Interview au quotidien « La Dépêche de Brazzaville »
Pierre Mongo : « le Congo sert souvent de bouc émissaire dans tout ce qui se passe en RDC »
La commission spéciale Défense et sécurité entre les deux Congo s’est réunie les 9 et 10 mars à kinshasa. Le directeur des renseignements extérieurs du Congo, le colonel Pierre Mongo, revient, dans l’entretien qu’il a eu avec Les Dépêches de Brazzaville, sur les grandes lignes des discussions engagées entre les deux parties.
L’immigration clandestine
Les choses doivent être claires, je me permets d’évoquer ces questions avec l’autorisation de ma hiérarchie : il faut que nos frères de la RDC sachent ce qu’ils veulent. Nous avons en partage une très longue frontière et forcément les problèmes se posent et, en plus de cela,il faut dire aussi que nous avons une situation économique et sociale plus viable, qui justifie une certaine attirance pour notre pays. Et donc il y a une forte immigration en provenance de la RDC qu’il faut gérer.
Chaque fois quand nous prenons des mesures pour gérer l’immigration clandestine, ils manifestent une certaine hostilité. Souvenez-vous, quand nous avons organisé l’opération stérilisation à la veille de la célébration du cinquantenaire, le 15 août 2010, les autorités de la RDC jusqu’au plus haut niveau ont manifesté une certaine réticence. En réalité, il s’agissait tout simplement de stériliser ce que nous appelons la frange fluviale qui regorge des vieilles carcasses des bateaux et des bâtiments abandonnés. Ce sont les refuges pour les « balados » et les « koulounas », qui s’y sont installés, opérant des vols, des viols, des séquestrations, etc.
Les ex-FAZ et ex-DPP
Le moindre contrôle montre que ces personnes basées au fleuve, à notre frontière, sont toutes en situation irrégulière. Plutôt que de les interpeller et les mettre dans des geôles de Brazzaville, sachant que l’immigration clandestine est un délit, nous les renvoyons chez elles à Kinshasa. Les autorités de leur pays ne sont pas d’accord. Or s’il faut les laisser dans l’état où elles sont ici, ces personnes peuvent à tout moment se rendre à Kinshasa. Quand elles opèrent là-bas, on retiendra qu’elles viennent de Brazzaville mais, en réalité, ce sont des gens hors contrôle. Cela est vrai aussi pour les ex-FAZ(ex-armée zaïroise) et les ex-DPP( les militaires anciennement affectés à la garde du vice-président Jean-pierre Bemba) qui ont traversé et trouvé refuge ici. Souvenez-vous des familles que nous avions mises à Essio, à quelques kilomètres du district d’Ignié. Nous les avons supportées pendant quelques temps. Le Congo ne peut pas supporter éternellement les anciens militaires venus de la RDC.
Chaque fois que l’on aborde la question de leur retour au pays, la RDC qui est responsabilisée pour fournir un plan de sortie de crise n’arrive jamais à le faire. C’est de façon récurrente. On a l’impression que quand il faut parler, nos frères de la RDC parlent abondamment, et quand il faut agir ils agissent moins. Les ex-FAZ, tout le monde sait que leur présence ici empoisonne depuis un certain temps les rapports entre les deux Etats. Nous nous sommes assis ensemble avec l’OIM (Office international de migration) pour demander au pays d’origine de mettre en place les conditions de leur retour. Depuis trois ans, le plan de rapatriement promis par Kinshasa n’est pas arrivé.
Qu’est ce qui a motivé la mission de la délégation de Brazzaville à Kinshasa ?
