Les négociateurs africains Raila Odinga, Ernest Koroma, Pedro Pires et Boni Yayi le 3 janvier 2011 à Abidjan ©AFP
PARIS (AFP)
Les Etats africains, qui revendiquent un rôle accru dans la gouvernance mondiale, présentent une rare unité dans la gestion de la crise ivoirienne, soucieux d’affermir leur crédibilité avant une succession d’élections sur le continent en 2011.
La fermeté de l’Union africaine (UA) ou de l’instance régionale de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont conduit les Occidentaux, l’ex-puissance coloniale française en tête, à se retrancher souvent prudemment derrière la position africaine.
Mardi, le président français Nicolas Sarkozy a souligné que si la Côte d’Ivoire, qui fut "longtemps un exemple", se mettait "hors du champ de la démocratie, alors c’est pour toute l’Afrique que nous aurions à craindre".
"Les dirigeants africains ont décidé de frapper fort, dans la perspective des prochaines échéances électorales", affirme à l’AFP Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Alors que des scrutins à risque sont attendus au Tchad, en Centrafrique, au Cameroun ou en RDCongo, où une révision constitutionnelle controversée s’annonce déjà, l’UA joue en partie sa crédibilité.
"La Côte d’Ivoire peut être un tournant dans la façon dont l’Afrique gère ses conflits.Il n’y a jamais eu une unité aussi nette", souligne l’expert.
Très vite, après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre en Côte d’Ivoire, les Etats africains ont pris parti, entérinant la victoire d’Alassane Ouattarra, déclaré vainqueur par la commission électorale ivoirienne, et demandé le départ du sortant Laurent Gbagbo.
Alors que l’armée et l’appareil d’Etat sont du côté du sortant, UA et Cédéao ont dépêché des médiateurs et multiplié les pressions, privant notamment Laurent Gbagbo de l’accès aux comptes en devise de l’Etat ivoirien, jusqu’à la menace d’une intervention militaire, encore réitérée mardi soir.
Contrairement à ce qui s’est passé au Kenya en 2008 où "le partage du pouvoir a été préféré au risque de massacres à grande échelle", en Côte d’Ivoire, souligne Parscal Boniface, "dès le départ, l’option du partage du pouvoir a été exclue".
Et contrairement au président zimbabwéen et vieux héros de l’indépendance Robert Mugabe, décrié mais qui a toujours gardé un précieux soutien sud-africain, Gbagbo est lui "réellement isolé", estime-t-il.
Pour le chercheur David Ambrosetti, spécialiste des crises et organisations internationales, la crise ivoirienne peut paradoxalement être une "opportunité" pour les instances africaines.
"Alors qu’on reprochait à l’OUA (ancêtre de l’UA) d’être un club de chefs d’Etats hostiles à toute ingérence, l’Union africaine, qui a créé en 2002 un département de paix et de sécurité, a montré sa disposition à agir en cas de crises graves", explique l’universitaire.
Ces dernières années, l’UA a envoyé des troupes au Burundi, au Darfour, aux Comores et en Somalie : des opérations qui, pour David Ambrosetti, "montrent une volonté mais aussi beaucoup de faiblesses, car très vite se pose la question de la prise de relais sur le terrain avec les Nations unies".
L’exemple ivoirien est particulier : "il faut trouver un facilitateur acceptable pour toutes les parties.Et l’ONU, qui a certifié les résultats électoraux et consacré Alassane Ouattara comme vainqueur, ne peut plus jouer ce rôle", explique le chercheur.
Une bonne gestion de la crise renforcerait en outre la légitimité des Etats africains, qui réclament depuis 2005 deux sièges permanents avec droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU.
L’action de l’UA peut être d’autant mieux acceptée, selon plusieurs historiens, que le modèle démocratique est mieux intégré par les acteurs politiques africains, qui se rendent comptent que l’élection n’est pas une machine à faire voler en éclat un pouvoir établi (Bénin, Cameroun, Nigeria) et peut même favoriser une succession dynastique (Gabon, Togo).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire