jeudi 24 mars 2011

RDC : Floribert CHEBEYA, la vérité qui fait peur...


23/03/2011 

Journaux - La Une du journal Le Phare ce mercredi 23 mars 2011 à Kinshasa
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Quelle est la cause réelle de la mort du directeur exécutif de la Voix des Sans des Voix(VSV), Floribert Chebeya, dont le corps sans vie a été retrouvé le 2 juin 2010 à Mitendi ? Ya-t-il eu torture ou arrêt cardiaque comme le prétend l’équipe mixte des médecins congolais et hollandais ? Fidèle Bazana, son compagnon, serait-il en fuite ou liquidé comme le soutient sa famille ? Qui avait donné l’ordre d’actionner la machine du « meurtre »? Et, dans quel but ? Ces questions, comme tant d’autres, sur lesquelles la justice militaire s’est appesantie durant la phase de l’instruction n’ont pas encore trouvé des réponses définitives, alors que les plaidoiries s’ouvrent ce jeudi 24 mars à la Prison centrale de Makala.

En effet, après une vingtaine d’audiences à la Cour militaire de la Gombe, cette affaire « Chebeya », riche tout de même en révélations sur le dysfonctionnement de la Police nationale congolaise(PNC), n’a pas pour autant livré tous ses secrets.

Ce, particulièrement à cause de la stratégie de dénégation totale adoptée tant par certains renseignants, que par les 5 prévenus eux-mêmes. A l’audience du jeudi 23 décembre 2010, par exemple, les 5 officiers et subalternes de la Police nationale congolaise(le Colonel Daniel Mukalay, Georges Kitungwa, François Ngoy, Michel Mwila et Blaise Mandiangu), principalement accusés, ont totalement rejeté les charges d’association des malfaiteurs, d’enlèvement et d’assassinat portées contre eux. Il a fallu la perspicacité du Ministère public pour démontrer que les policiers inculpés ont tout simplement adopté cette stratégie funeste de dénégation systématique. Pour l’organe de la loi, chacun d’eux a joué un rôle prépondérant dans cette conspiration car ayant travaillé ensemble depuis des lustres. C’est le cas, selon lui, du colonel Mukalayi et Michel Mwila qui a été secrétaire particulier du colonel pendant une certaine période.

Somme toute, malgré le scepticisme exprimé par certains observateurs à l’issue de 1er round de ce feuilleton judiciaire, la justice congolaise manifeste, à travers son comportement dans ce dossier, sa volonté de mener jusqu’à terme cette instruction. Aussi, au nom de la « Tolérance zéro », mot d’ordre réitéré récemment par le président de la République, l’opinion publique estime que l’appareil judiciaire a, entre ses mains, une belle occasion de s’affranchir de sa torpeur et de prouver qu’il peut servir de gardien de la démocratie pour l’émergence d’un Etat de droit où tous sont censés être égaux devant la loi.

Point n’est besoin de rappeler les retombées positives pour la nation de l’éclatement de la vraie vérité car les dossiers similaires (Serge Maheshe, Didace Namujimbo, Armand Tungulu, Franck Ngyke, Bapuwa Mwamba etc.) ont laissé un goût d’inachevé.

Pour rappel, de tous les mauvais coups de publicité que la RDC a réussi à se taper durant l’année 2010, l’attention des médias du monde entier est restée interminablement focalisé depuis début juin 2010, jusqu’à ce jour sur l’affaire « Chebeya ». Son assassinat a retenti dans toutes les sphères, nationales et internationales, jusqu’au point d’ébranler les bouillonnants préparatifs du Cinquantenaire de notre pays, incitant donc opposants politiques et activistes des droits humains à appeler au boycott de cet événement. Ceux-ci ont, à titre exemplatif, convié le Roi des Belges, Albert II, à ne pas répondre à l’invitation de Kinshasa à l’occasion des 50 ans de l’indépendance de la RDC, signe de sa désolidarisation aux violations des droits de l’homme. Heureusement que le pire a été évité de justesse et les festivités ont été célébrées sans anicroche.

