais de l’Est de la République démocratique du Congo ». S’appuyant sur les travaux de recherche menés par ses services et sur le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la RDC, le rapport intitulé : « La colline leur appartient » met en évidence la manière dont des groupes armés dérobent à la population congolaise les profits qu’elle retire du commerce de minerais tels que l’étain et le tantale. Le rapport décrit par ailleurs les mesures que les gouvernements et les entreprises devraient prendre pour rompre les liens entre la violence, la corruption et les minerais dans la région.
Le double jeu de Kigali
Dans son rapport, Global Witness revient sur le double jeu de Kigali qui, malgré son rapprochement avec Kinshasa, continue à entretenir les réseaux qui réexportent à partir du territoire rwandais les minerais sortis frauduleusement de la RDC. Ainsi, l’ONG britannique pense qu’en réexportant des minerais de la RDC, Kigali encourage la poursuite des conflits armés dans la région des Grands Lacs.
Selon Global Witness, Kigali servirait de plaque tournante aux divers réseaux qui opèrent à l’Est de la RDC, fragilisant davantage toutes les initiatives prises par les autorités congolaises pour décourager toute forme de trafic illicite des minerais. Ainsi, l’or, la cassitérite, le wolframite et le coltan, continuent d’être exploités, avec curieusement l’encadrement des hauts commandants de l’armée congolaise et d’autres issue de divers groupes armés pour être ensuite exportés frauduleusement par les pays voisins, particulièrement au Rwanda, qui les réexporte comme étant des minerais rwandais.
« Nous tenons à saluer les récentes initiatives de l’ONU qui visent à ce que les entreprises acheteuses de minerais congolais s’assurent que leurs achats ne financent pas le conflit et les atteintes aux droits de l’Homme, mais seule la mise en œuvre concrète de ces initiatives permettra de connaître leur validité », a commenté Mike Davis, de Global Witness. « Non seulement les civils souffrent aux mains de violents groupes rebelles, mais ils sont également victimes de l’armée nationale, laquelle dépouille la population et abuse d’elle alors même qu’elle est censée la protéger. Ce rapport met en évidence les solutions à ce problème ; les entreprises internationales et les gouvernements se doivent désormais de faire preuve de la volonté politique nécessaire ».
Si Global Witness indexe quelques hauts gradés de l’armée nationale, c’est spécialement, insiste-t-elle, ceux relevant autrefois des groupes rebelles, actuellement injectés dans les Forces armées de la RDC (FARDC) par le fait d’une part, de l’accord de Sun City signé en 2003 en Afrique du Sud, et d’autre part, de l’accord de Goma, conclu en 2009 avec le CNDP et d’autres groupes armés opérant à l’Est. Ainsi, lorsque Global Witness parle de l’armée nationale, il y a plus une nuance quoi s’impose.
Brassage et mixage : Cadeau empoisonné
En effet, Kinshasa est tombé dans son propre piège, en laissant agir dans leurs territoires d’origine les unités rebelles intégrées dans l’armée. Après les opérations de mixage et du brassage, il était judicieux pour le gouvernement d’effectuer de permutations afin d’éviter que des éléments réintégrés dans les FARDC ne retournent à leurs anciens amours. Ce qui n’a pas été malheureusement le cas. Pour preuve, tout récemment, quelques éléments du CNDP, aujourd’hui reconnues dans l’effectif des FARDC, ont refusé formellement tout ordre de permutation en dehors des régions militaires de l’Est. Actuellement, Kinshasa paie le prix de ses propres turpitudes. En chargeant les FARDC, Global Witness ignore – avec raison d’ailleurs – la structure hétéroclite de l’armée nationale congolaise, formée des éléments issus, pour une bonne partie des ex-mouvements rebelles tels que le RCD et le CNDP, particulièrement pour les régions militaires de l’Est. L’erreur est que depuis les opérations de brassage et de mixage, ces nouvelles unités des FARDC n’ont jamais été déplacées de leurs anciens bastions. Ainsi, même opérant sous l’étiquette, elles sont toujours attirées par leurs activités de contrebande et de fraude minière, bravant ainsi l’ordre d’interdiction d’exploitation lancé depuis Kinshasa.
Sans faire allusion à ces détails, Global Witness souligne, dans les principales conclusions et recommandations de son rapport, que « le rôle de l’armée congolaise dans le commerce des minerais du conflit doit être pleinement reconnu ». « Ces troupes gouvernementales, poursuit-elle, se composent notamment d’anciens rebelles qui faisaient partie du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) en 2009. Ces combattants ont été formellement intégrés dans l’armée début 2009 mais continuent d’obéir aux ordres des commandants qui les dirigeaient à l’époque de la rébellion, notamment d’un général accusé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Depuis son intégration dans l’armée, le CNDP conserve ou a repris le contrôle des mines par la force des armes ».
Dangereux rapprochement
Par ailleurs, indique le rapport, « le groupe rebelle des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) contrôle, lui aussi, de nombreuses mines situées dans l’Est du Congo ». Plus précis, Global Witness note qu’ « une enquête de l’ONU a révélé que les FDLR et des groupes rebelles alliés étaient responsables d’au moins 303 viols perpétrés dans un groupe de villages de l’est du Congo entre le 30 juillet et le 2 août. Les enquêteurs de l’ONU ont établi un lien entre ces agressions et la concurrence autour du commerce de minerais ». Le rapport du Groupe d’experts de l’ONU du 29 novembre 2010, rappelle Global Witness, évoquait déjà une «coalition opérationnelle » entre les FDLR et les unités militaires de l’ex-CNDP. Global Witness est convaincue que « ces alliances sont conclues dans le but de se partager le butin du commerce de minerais ».
En même temps qu’elle s’inquiète de la très forte dynamique de cette coalition, Global Witness rappelle qu’ « aucune des entreprises consommatrices de minerais provenant de l’Est du Congo ne semble disposer de mesures de diligence raisonnable qui remplissent les critères établis par le Conseil de sécurité de l’ONU le 29 novembre 2010 ». Alors que les contrôles à effectuer dans le cadre de la diligence raisonnable doivent servir à proscrire le commerce des minerais du conflit sur le marché international.
Dans le registre des recommandations, Global Witness estime que « les gouvernements (Ndlr ; particulièrement ceux de la sous-région) doivent s’assurer que les entreprises remplissent ces critères. Au niveau international, les Etats-Unis se sont prononcés en faveur d’une action de grande envergure en adoptant en juillet 2010 une législation visant à mettre un terme au commerce international des « minerais du conflit ».
Mais, Global Witness pense que « les gouvernements malaisien et chinois, principaux importateurs d’étain et de tantale respectivement, doivent faire preuve d’un plus fort leadership à l’égard de la question des minerais du conflit. Ils devraient commencer par déclarer publiquement comment ils comptent s’assurer que les entreprises relevant de leur juridiction ne s’approvisionnent pas en minerais du conflit ».
De même, le Rwanda, deuxième destinataire des exportations de minerai d’étain congolais, ne semble « aucunement préoccupé par le fait que son territoire sert de voie de sortie et de zone de blanchiment des minerais du conflit », s’est indigné l’ONG britannique. Ainsi, « une stratégie de diligence raisonnable rigoureuse dédiée aux minerais arrivant sur le territoire rwandais contribuerait à stopper net le commerce des minerais du conflit ».
Le désastre de l’Est de la RDC et toutes les exactions commises sur la population civile par divers réseaux opérant de manière dans les mines devait, estime Global Witness, doivent interpeller les principaux bailleurs d’aide internationaux tels que le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Il est temps, de leur côté, recommande Global Witness, de « commencer à user de leur influence pour s’assurer que les gouvernements congolais et rwandais assument leurs responsabilités ».
