par Jean-Pierre Mbelu |
Vendredi, 21 Janvier 2011 |
En voyant ce qui se passe en Tunisie, plusieurs compatriotes Africains estiment qu’une autre Afrique est en train de naître. En effet, après avoir formé une élite intellectuelle qu’elle était devenue incapable d’employer, la Tunisie aurait, en quelque sorte, creusé elle-même sa tombe. Plusieurs Tunisiens ont contribué à la révolution tunisienne dont les jeunes de Takriz. « Fondé en 1998, par quelques jeunes cherchant juste à se marrer, Takriz s’est vite transformé en relais des critiques et des infos censurées. Jusqu’à un million de visiteurs par jour ! Interdit et fermé en 2000, le groupe contourna le blocage grâce à ses hackers performants. » (Lire La Tunisie, première cyber-révolution, dans www.michelcollon.info) Ces jeunes ont mené une campagne virulente contre Ben Ali en véhiculant une bonne information. Ils l’avouent en ces termes : « Etant déjà connus pour nos campagnes contre Ben Ali, grâce à nos sources et notre public, nous diffusions sur un large réseau. Nous dormions très peu et essayions de partager un maximum d’informations en temps réel en s’assurant qu’elle soit juste. » (Ibidem) Comment ces jeunes ont-ils mené leurs actions ? « C’est assez désorganisé, des petits groupes organisent des manifs et d’autres relayent l’info sur internet et on ne sait jamais combien de personnes vont venir. Nous sommes à l’écoute, chacun propose son idée, s’il veut faire : il fait. Sur place, c’est souvent de l’improvisation. Chez Takriz, dès que les émeutes ont atteint les grandes villes de Tunisie, nos membres basés sur place ont organisé des manifestations. Ils drainaient du monde avec eux et nous donnaient des comptes rendus. Il y avait pas mal de personnes très déterminées qui se plaçaient en première ligne. Ceux qui avancent malgré les tirs de police et donnent du courage au reste de la foule. » (Ibidem) Tout ce travail en réseau abattu sur le temps a fini par porter du fruit : Ben Ali a fui. « Après la départ de Ben Ali et la suppression de la censure, il y a eu un sentiment national de trêve dès la premier jour. Mais nous n’oublions pas le RCD et ce qu’il a fait, disent les jeunes de Takriz : pour nous l’insécurité vient du RCD et si on ne casse pas cette dictature avec les racines, ce n’est pas une révolution. Nous continuons donc la lutte. » (Ibidem) Dans leur quête de la cassure de la dictature de Ben Ali avec ses racines, « les révolutionnaires Tunisiens » ont réussi à identifié ses relais internes et externes. Ils ont exigé que ses relais internes arrêtent de gérer, même de manière transitoire, la chose publique. Sont-ils entendus ? Seront-ils entendus ? La démission de certains ministres du gouvernement transitoire semble être un signal positif. Mais l’emprise de l’armée reste forte en Tunisie. D’où la question de savoir si l’identification des relais externes de Ben Ali permettra de les mettre hors d’état d’agir. « Ce qui se passe en politique ne relève pas du hasard », aurait dit un Président Américain.Est-il vrai que ce qui est arrivé à Ben Ali soit uniquement le fait des Tunisiens ? Que les membres du RCD aient entretenu l’insécurité et que certains d’entre eux se soient retrouvés au gouvernement, cela a conduit certains compatriotes Africains à soutenir que Ben Ali, ses relais internes et externes ont préparé sa fuite. Que pensent tous ces relais de la récupération populaire de la révolution ? Vont-ils croiser les bras ? En analysant ce qui se passe en Tunisie, les Africains avertis estiment que « la révolution tunisienne » devrait être replacée dans le contexte de ce qui s’est passé au Niger, en Côte d’Ivoire, au Soudan et dans la région des Grands Lacs. Un Berlin II serait en marche. Les USA et leurs alliés instrumentalisant l’ONU et le Rwanda dans la crise soudanaise sont en train de réussir leur coup : l’occupation du Sud-Soudan avec comme conséquence à court ou moyen terme la balkanisation du Congo et la création du marché de l’Afrique de l’Est avec un Congo amputé de Kisangani et des