Nous avons tout simplement répondu à l’invitation de nos frères de la RDC. Nous avions, en octobre 2009, signé un protocole portant création d’une commission spéciale Défense et sécurité au sein de la grande commission mixte. Le texte prévoit deux réunions par an. A l’issue de la réunion de 2009, la RDC aurait dû convoquer en décembre ou janvier 2010 la deuxième session ; cela n’a pas été fait jusque-là. Et dans l’urgence, ils nous ont invités. Naturellement, nous sommes allés avec l’accord des plus hautes autorités de l’Etat et je pense qu’en cela, il faut remercier les deux chefs d’Etat qui ne cessent de manifester leur volonté de voir se raffermir encore un peu les liens qui unissent les deux peuples. Nous sommes allés et nous supposons bien entendu que les problèmes d’actualité ont motivé de façon sérieuse la convocation de cette rencontre.
Que disent vos homologues de Kinshasa sur les événements du 27 février ?
Il nous a été fait un exposé assez exhaustif du déroulement des événements. L’on retient que :
-Premièrement, des groupes des citoyens de la RDC se seraient organisés pour attaquer simultanément la résidence du chef de l’Etat, la base logistique du camp Kokolo, l’aéroport de Ndjli, celui de Ndolo et la maison d’arrêt central de Kinshasa.
-Deuxième fait : toutes ces personnes étaient armées des machettes de marque Tramotina.
-Troisième fait : en réalité les opérations ainsi projetées n’ont été déclenchées qu’à la résidence du président de la République et la base logistique.
-Quatrième fait : certains de ces assaillants seraient venus de Brazzaville et seraient des ex-DPP.
Des investigations menées ont conclu qu’aucune autorité ou service de la République du Congo n’était impliqué dans cette affaire. Cela est clair et constant. Cela a été dit au cours d’une réunion à laquelle ont participé le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et de la sécurité, le ministre de la Défense, le ministre de la Justice et des droits humains, tous accompagnés des experts. Je suppose que c’est le résultat des investigations menées, parce que le pays compte d’experts en matière d’enquête, contredisant ainsi toutes les déclarations qui ont été faites de façon hâtive à gauche et à droite.
Des enseignements sécuritaires que nous tirons
-1- La persistance de la présence des ex-FAZ et ex-DPP sur notre territoire est toujours de nature à compromettre la bonne qualité de nos rapports ;
-2- Il est urgent que nous discutions d’un bon plan de sortie de cette crise ;
-3- Nous nous apercevons aussi que le Congo sert souvent de bouc émissaire à tout ce qui se passe en RDC. Je rappelle tout de même que dans le temps voisin de cette attaque du 27 février, il y a eu des problèmes dans le Bandundu ; il y a aussi eu l’attaque de l’aéroport de Lubumbashi. Grâce à Dieu pour nous, Lubumbashi n’est pas frontalier à Brazzaville ; Kikwit non plus. Si tel était le cas, il y aurait de fortes chances que Brazzaville soit accusée. Je rappelle, s’agissant de Brazzaville, que le président de la République l’a toujours dit, notre pays ne servira jamais de base pour la déstabilisation d’un Etat voisin. Dans nos rapports avec la RDC, nous nous en tiendrons à la stricte application du pacte de non-agression signé entre les deux Etats le 29 décembre 1998.
Le cas du général Faustin Munene
Un général, ancien vice-ministre de la sécurité et de l’ordre public de la RDC, ancien chef d’Etat-major, ancien commandant de la force aérienne, pour des raisons internes à son pays, trouve refuge au Congo, comme d’autres politiciens avant lui. En son temps, aussi, le président Laurent Désiré Kabila lui-même avait aussi trouvé refuge ici. Munene s’installe à Pointe-noire et est complètement oublié des autorités de Brazzaville. Représentait-il un danger pour les institutions de la RDC, eux-mêmes le savent, parce qu’il faut aussi s’interroger sur le cursus de ce général Munene. Est-il un général en mesure de conduire une opération d’envergure sur la RDC et réussir ? C’est une interrogation.