Dans son rapport, l’ONG britannique se rabat sur des groupes rebelles encore actifs à l’Est et de hauts commandants de l’armée nationale qui « se disputent le commerce des minerais de l’Est de la République démocratique du Congo ». S’appuyant sur les travaux de recherche menés par ses services et sur le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la RDC, le rapport intitulé : « La colline leur appartient » met en évidence la manière dont des groupes armés dérobent à la population congolaise les profits qu’elle retire du commerce de minerais tels que l’étain et le tantale. Le rapport décrit par ailleurs les mesures que les gouvernements et les entreprises devraient prendre pour rompre les liens entre la violence, la corruption et les minerais dans la région.
Le double jeu de Kigali
Dans son rapport, Global Witness revient sur le double jeu de Kigali qui, malgré son rapprochement avec Kinshasa, continue à entretenir les réseaux qui réexportent à partir du territoire rwandais les minerais sortis frauduleusement de la RDC. Ainsi, l’ONG britannique pense qu’en réexportant des minerais de la RDC, Kigali encourage la poursuite des conflits armés dans la région des Grands Lacs.
Selon Global Witness, Kigali servirait de plaque tournante aux divers réseaux qui opèrent à l’Est de la RDC, fragilisant davantage toutes les initiatives prises par les autorités congolaises pour décourager toute forme de trafic illicite des minerais. Ainsi, l’or, la cassitérite, le wolframite et le coltan, continuent d’être exploités, avec curieusement l’encadrement des hauts commandants de l’armée congolaise et d’autres issue de divers groupes armés pour être ensuite exportés frauduleusement par les pays voisins, particulièrement au Rwanda, qui les réexporte comme étant des minerais rwandais.
« Nous tenons à saluer les récentes initiatives de l’ONU qui visent à ce que les entreprises acheteuses de minerais congolais s’assurent que leurs achats ne financent pas le conflit et les atteintes aux droits de l’Homme, mais seule la mise en œuvre concrète de ces initiatives permettra de connaître leur validité », a commenté Mike Davis, de Global Witness. « Non seulement les civils souffrent aux mains de violents groupes rebelles, mais ils sont également victimes de l’armée nationale, laquelle dépouille la population et abuse d’elle alors même qu’elle est censée la protéger. Ce rapport met en évidence les solutions à ce problème ; les entreprises internationales et les gouvernements se doivent désormais de faire preuve de la volonté politique nécessaire ».
Si Global Witness indexe quelques hauts gradés de l’armée nationale, c’est spécialement, insiste-t-elle, ceux relevant autrefois des groupes rebelles, actuellement injectés dans les Forces armées de la RDC (FARDC) par le fait d’une part, de l’accord de Sun City signé en 2003 en Afrique du Sud, et d’autre part, de l’accord de Goma, conclu en 2009 avec le CNDP et d’autres groupes armés opérant à l’Est. Ainsi, lorsque Global Witness parle de l’armée nationale, il y a plus une nuance quoi s’impose.
Brassage et mixage : Cadeau empoisonné
En effet, Kinshasa est tombé dans son propre piège, en laissant agir dans leurs territoires d’origine les unités rebelles intégrées dans l’armée. Après les opérations de mixage et du brassage, il était judicieux pour le gouvernement d’effectuer de permutations afin d’éviter que des éléments réintégrés dans les FARDC ne retournent à leurs anciens amours. Ce qui n’a pas été malheureusement le cas. Pour preuve, tout récemment, quelques éléments du CNDP, aujourd’hui reconnues dans l’effectif des FARDC, ont refusé formellement tout ordre de permutation en dehors des régions militaires de l’Est. Actuellement, Kinshasa paie le prix de ses propres turpitudes. En chargeant les FARDC, Global Witness ignore – avec raison d’ailleurs – la structure hétéroclite de l’armée nationale congolaise, formée des éléments issus, pour une bonne partie des ex-mouvements rebelles tels que le RCD et le CNDP, particulièrement pour les régions militaires de l’Est. L’erreur est que depuis les opérations de brassage et de mixage, ces nouvelles unités des FARDC n’ont jamais été déplacées de leurs anciens bastions. Ainsi, même opérant sous l’étiquette, elles sont toujours attirées par leurs activités de contrebande et de fraude minière, bravant ainsi l’ordre d’interdiction d’exploitation lancé depuis Kinshasa.