Kivu. La France de Sarkozy, bien qu’étant un allié des USA, ne serait pas disposée à déserter son pré-carré. La situation floue créée par la mort de ses ressortissants au Niger lui permet de s’y installer. (Les méchantes langues estiment même qu’elle aurait participé, de près ou de loin, à cet assassinat pour justifier son occupation d’une partie du Niger.) La présence de la France au Niger et dans ses autres ex-colonies lui permettrait d’être aux commandes dans ce continent aux côtés de la Chine , des USA et de leurs alliés. Les compatriotes Africains qui savent que la Chine a signé des accords commerciaux et avec les USA et la France se rendent comptent que Berlin II ne profitent en rien à l’Afrique. En RD Congo, les accords secrets conclus entre les gouvernants actuels et le Rwanda (cfr Interview de Vital Kamerhe sur Télé Sud) attestent que notre pays demeure dans la logique prônée par le maître du Rwanda et ses parrains. Comme avant la fuite de Ben Ali, l’assassinat des étudiants à l’UNIKIN constitue, avec les viols à l’Est de notre pays et les massacres des compatriotes à Kinshasa et des les provinces environnantes, l’avant-goût d’une politique de la terre brûlée. Elle risque d’aller se corsant ! Les gouvernants de Kinshasa la pratiqueront et la mettront sur le dos du camp en face. Ils seront aidés dans cette entreprise par les médias coupagistes. Elections ou pas, ils ont les mains liées : ils ne sont pas libres de rompre les chaînes dans lesquelles ils se retrouvent depuis la guerre d’agression de 1996. (Ceux et celles d’entre nous qui ont suivi le documentaire intitulé « Qui a tué Laurent-Désiré Kabila ? » doivent avoir compris que l’implication des gouvernants actuels dans cet assassinat est criante. Ils l’ont fait pour ouvrir le Congo aux investisseurs étrangers.) Que faire ? Nous inscrire davantage dans la logique de la résistance et de la révolution non-violente. A ce point nommé, l’exemple de la Tunisie peut inspirer. « Les révolutionnaires Tunisiens » ont réussi ( ?) leur coup avant d’envisager l’organisation des élections. Ils poursuivent leur lutte, mains nues, en exigeant que les alliés de Ben Ali ne participent pas à la gestion transitoire du pays. La révolution leur a permis de récupérer certains droits et certaines libertés fondamentales dont la liberté d’expression, la libération des prisonniers politiques et la liberté d’association (d’où la reconnaissance de tous les mouvements existants au pays.) « Les révolutionnaires Tunisiens » doivent avoir compris que la mort de l’Afrique passe par la corruption et l’achat des consciences de certains de ses enfants. Ils devraient avoir approfondi, de l’une ou de l’autre façon, ce que soutenait Frantz Fanon dans son livre intitulé Pour la révolution Africaine : « Notre tort à nous, Africains, est d'avoir oublié que l'ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d'avoir cru que l'ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité (…) L'hésitation dans le meurtre n'a jamais caractérisé l'impérialisme. » A notre avis, « les révolutionnaires Tunisiens » n’ont pas mis la charrue avant les bœufs. Sans coordination des groupes acquis au changement, ils ont su mettre à profit le sens patriotique des minorités organisées. En RD Congo, le processus électoral (incertain) mène en bateau toute une élite décidée à mettre la charrue avant les bœufs. Cette élite donne l’impression d’aimer l’amnésie. On l’a vue aller implorer l’assistance de l’ONU, oubliant que Lumumba est tué pendant que les casques blues sont au Congo ! Il est possible qu’elle réussisse. Mais nous nous n’y croyons pas. Si, suivant l’exemple tunisien (dans une certaine mesure l’exemple ivoirien), certains d’entre nous et leurs réseaux réussissaient des révolutions populaires, ils devraient vite penser à une nouvelle Union Africaine. L’Afrique n’aura d’avenir qu’unie contre les vampires du monde entier. Elle n’a pas d’autre choix. |
vendredi 21 janvier 2011
La RDC et l’exemple tunisien
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