Finalement Munene aurait envoyé à Kinshasa une expédition de soixante-dix personnes à mains nues pour déstabiliser les institutions. Aussitôt que nous avons eu l’information, ce général a été mis aux arrêts. Depuis, un procès s’est ouvert dans son pays, notamment à Matadi, des condamnations ont été prononcées : condamnation o la prison à perpétuité pour Munene et à d’autres peines dont l’échelle varie selon la gravité des faits reprochés à chacun. Mais les peines sont fortes… Lors de notre rencontre, la RDC nous a demandé de remettre Munene. Dans l’ordonnancement juridique congolais, nous ne connaissons pas cette procédure de remise d’une personne condamnée. Nous avons tout simplement suggéré à nos frères d’engager les procédures qui sont reconnues par les textes liant les deux Etats.
Quelles procédures.
Les mécanismes sont divers ; nous avons, par exemple, le mécanisme prévu par la convention du 12 avril 1978 sur la coopération et l’entraide judiciaire et qui parle expressément des possibilités d’extradition. Comme nous le savons, l’extradition est une procédure judiciaire. Nos amis de la RDC en parlent depuis. Depuis que la question a été officiellement évoquée, la
réponse a été ainsi donnée. Ce n’est pas à nous de déclencher la procédure de demande d’extradition. Au-delà, il n’y a pas un autre mécanisme.
L’ambiance qui a prévalu lors de votre rencontre
Nous avons travaillé dans une très bonne ambiance.
(ndlr : Réponse diplomatique !)
Propos recueillis
Par Gankama N’Siah
CONGO-RDC
Communiqué final de la deuxième session de la commision spéciale de défense et sécurité entre la République démocratique du Congo et la République du Congo, tenue à Kinshasa les 9 et 10 mars 2011
Sur invitation du gouvernement de la République démocratique du Congo et en application du protocole d’accord portant création de la Commission spéciale défense et sécurité entre la République démocratique du Congo et la République du Congo, il s’est tenu à Kinshasa, les 9 et 10 mars 2011, la deuxième session de la Commission spéciale défense et sécurité.
La délégation de la République démocratique du Congo était conduite par son Excellence M. Luzolo Bambi, ministre de la Justice et droits humains, représentant le ministre de la Coopération internationale et régionale.
La délégation de la République du Congo était conduite par son Excellence M. Raymond Zéphirin Mboulou, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation.
Les personnes ci-après ont également pris part à cette session :
Son Excellence Charles Mwando Nsimba, ministre de la Défense nationale et des anciens combattants de la République démocratique du Congo ;
Son Excellence Charles Zacharie Bowao, ministre à la présidence chargé de la Défense nationale de la République du Congo ;
On Excellence Ignace Gata Mavita, vice-ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo ;
Son excellence George Zuka Mo »Ndo Ugonda Lemba, vice-ministre de l’Intérieur de la République du Congo.
Dans leurs interventions, les deux chefs des délégations ont d’abord remercié les deux chefs d’Etat, leurs Excellences Denis Sassou N’Guesso, président de la République du Congo ; et Joseph Kabila Kabange, président de la République démocratique du Congo, les deux artisans de la bonne entente et de Coopération fructueuse entre nos deux pays, pour avoir permis la tenue de la présente session. Ils ont, ensuite, recommandé aux experts de focaliser leur attention sur l’évaluation des recommandations issues de la première session, de proposer les pistes de solution aux différents problèmes qui se pose,t, en tenant des relations d’amitié qui unissent si heureusement les deux Etats.
La session a été ouverte par Son excellence M. Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu, vice-premer ministre, ministre de l’Intérieur et sécurité de la République démocratique du Congo. Dans son mot de circonstance, il a rappelé aux experts que cette rencontre visait le renforcement des liens séculaires de fraternité qui unissent les deux peuples et l’assainissement, sur des bases justes et plus durables, des relations de bon voisinage entre les deux Etats.
