Par Le Potentiel
Capitaliser les acquis géopolitiques et géostratégiques des années passées depuis la guerre d’agression menée contre notre pays par les puissances occidentales depuis 1996 pourrait éviter à certains acteurs politiques congolais et africains de retomber dans les erreurs de notre passé récent.
Une lecture croisée du dernier article de Colette Braeckman et de la sortie médiatique de Vital Kamerhe du 14 décembre 2010 permet de voir comment les erreurs du passé risquent d’être reconduites dans la lecture de la marche du monde faite par certain(es) d’entre nous. (Le fait que plusieurs d’entre nous ne lisent plus Colette Braeckman et/ou ont de l’aversion à l’endroit de ses écrits n’empêchent pas à certains autres de nous proposer ses textes sur le net. La lire de temps à autre et la critiquer (positivement ou négativement) seraient l’une des options à prendre.)
Dans Kinshasa tire les leçons de la Côte d’Ivoire, la journaliste du journal Le Soir donne sa lecture de la crise ivoirienne en la comparant à celle que connaît la RD Congo depuis la chute de Mobutu jusqu’à ce jour. Dans cet article, Colette Braeckman rapproche Joseph Kabila de Laurent Gbagbo- nous nous le rapprocherions d’Alassane Ouattara dans un prochain article-pour des raisons qui lui sont évidentes.
Le texte de Colette contient quand même des extraits méritant une certaine attention. Les lecteurs de derniers livres de Pierre Péan et Charles Onana pourraient partager certaines des hypothèses défendues par la journaliste du journal Le Soir. Dans son étude comparative, Colette Braeckman note :
« La France a vu disparaître son hégémonie d’autrefois, de la même manière qu’au Congo, les Européens doivent désormais côtoyer de nouveaux partenaires. Derrière le maintien ou non de Gbagbo au pouvoir se joue le contrôle du Golfe de Guinée, cet Eldorado pétrolier que Français ou Américains, en perte de vitesse dans le monde arabe, et unis pour cette fois, ne souhaitent pas voir passer en d’autres mains.
A leurs yeux, Alassane Ouattara, ami personnel de Sarkozy, ancien directeur du FMI, gestionnaire libéral et avisé, représente un interlocuteur beaucoup plus crédible que Gbagbo le nationaliste. A l’instar de bon nombre d’Africains, l’opinion congolaise observe l’exceptionnelle unanimité de la communauté internationale à propos de la Côte d’Ivoire et se demande quel est le véritable enjeu de l’épreuve de force en cours. »
Les Congolais(es) se posant des questions sur le véritable enjeu de l’épreuve de force en Côte d’Ivoire peuvent désormais savoir qu’après avoir perdu leur arrière-cours en Amérique Latine et eu égard aux énormes difficultés qu’ils rencontrent au Moyen-Orient, Français et Américains font peser leurs menaces sur plusieurs pays et sous-régions d’Afrique regorgeant des ressources naturelles et d’autres matières premières stratégiques.
Quelle leçon pourraient-ils tirer, une fois pour toutes d’un tel constat ? Suffit-il de se rendre simplement compte de l’hostilité que nourrit la fameuse communauté dite internationale à l’endroit de quiconque voudrait travailler pour que les populations africaines profitent de leurs ressources du sol et du sous-sol ? Les acteurs politiques congolais et africains prennent-ils la mesure de ce que peut produire cette hostilité ?
A lire la réaction de Vital Kamerhe à la proposition du gouvernement en place à Kinshasa au sujet du scrutin présidentiel à tour unique, la réponse à cette dernière question est négative. Kamerhe soutient ce qui suit (selon l’AFP) : « Le gouvernement a proposé lundi le passage à un scrutin présidentiel à tour unique, "moins onéreux" (350 millions de dollars américains au lieu de 700 millions) et censé éviter au pays "une guerre identitaire", ce qui impliquerait une modification de la Constitution. La raison budgétaire avancée par le gouvernement est "fallacieuse" car la communauté internationale pourrait prendre "en charge une grande partie du financement des élections" comme en 2006. »
Pour un Président d’un parti politique disant à qui veut l’entendre qu’il est du côté du peuple, cette référence à la nébuleuse dénommée communauté internationale fait tiquer. Comment peut-il vouloir que le peuple tire bénéfice d’un scrutin financé par des pays occidentaux en quête de la marchandisation continue du monde en général et de l’Afrique en particulier ? Les élections financées par cette nébuleuse lui profiteront. Elles ne profiteront pas au peuple congolais.
Lors de la sortie officielle du parti de Vital Kamerhe, parmi les critiques adressées au gouvernement actuel de Kinshasa, il soulignait son inefficacité dans l’amélioration du climat des affaires. C’est-à-dire dans la privatisation des entreprises publiques et la revisitation des contrats léonins. Ajouter l’amélioration du climat des affaires à la foi du président de l’UNC en « la philanthropie » de la communauté dite internationale, vous avez là quelques points faibles d’un parti qui se voudrait nous convaincre qu’il est du côté du peuple et veut pratiquer la social-démocratie ! Non. Il y a un problème : sortir des sentiers battus !
Ces deux remarques faites à l’endroit de Vital Kamerhe peuvent être faites à plusieurs formations politiques africaines, congolaises et autres ONG de nos sociétés civiles n’ayant tiré aucune leçon sérieuse de la guerre d’agression que nous mènent les puissances occidentales depuis 1996, de l’actuelle crise ivoirienne et du documentaire françafrique.
Il y a dans l’extrait susmentionné (du texte de Colette Braeckman) un mythe que plusieurs africains-nous-mêmes y compris- sont en train de gober sans un examen sérieux : la guerre entre les occidentaux et les chinois en Afrique. Cette affaire semble être un mythe destiné à cacher la cupidité de tous les fanatiques du marché. Tenez. Plusieurs multinationales occidentales ont délocalisé et opèrent à partir de la Chine en payant aux chinois des salaires de misère. Et puis, qui dit multi ou transnationale dit aussi la pluralité de provenances des capitaux investis dans ces entreprises.
La Chine rachète plusieurs entreprises en Europe et en Amérique. Elle partage le Conseil de sécurité avec les USA et la France. Elle vend les armes légères dans les pays satellites des USA et des autres pays occidentaux en Afrique. Elle y fabrique même les armes. La Chine ultralibérale est ouverte au marché occidental et vice-versa. Et « les éléphants ne se mangent pas entre eux. »
Entretenir ce mythe contribue à occulter les dégâts que la Chine cause dans nos pays et sur son propre sol. Là, toute la richesse est concentrée entre les mains d’une infime minorité de la population aux dépens de la grande majorité. « La société chinoise est l’une des plus inégalitaires du monde. 5% des plus riches s’approprient plus de la moitié des richesses. » (E. Laurent, La face cachée du pétrole. L’enquête, Paris, Plon, 2006, p.317)
Le contrôle de l’information y est monnaie courante et les voix critiques y sont rares. Constituer et/ou renforcer un réseau alternatif à l’actuel réseau transnational de prédation et de cupidité exigerait que la majorité des chinois, victimes de l’ultralibéralisme rejoigne d’autres peuples du monde dans la lutte pour la liberté et la dignité humaine. (A suivre)
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