Pourtant, l’affaire est encore brûlante devant la Cour militaire de la Gombe qui a commencé l’instruction du dossier le jeudi 23 décembre 2010 à la Prison Centrale de Makala. Outre les 5 prévenus, une bonne trentaine des renseignants ont défilé devant la barre au cours de 24 audiences afin d’éclairer les zones d’ombres qui entourent cette affaire. Dans le lot, l’assistance a été abondamment édifiée par les dépositions du général Unyon, numéro 1 de la Direction des services des renseignements généraux( DGRS) ; du général Dieudonné Oleko, patron de la police nationale dans la Ville-province de Kinshasa ; du colonel Van Bile de la police scientifique ; du Major Nana Tshamuangana, Inspecteur adjoint et chef de département administratif au Secrétariat général de la Police ; du Commissaire principal Yav Kot, secrétaire au Secrétariat général de la Police ; et d’Olivier Kungwa, membre et agent de l’ONG la « Voix des Sans Voix » (VSV) ; du colonel Kanold Kanam, numéro 1 de la police nationale à Kisangani ; de Gomer Martell, sujet camerounais « témoin » de la présence de Chebeya à l’Inspection générale de police ; de papa Mukalay, chargé de communication à l’IG ; des experts des sociétés de télécommunications locales ( Vodacom, Airtel et Tigo) ; des activistes de droits de l’homme ; de Madame Yandé, de la Division des droits de l’homme de la Monusco ; etc. Tous sont intervenus comme renseignants au cours des audiences-fleuves allant souvent jusqu’à 17 heures !

Cependant, jusqu’à la fin de la phase instructive de ce procès, alors que les avocats de l’accusation réclamaient à cor et à cri l’arrestation du général Numbi, premier suspect selon eux, c’est plutôt son adjoint, le colonel Daniel Mukalayi, ainsi que d’autres policiers qui ont été inculpés. Quant à John Numbi, toujours frappé de suspension, il a eu à comparaitre comme renseignant, face à l’incompétence de la Cour militaire de le poursuivre. Toutefois, lors de cette comparution, John Numbi a indiqué qu’il n’avait jamais pris un rendez-vous quelconque avec Chebeya et était absent de son bureau le 1er juin 2010, jour présumé du passage du président de la VSV à l’Inspection générale de la Police.

Il faudrait noter qu’à la suite de l’ouverture du dossier par le Procureur général de la république(PGR), une autopsie a été faite par une équipe mixte des médecins congolais et hollandais, avant son transfert auprès de l’auditeur général des FARDC. Ceux-ci ont plutôt conclu, nonobstant les traces de violence sur le corps du défunt, à une mort provoquée par un dysfonctionnement cardiaque !

Par ailleurs, l’affaire qui est fixée depuis lors devant la cour militaire n’a pas traitée le cas de Bazana Fidèle, chauffeur de l’activiste, dont le corps n’a jamais été retrouvé. Lors de cette macabre découverte du 2 juin 2010, l’inspecteur provincial de la Police, le général Jean de Dieu Oleko, avait attesté la présence des objets suspects dans le véhicule du défunt (préservatifs, cheveux de femme, produits aphrodisiaques etc.). Pour la défense, il s’agit d’un montage grossier.

La deuxième phase de cette affaire qui s’ouvre demain jeudi 24 mars permettra donc à toutes les parties de pouvoir argumenter à partir des débats à l’audience, sur les faits et les points de droit pouvant asseoir la défense pour les accusés et l’accusation pour la partie civile.

Tshieke Bukasa

Procès Chebeya : papa Mukalay soupçonné de vouloir effacer les traces

Le renseignant Mukalay Christophe, conseiller en communication à l'Inspection générale de la Police, n'a pas convaincu le ministère public dans sa déposition faite devant la Cour militaire sur l'affaire Chebeya.

Ce jeudi 24 mars, les plaidoiries pourront commencer dans l'affaire qui oppose le ministère public aux assassins présumés du défenseur des droits de l'Homme Floribert Chebeya. Mais entre-temps, plusieurs renseignants ont pu défiler devant la Cour militaire, dont M. Mukalay Mulungu Christophe, conseiller en communication à l'Inspection générale de la Police, ancien directeur provincial et directeur général adjoint de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC). Dans les milieux de la Police, ce septuagénaire est connu sous l'appellation de Papa Mukalay. L'homme est parmi les personnes qui ont été consultées pour la confection du communiqué diffusé le 2 juin 2010 sur le décès du directeur exécutif de l'ONGDH «La Voix des Sans Voix pour la défense des droits de l'homme (VSV)».

Le renseignant Mukalay a déclaré à la Cour militaire qu'en date du 2 juin 2010, il est resté au bureau jusqu'au soir. Ce jour-là, il a reçu trois personnes, dont Robert Ilunga Numbi, qui étaient venus chercher leur frère Chebeya avec un communiqué de la VSV en main. Ensuite, il les a conduits chez le colonel Daniel Mukalay.

Après que ce dernier a fini de donner sa version des faits, le ministère public a fait cette remarque à l'attention des juges militaires : «Papa Mukalay confirme que c'est le colonel Mukalay qui chapeautait la commission d'enquête. En plus, papa Mukalay a appelé le colonel Mukalay après les observations du colonel Ibiba Van Bille de la police scientifique. On a l'impression qu'on voulait effacer les traces». Comprenant où l'organe de la loi voulait en venir, Papa Mukalay a ainsi réagi : «Le colonel a tapé à côté, moi, je n'avais pas dit ça».