Au cours de cette session, les experts ont présenté le rapport de leurs travaux, qui a été approuvé par les ministres des deux délégations dont les principaux points sont :
1) Evaluation de l’exécution des résolutions et des recommandations de la première session ;
2) Problèmes d’actualité :
3) Présence des militaires de la république démocratique du Congo en République du Congo ;
4) Problèmes des des migrations ;
5) Renforcement de la sécurité le long de la frontière commune.
Après débats et délibérations, les résolutions ci-après ont été prises :
- S’agissant de la lutte contre l’immigration clandestine, les deux délégations ont convenu de renforcer des contrôles aux frontières et de l’application systématique des mesures dissuasives qfin d’éviter la recrudescence de ce phénomène.
- Concernant les conditions de trafic et de traversée sur le fleuve Congo, les deux parties ont convenu de la mise en oeuvre effective des dispositions relatives au guichet unique, à la taxe unique de traversée et au laissez-passer unique.
Sur le même sujet, les deux parties ont convenu que, désormais, seules les personnes vivant avec handicap bénéficieront de la tarification préférentielle et autres privilèges.
- Quant aux expulsions des ressortissants de chacun des deux pays, les deux parties ont convenu d’améliorer les mécanismes d’informations préalables des autorités compétentes des deux pays.
- A propos de la présence des militaires de la République démocratique du Congo, ayant trouvé refuge en République du Congo, notamment des combattants ex-FAZ et ex-DPP, les deux parties, tout en reconnaissant que cette question constitue une préoccupation majeure sur le plan sécuritaire dans les relations entre les deux Etats, ont résolu d’y apporter une solution définitive sur la base du plan attendu de la part de la République démocratique du Congo.
- Abordant les problèmes d’actualité ; les deux parties se sont échangé des informations y relatives.
- A la demande de la République démocratique du Congo, de se faire remettre le général F. Munene et Mangbama Lebsse, alias Udjani , pour y purger sa peine pour le premier et se présenter devant son juge naturel pour le second, la République du Congo a, après échange, proposé à la République démocratique du Congo de mettre en oeuvre les mécanismes prévus par les textes liants les deux Etats, qui permettront au mieux des intérêts des deux peuples, la résolution de ces questions.
- S’agissant des incidents survenus à Kinshasa le 27 février 2011, au stade actuel des investigations, l’implication des services ou d’une autorité de la République du Congo n’est pas établie.
- Au sujet du retour des réfugiés de la République démocratique du Congo se trouvant encore en République du Congo, les deux parties ont convenu de la mise en oeuvre effective des engagements pris dans le cadre de l’Accord tripartite et des modalités pratiques y relatives.
- En ce qui concerne la sécurité le long de la frontière commune, les deux parties ont reconnu qu’à ce jour, il n’existe pas de contentieux frontalier. Elles ont, à cet effet, préconisé la mise en place effective d’une cellule technique conjointe chargée de la démarcation physique de la frontière, dans les meilleurs délais.
Au terme des travaux, son excellence M. Raymond Zéphirin Mboulou, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation a remercié les autorités de la République démocratique du Congo de l’accueil combien fraternel et chaleureux qui lui a été réservé ainsi qu’à la délégation qui l’accompagne.
Il a exprimé sa gratitude au président de la République démocratique du Congo, son Excellence M. Joseph Kabila Kabange, pour le bon déroulement des travaux.
Les deux chefs des délégations se sont félicités du climat de convivialité et de fraternité qui a régné durant les travaux et ont félicité les experts pour la qualité du travail abattu.
Les travaux de la deuxième session de la Commission spéciale défense et sécurité entre la République du Congo et la République démocratique du Congo ont été clôturés par son Excellence Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu, vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et sécurité de la République démocratique du Congo.
La 3è session se tiendra à Brazzaville, à une date à communiquer par voie diplomatique.