Sans faire allusion à ces détails, Global Witness souligne, dans les principales conclusions et recommandations de son rapport, que « le rôle de l’armée congolaise dans le commerce des minerais du conflit doit être pleinement reconnu ». « Ces troupes gouvernementales, poursuit-elle, se composent notamment d’anciens rebelles qui faisaient partie du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) en 2009. Ces combattants ont été formellement intégrés dans l’armée début 2009 mais continuent d’obéir aux ordres des commandants qui les dirigeaient à l’époque de la rébellion, notamment d’un général accusé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Depuis son intégration dans l’armée, le CNDP conserve ou a repris le contrôle des mines par la force des armes ».
Dangereux rapprochement
Par ailleurs, indique le rapport, « le groupe rebelle des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) contrôle, lui aussi, de nombreuses mines situées dans l’Est du Congo ». Plus précis, Global Witness note qu’ « une enquête de l’ONU a révélé que les FDLR et des groupes rebelles alliés étaient responsables d’au moins 303 viols perpétrés dans un groupe de villages de l’est du Congo entre le 30 juillet et le 2 août. Les enquêteurs de l’ONU ont établi un lien entre ces agressions et la concurrence autour du commerce de minerais ». Le rapport du Groupe d’experts de l’ONU du 29 novembre 2010, rappelle Global Witness, évoquait déjà une «coalition opérationnelle » entre les FDLR et les unités militaires de l’ex-CNDP. Global Witness est convaincue que « ces alliances sont conclues dans le but de se partager le butin du commerce de minerais ».
En même temps qu’elle s’inquiète de la très forte dynamique de cette coalition, Global Witness rappelle qu’ « aucune des entreprises consommatrices de minerais provenant de l’Est du Congo ne semble disposer de mesures de diligence raisonnable qui remplissent les critères établis par le Conseil de sécurité de l’ONU le 29 novembre 2010 ». Alors que les contrôles à effectuer dans le cadre de la diligence raisonnable doivent servir à proscrire le commerce des minerais du conflit sur le marché international.
Dans le registre des recommandations, Global Witness estime que « les gouvernements (Ndlr ; particulièrement ceux de la sous-région) doivent s’assurer que les entreprises remplissent ces critères. Au niveau international, les Etats-Unis se sont prononcés en faveur d’une action de grande envergure en adoptant en juillet 2010 une législation visant à mettre un terme au commerce international des « minerais du conflit ».
Mais, Global Witness pense que « les gouvernements malaisien et chinois, principaux importateurs d’étain et de tantale respectivement, doivent faire preuve d’un plus fort leadership à l’égard de la question des minerais du conflit. Ils devraient commencer par déclarer publiquement comment ils comptent s’assurer que les entreprises relevant de leur juridiction ne s’approvisionnent pas en minerais du conflit ».
De même, le Rwanda, deuxième destinataire des exportations de minerai d’étain congolais, ne semble « aucunement préoccupé par le fait que son territoire sert de voie de sortie et de zone de blanchiment des minerais du conflit », s’est indigné l’ONG britannique. Ainsi, « une stratégie de diligence raisonnable rigoureuse dédiée aux minerais arrivant sur le territoire rwandais contribuerait à stopper net le commerce des minerais du conflit ».
Le désastre de l’Est de la RDC et toutes les exactions commises sur la population civile par divers réseaux opérant de manière dans les mines devait, estime Global Witness, doivent interpeller les principaux bailleurs d’aide internationaux tels que le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Il est temps, de leur côté, recommande Global Witness, de « commencer à user de leur influence pour s’assurer que les gouvernements congolais et rwandais assument leurs responsabilités ».
In Le Potentiel, mis en ligne le 6.01.2011
© Congoindépendant 2003
© Congoindépendant 2003
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