Quand le président de la Cour lui a demandé s'il était quand même au bureau du colonel Mukalay, Papa Mukalay a répondu par l'affirmative, en relevant que le colonel Mukalay a conseillé les trois défenseurs des droits de l'Homme d'aller voir le colonel Moba au camp de police Lufungula. Et le colonel Mukalay disait que lui aussi subissait des menaces.

Non satisfait, le ministère public s'est de nouveau levé en faisant cette remarque : «Le renseignant est resté avec eux. Curieusement, il a entendu seulement le colonel Mukalay leur recommander d'aller au camp Lufungula, mais rien d'autre ! C'est quand même bizarre pour quelqu'un qui avait entendu toute la conversation». A ce sujet, le ministère public a relevé qu'à la cote 377 du procès-verbal d'audition devant l'Auditorat général, Papa Mukalay dit : «J'ai téléphoné à l'entrée principale pour savoir s'il y avait des traces de Chebeya». Le renseignant a aussitôt rétorqué en ces termes : «Oui, j'ai téléphoné. Mais où est la contradiction ?». UN CIVIL QUI SE COMPORTE EN OPJ

C'est alors que le ministère public a déclaré que cela n'était pas dans les attributions de Papa Mukalay. Et ce, du fait qu'il est conseiller en communication, mais non un officier de police judiciaire. D'où, cet avis de l'organe de la loi : «Tout a été organisé à l'Inspection générale de la police pour effacer les traces du passage de Chebeya».

Pour éclairer la Cour, Papa Mukalay a dit qu'au moment de sa comparution à l'Auditorat, le colonel magistrat qui fait office de ministère public était là. Et lorsqu'on lui a demandé : «Pourquoi avoir appelé le colonel Daniel Mukalay au lieu du général Unyon qui est responsable de la direction des renseignements généraux et services spéciaux de la Police ?», il avait répondu que c'est le colonel Mukalay qui est chargé des opérations. A une autre préoccupation de la Cour, le renseignant a précisé que lorsque l'inspecteur général n'est pas là, on quitte le bureau à 18h00'.

Du côté de la partie civile, un avocat a relevé que Papa Mukalay dépend du directeur de cabinet de l'inspecteur général. Il a donc demandé à la Cour si Papa Mukalay pouvait confirmer que le 2 juin 2010, il a travaillé avec la fameuse commission d'enquête. En guise de réponse, le renseignant a ainsi déclaré : «Ils ont dit qu'il y avait une commission présidée par le colonel Daniel Mukalay, mais je n'y ai pas participé».

Son tour venu, Me Kabengela Ilunga a fait voir aux juges que selon Papa Mukalay, il aurait quitté son bureau à 18h00' en date du 1er juin 2010. Mais les relevés d'appels renseignent que ce jour-là, il était pris en charge par l'antenne du Stadium des Martyrs jusqu'à 20h14'. Pour se justifier, le renseignant a expliqué que chaque fois qu'il sort de son bureau, il est aux environs de l'Inspection générale de la police. Justement au niveau de l'avenue Mushie où il s'attarde avec des amis en bonne compagnie.

Explication qui n'a pas convaincu l'avocat qui a aussitôt lâché : «Il est en train de mentir. En date du 2 juin, le colonel Daniel Mukalay et Papa Christophe Mukalay ont reçu les activistes des droits de l'Homme. Ils devaient être pris en charge par l'antenne du Cinquantenaire. Comment expliquer que l'antenne qui a pris le colonel Mukalay en charge se trouve à Ngaliema ? C'est-à-dire que si Papa Mukalay est resté là, cela veut dire que le général John Numbi était là».

Après ce débat, la Cour a demandé au renseignant s'il a vu le major Christian Ngoy et Paul Mwilambue le 1er juin 2010 à l'Inspection générale de la Police. Celui-ci a répondu : «Je ne les ai pas vus, Christian vient rarement». Lorsque le bâtonnier Ntoto Aley a voulu savoir ce qu'il avait demandé au colonel Mukalay le 2 juin, le renseignant a déclaré lui avoir expliqué que trois messieurs sont venus chercher Chebeya, et le colonel Mukalay a dit qu'il était au volant et que ces derniers l'attendent. Un autre avocat de la partie civile, Me Peter Ngomo Milambo, a posé cette question : «De qui a-t-il reçu l'ordre de rédiger le communiqué, et quel était son contenu ?». Le renseignant a répondu que l'ordre venait du général Jean de Dieu Oleko. Mais finalement, ce dernier a amené un autre.

Appelé à réagir, la défense a simplement fait remarquer que Papa Mukalay ne reconnaît pas que le 2 juin 2010, le colonel Daniel Mukalay avait dit aux défenseurs des droits de l'Homme avoir attendu Floribert Chebeya à l'Inspection générale de la Police jusqu'à 20h00'.

Donatien Ngandu Mupompa
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