Fait à Kinshasa, le 10 mars 2011
Pour la République démocratique du Congo
Luzolo Bambi Lessa
Ministre de la Justice et des droits humains
Pour la République du Congo
Raymond Zéphirin Mboulou
Ministre de l’Intérieur et de la centralisation
Pierre Mongo : « le Congo sert souvent de bouc émissaire dans tout ce qui se passe en RDC »
La commission spéciale Défense et sécurité entre les deux Congo s’est réunie les 9 et 10 mars à kinshasa. Le directeur des renseignements extérieurs du Congo, le colonel Pierre Mongo, revient, dans l’entretien qu’il a eu avec Les Dépêches de Brazzaville, sur les grandes lignes des discussions engagées entre les deux parties.
L’immigration clandestine
Les choses doivent être claires, je me permets d’évoquer ces questions avec l’autorisation de ma hiérarchie : il faut que nos frères de la RDC sachent ce qu’ils veulent. Nous avons en partage une très longue frontière et forcément les problèmes se posent et, en plus de cela,il faut dire aussi que nous avons une situation économique et sociale plus viable, qui justifie une certaine attirance pour notre pays. Et donc il y a une forte immigration en provenance de la RDC qu’il faut gérer.
Chaque fois quand nous prenons des mesures pour gérer l’immigration clandestine, ils manifestent une certaine hostilité. Souvenez-vous, quand nous avons organisé l’opération stérilisation à la veille de la célébration du cinquantenaire, le 15 août 2010, les autorités de la RDC jusqu’au plus haut niveau ont manifesté une certaine réticence. En réalité, il s’agissait tout simplement de stériliser ce que nous appelons la frange fluviale qui regorge des vieilles carcasses des bateaux et des bâtiments abandonnés. Ce sont les refuges pour les « balados » et les « koulounas », qui s’y sont installés, opérant des vols, des viols, des séquestrations, etc.
Les ex-FAZ et ex-DPP
Le moindre contrôle montre que ces personnes basées au fleuve, à notre frontière, sont toutes en situation irrégulière. Plutôt que de les interpeller et les mettre dans des geôles de Brazzaville, sachant que l’immigration clandestine est un délit, nous les renvoyons chez elles à Kinshasa. Les autorités de leur pays ne sont pas d’accord. Or s’il faut les laisser dans l’état où elles sont ici, ces personnes peuvent à tout moment se rendre à Kinshasa. Quand elles opèrent là-bas, on retiendra qu’elles viennent de Brazzaville mais, en réalité, ce sont des gens hors contrôle. Cela est vrai aussi pour les ex-FAZ(ex-armée zaïroise) et les ex-DPP( les militaires anciennement affectés à la garde du vice-président Jean-pierre Bemba) qui ont traversé et trouvé refuge ici. Souvenez-vous des familles que nous avions mises à Essio, à quelques kilomètres du district d’Ignié. Nous les avons supportées pendant quelques temps. Le Congo ne peut pas supporter éternellement les anciens militaires venus de la RDC.
Chaque fois que l’on aborde la question de leur retour au pays, la RDC qui est responsabilisée pour fournir un plan de sortie de crise n’arrive jamais à le faire. C’est de façon récurrente. On a l’impression que quand il faut parler, nos frères de la RDC parlent abondamment, et quand il faut agir ils agissent moins. Les ex-FAZ, tout le monde sait que leur présence ici empoisonne depuis un certain temps les rapports entre les deux Etats. Nous nous sommes assis ensemble avec l’OIM (Office international de migration) pour demander au pays d’origine de mettre en place les conditions de leur retour. Depuis trois ans, le plan de rapatriement promis par Kinshasa n’est pas arrivé.
Qu’est ce qui a motivé la mission de la délégation de Brazzaville à Kinshasa ?
