dimanche 2 janvier 2011

"Kabila" parle d’un Congo irréel où règne la paix et l’Etat de droit

 
"Joseph Kabila".

Dans son message de voeux à la Nation, vendredi 31 décembre, "Joseph Kabila" a invité la population congolaise "à redoubler d’efforts" pour permettre à la RD Congo d’affirmer "sa grandeur". Comme pour relayer l’appel lancé le 24 décembre dernier par le Cardinal Laurent Monsengwo, il a exhorté les Congolais à un "sursaut national". Sans d’autres précisions. Le message présidentiel dissimule mal une vision confuse du rôle de l’Etat et celui des citoyens.
Analyse

Il est toujours affligeant d’entendre le détenteur du pouvoir d’Etat - mieux, de la puissance publique - faire l’aveu de son impuissance en imputant aux citoyens la responsabilité de ses propres défaillances. La mission originelle de l’Etat ne consiste-t-elle pas à résoudre au quotidien les problèmes inhérents à la vie collective?

Dans son message à la Nation, "Joseph Kabila" a commencé par appeler le peuple congolais "à redoubler d’efforts" afin que leur pays "affirme sa grandeur". Que doivent faire précisément les citoyens en dehors de la défense de leurs intérêts individuels? Le locuteur est resté muet. Sous d’autres cieux, les dirigeants se comportent en impulseur du progrès économique et social. Au Congo, "Kabila" préfère se dérober en sollicitant "l’implication sincère de tous en vue de relever quatre défis\". A savoir notamment : "la préservation des acquis de la paix et de l’Etat de droit, la capitalisation des sacrifices et des investissements consentis pour stabiliser le cadre macro-économique et relancer la croissance, la poursuite sans relâche de la lutte contre les antivaleurs et la reconstruction du pays".
«Préserver les acquis de la paix et de l’Etat de droit»

Le chef d’Etat congolais se donne-t-il la peine de parcourir les textes préparés par ses collaborateurs avant de les "lire" en public comme un bon élève qui réciterait un texte appris par coeur? "Kabila" est-il sérieux lorsqu’il parle de "préservation des acquis" de la paix et de l’Etat droit? De quels "acquis" s’agit-il? Où a-t-il aperçu la paix et l’Etat de droit? Peut-on préserver quelque chose qui n’existe pas? Comment peut-il parler des "acquis de la paix" pendant que les Congolais des provinces du Kivu et de la Province Orientale continuent à "survivre" dans la peur au quotidien. Viol, pillages, meurtres ne sont-ils pas des faits devenus banals dans la vie de tous les jours? Peut-on parler de paix pendant que la culture de la violence règne en maître dans ces contrées? Dans cette partie du pays, l’Etat, en tant que pouvoir politique, a démissionné. Comment peut-il parler d’Etat de droit dans un pays où l’arbitraire - c’est à dire les caprices des puissants du moment - a supplanté les lois et les règlements? Comment peut-il parler d’Etat de droit dans un pays où la justice est au service des intérêts politiques? "Joseph" vit-il dans le même pays que les 60 milllions des Congolais?

Le speech présidentiel est, comme de coutume, truffé d’une litanie de formules convenues : «C’est dans cet esprit que nous devons affronter les échéances, y compris politiques, de l’année qui s’annonce»; «nous ferons de 2011 une année de progrès dans la réalisation des aspirations de nos populations, une année digne des annales de notre histoire, une année mémorable pour notre progéniture». Suspecté de déloyauté à sa "patrie", le "raïs" prend la posture d’un "patriote" en encourageant ses concitoyens a manifesté de "la passion" pour leur pays. En quoi faisant? Silence radio.
Entre le discours et l’action

Dans son envolée lyrique, "Kabila" a martelé sa volonté d’\"assumer sans aucune concession ses responsabilités en tant que chef de l’Etat, garant du bon fonctionnement des institutions". En lisant entre les lignes, force est de relever que le locataire du palais de la Nation a une conception très mesquine de la fonction présidentielle. Pour lui, le rôle du président de la République consiste uniquement à brandir la matraque face à ceux qui contestent la "légitimité" d’un pouvoir défaillant, incapable d’assurer le bien-être collectif. Pour lui, le pouvoir n’a cure du respect. Il doit être craint.

"Kabila" qui n’a foulé le sol congolais qu’en octobre 1996, soit officiellement à l’âge de 25 ans, s’est hasardé à dresser le "bilan de cinquante années d’indépendance". Selon lui, ce bilan est "pour le moins mitigé". «Nous aurions dû, et nous aurions pu certainement mieux faire», a-t-il ajouté comme pour se donner bonne conscience. Qu’a-t-il fait de ses dix années passées à la tête du pays? Pourquoi n’a-t-il pas "fait mieux" que ses prédécesseurs? Qu’en est-il de l’année 2010 décrétée "l’année du social" sans qu’il y ait eu l’amorce des réalisations dans ce sens?

Soufflant le chaud et le froid, "Kabila" s’est hasardé à affirmer que «2010 nous a cependant offert d’amples raisons d’être fiers et d’espérer en un avenir meilleur». Selon lui, "les perspectives de développement du pays n’ont jamais été aussi bonnes". "A titre d’exemple, (...) la paix s’est davantage consolidé au point que la Noël a été fêtée sans qu’aucun coup de feu n’ai été tiré sur l’ensemble du territoire national". Le silence momentané des armes signifie-t-il que l’autorité de l’Etat a été rétablie et que les groupes armés ont été anéantis? Toutes ces questions n’ont pas l’heur d’impressionner le "raïs" qui poursuit : " Sur le plan économique, l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE" impliquant l’annulation d’une importante partie de la dette extérieure.

Parmi les autres "raisons d’espérer", le numéro un Congolais d’épingler "l’assainissement du climat des affaires et de l’appareil judiciaire". Comme à son habitude, l’homme confond les textes légaux promulgués en ces matières et les réalités sur le terrain. Pour lui, "projet" et "réalisation" c’est du pareil au même. A preuve, "l’assainissement du climat des affaires" claironné par "Kabila" n’a pas empêché la RD Congo à caracoler, cette année encore, dans le peloton de queue des mauvais élèves de "Doing business". Du côté de la justice, les magistrats congolais n’ont pas rompu avec les "antivaleurs". Ils sont toujours impliqués dans diverses combines dont les conflits fonciers montés de toutes pièces par des agents véreux du cadastre.

Pendant que les Congolais sont loin de manger à leur faim, "Kabila" fait l’éloge de la "relance de la production agricole grâce à la mise en service de milliers de tracteurs et à la réhabilitation de fermes agricoles pilotes." Il n’a pas oublié la sacro-sainte "reconstruction des infrastructures" en annonçant "l’accélération des travaux à travers la modernisation de la voirie urbaine, particulièrement à Kinshasa, la réouverture de plusieurs axes routiers d’importance nationale, l’asphaltage de centaines de kilomètres de routes, la construction ou la réhabilitation de ponts et la mise en service de bacs". Pas un mot sur les réponses données aux besoins essentiels de la population.

A en croire le "raïs", la diplomatie congolaise a subi une "profonde restructuration" suite à la conférence diplomatique qui s’est tenue à Kinshasa. Une fois de plus le «raïs» a étalé son incapacité à faire le départ entre les résolutions annoncées lors de ces assises et les réformes réellement accomplies.
Madeleine Wassembinya/B.A.W 
© Congoindépendant 2003-2011

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