Nous avons tout simplement répondu à l’invitation de nos frères de la RDC. Nous avions, en octobre 2009, signé un protocole portant création d’une commission spéciale Défense et sécurité au sein de la grande commission mixte. Le texte prévoit deux réunions par an. A l’issue de la réunion de 2009, la RDC aurait dû convoquer en décembre ou janvier 2010 la deuxième session ; cela n’a pas été fait jusque-là. Et dans l’urgence, ils nous ont invités. Naturellement, nous sommes allés avec l’accord des plus hautes autorités de l’Etat et je pense qu’en cela, il faut remercier les deux chefs d’Etat qui ne cessent de manifester leur volonté de voir se raffermir encore un peu les liens qui unissent les deux peuples. Nous sommes allés et nous supposons bien entendu que les problèmes d’actualité ont motivé de façon sérieuse la convocation de cette rencontre.
Que disent vos homologues de Kinshasa sur les événements du 27 février ?
Il nous a été fait un exposé assez exhaustif du déroulement des événements. L’on retient que :
-Premièrement, des groupes des citoyens de la RDC se seraient organisés pour attaquer simultanément la résidence du chef de l’Etat, la base logistique du camp Kokolo, l’aéroport de Ndjli, celui de Ndolo et la maison d’arrêt central de Kinshasa.
-Deuxième fait : toutes ces personnes étaient armées des machettes de marque Tramotina.
-Troisième fait : en réalité les opérations ainsi projetées n’ont été déclenchées qu’à la résidence du président de la République et la base logistique.
-Quatrième fait : certains de ces assaillants seraient venus de Brazzaville et seraient des ex-DPP.
Des investigations menées ont conclu qu’aucune autorité ou service de la République du Congo n’était impliqué dans cette affaire. Cela est clair et constant. Cela a été dit au cours d’une réunion à laquelle ont participé le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et de la sécurité, le ministre de la Défense, le ministre de la Justice et des droits humains, tous accompagnés des experts. Je suppose que c’est le résultat des investigations menées, parce que le pays compte d’experts en matière d’enquête, contredisant ainsi toutes les déclarations qui ont été faites de façon hâtive à gauche et à droite.
Des enseignements sécuritaires que nous tirons
-1- La persistance de la présence des ex-FAZ et ex-DPP sur notre territoire est toujours de nature à compromettre la bonne qualité de nos rapports ;
-2- Il est urgent que nous discutions d’un bon plan de sortie de cette crise ;
-3- Nous nous apercevons aussi que le Congo sert souvent de bouc émissaire à tout ce qui se passe en RDC. Je rappelle tout de même que dans le temps voisin de cette attaque du 27 février, il y a eu des problèmes dans le Bandundu ; il y a aussi eu l’attaque de l’aéroport de Lubumbashi. Grâce à Dieu pour nous, Lubumbashi n’est pas frontalier à Brazzaville ; Kikwit non plus. Si tel était le cas, il y aurait de fortes chances que Brazzaville soit accusée. Je rappelle, s’agissant de Brazzaville, que le président de la République l’a toujours dit, notre pays ne servira jamais de base pour la déstabilisation d’un Etat voisin. Dans nos rapports avec la RDC, nous nous en tiendrons à la stricte application du pacte de non-agression signé entre les deux Etats le 29 décembre 1998.
Le cas du général Faustin Munene
Un général, ancien vice-ministre de la sécurité et de l’ordre public de la RDC, ancien chef d’Etat-major, ancien commandant de la force aérienne, pour des raisons internes à son pays, trouve refuge au Congo, comme d’autres politiciens avant lui. En son temps, aussi, le président Laurent Désiré Kabila lui-même avait aussi trouvé refuge ici. Munene s’installe à Pointe-noire et est complètement oublié des autorités de Brazzaville. Représentait-il un danger pour les institutions de la RDC, eux-mêmes le savent, parce qu’il faut aussi s’interroger sur le cursus de ce général Munene. Est-il un général en mesure de conduire une opération d’envergure sur la RDC et réussir ? C’est une interrogation.
Finalement Munene aurait envoyé à Kinshasa une expédition de soixante-dix personnes à mains nues pour déstabiliser les institutions. Aussitôt que nous avons eu l’information, ce général a été mis aux arrêts. Depuis, un procès s’est ouvert dans son pays, notamment à Matadi, des condamnations ont été prononcées : condamnation o la prison à perpétuité pour Munene et à d’autres peines dont l’échelle varie selon la gravité des faits reprochés à chacun. Mais les peines sont fortes… Lors de notre rencontre, la RDC nous a demandé de remettre Munene. Dans l’ordonnancement juridique congolais, nous ne connaissons pas cette procédure de remise d’une personne condamnée. Nous avons tout simplement suggéré à nos frères d’engager les procédures qui sont reconnues par les textes liant les deux Etats.
Quelles procédures.
Les mécanismes sont divers ; nous avons, par exemple, le mécanisme prévu par la convention du 12 avril 1978 sur la coopération et l’entraide judiciaire et qui parle expressément des possibilités d’extradition. Comme nous le savons, l’extradition est une procédure judiciaire. Nos amis de la RDC en parlent depuis. Depuis que la question a été officiellement évoquée, la
réponse a été ainsi donnée. Ce n’est pas à nous de déclencher la procédure de demande d’extradition. Au-delà, il n’y a pas un autre mécanisme.
L’ambiance qui a prévalu lors de votre rencontre
Nous avons travaillé dans une très bonne ambiance.
(ndlr : Réponse diplomatique !)
Propos recueillis
Par Gankama N’Siah
CONGO-RDC
Communiqué final de la deuxième session de la commision spéciale de défense et sécurité entre la République démocratique du Congo et la République du Congo, tenue à Kinshasa les 9 et 10 mars 2011
Sur invitation du gouvernement de la République démocratique du Congo et en application du protocole d’accord portant création de la Commission spéciale défense et sécurité entre la République démocratique du Congo et la République du Congo, il s’est tenu à Kinshasa, les 9 et 10 mars 2011, la deuxième session de la Commission spéciale défense et sécurité.
La délégation de la République démocratique du Congo était conduite par son Excellence M. Luzolo Bambi, ministre de la Justice et droits humains, représentant le ministre de la Coopération internationale et régionale.
La délégation de la République du Congo était conduite par son Excellence M. Raymond Zéphirin Mboulou, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation.
Les personnes ci-après ont également pris part à cette session :
Son Excellence Charles Mwando Nsimba, ministre de la Défense nationale et des anciens combattants de la République démocratique du Congo ;
Son Excellence Charles Zacharie Bowao, ministre à la présidence chargé de la Défense nationale de la République du Congo ;
On Excellence Ignace Gata Mavita, vice-ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo ;
Son excellence George Zuka Mo »Ndo Ugonda Lemba, vice-ministre de l’Intérieur de la République du Congo.
Dans leurs interventions, les deux chefs des délégations ont d’abord remercié les deux chefs d’Etat, leurs Excellences Denis Sassou N’Guesso, président de la République du Congo ; et Joseph Kabila Kabange, président de la République démocratique du Congo, les deux artisans de la bonne entente et de Coopération fructueuse entre nos deux pays, pour avoir permis la tenue de la présente session. Ils ont, ensuite, recommandé aux experts de focaliser leur attention sur l’évaluation des recommandations issues de la première session, de proposer les pistes de solution aux différents problèmes qui se pose,t, en tenant des relations d’amitié qui unissent si heureusement les deux Etats.
La session a été ouverte par Son excellence M. Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu, vice-premer ministre, ministre de l’Intérieur et sécurité de la République démocratique du Congo. Dans son mot de circonstance, il a rappelé aux experts que cette rencontre visait le renforcement des liens séculaires de fraternité qui unissent les deux peuples et l’assainissement, sur des bases justes et plus durables, des relations de bon voisinage entre les deux Etats.
Au cours de cette session, les experts ont présenté le rapport de leurs travaux, qui a été approuvé par les ministres des deux délégations dont les principaux points sont :
1) Evaluation de l’exécution des résolutions et des recommandations de la première session ;
2) Problèmes d’actualité :
3) Présence des militaires de la république démocratique du Congo en République du Congo ;
4) Problèmes des des migrations ;
5) Renforcement de la sécurité le long de la frontière commune.
Après débats et délibérations, les résolutions ci-après ont été prises :
- S’agissant de la lutte contre l’immigration clandestine, les deux délégations ont convenu de renforcer des contrôles aux frontières et de l’application systématique des mesures dissuasives qfin d’éviter la recrudescence de ce phénomène.
- Concernant les conditions de trafic et de traversée sur le fleuve Congo, les deux parties ont convenu de la mise en oeuvre effective des dispositions relatives au guichet unique, à la taxe unique de traversée et au laissez-passer unique.
Sur le même sujet, les deux parties ont convenu que, désormais, seules les personnes vivant avec handicap bénéficieront de la tarification préférentielle et autres privilèges.
- Quant aux expulsions des ressortissants de chacun des deux pays, les deux parties ont convenu d’améliorer les mécanismes d’informations préalables des autorités compétentes des deux pays.
- A propos de la présence des militaires de la République démocratique du Congo, ayant trouvé refuge en République du Congo, notamment des combattants ex-FAZ et ex-DPP, les deux parties, tout en reconnaissant que cette question constitue une préoccupation majeure sur le plan sécuritaire dans les relations entre les deux Etats, ont résolu d’y apporter une solution définitive sur la base du plan attendu de la part de la République démocratique du Congo.
- Abordant les problèmes d’actualité ; les deux parties se sont échangé des informations y relatives.
- A la demande de la République démocratique du Congo, de se faire remettre le général F. Munene et Mangbama Lebsse, alias Udjani , pour y purger sa peine pour le premier et se présenter devant son juge naturel pour le second, la République du Congo a, après échange, proposé à la République démocratique du Congo de mettre en oeuvre les mécanismes prévus par les textes liants les deux Etats, qui permettront au mieux des intérêts des deux peuples, la résolution de ces questions.
- S’agissant des incidents survenus à Kinshasa le 27 février 2011, au stade actuel des investigations, l’implication des services ou d’une autorité de la République du Congo n’est pas établie.
- Au sujet du retour des réfugiés de la République démocratique du Congo se trouvant encore en République du Congo, les deux parties ont convenu de la mise en oeuvre effective des engagements pris dans le cadre de l’Accord tripartite et des modalités pratiques y relatives.
- En ce qui concerne la sécurité le long de la frontière commune, les deux parties ont reconnu qu’à ce jour, il n’existe pas de contentieux frontalier. Elles ont, à cet effet, préconisé la mise en place effective d’une cellule technique conjointe chargée de la démarcation physique de la frontière, dans les meilleurs délais.
Au terme des travaux, son excellence M. Raymond Zéphirin Mboulou, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation a remercié les autorités de la République démocratique du Congo de l’accueil combien fraternel et chaleureux qui lui a été réservé ainsi qu’à la délégation qui l’accompagne.
Il a exprimé sa gratitude au président de la République démocratique du Congo, son Excellence M. Joseph Kabila Kabange, pour le bon déroulement des travaux.
Les deux chefs des délégations se sont félicités du climat de convivialité et de fraternité qui a régné durant les travaux et ont félicité les experts pour la qualité du travail abattu.
Les travaux de la deuxième session de la Commission spéciale défense et sécurité entre la République du Congo et la République démocratique du Congo ont été clôturés par son Excellence Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu, vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et sécurité de la République démocratique du Congo.
La 3è session se tiendra à Brazzaville, à une date à communiquer par voie diplomatique.
Fait à Kinshasa, le 10 mars 2011
Pour la République démocratique du Congo
Luzolo Bambi Lessa
Ministre de la Justice et des droits humains
Pour la République du Congo
Raymond Zéphirin Mboulou
Ministre de l’Intérieur et de la centralisation
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