L'éditorialiste Souleymane Jules Diop, critique du président d'Abdoulaye Wade, se livre à une description négative de sa gouvernance. Il dénonce sa volonté de se maintenir au pouvoir.
22.02.2011 | Souleymane Jules Diop
© AFP
Abdoulaye Wade.
Abdoulaye Wade est parvenu à domestiquer un peuple par nature hostile, à imposer sa monocratie à un pays où les citoyens choisissent démocratiquement leurs élus depuis 1848. Tout en gardant les apparences d'une grande démocratie, il a réussi à façonner un Parlement docile, une Justice soumise et un peuple endormi. Tous les députés sont de son camp, tous les sénateurs élus ou désignés parmi ceux de son camp. Alors que le principe du suffrage universel et de la démocratie représentative semblaient acquis, il s'est arrogé le droit de désigner son successeur, nommé parmi ses sénateurs. Il nous oblige à reculer de trente ans, ramenant au goût du jour une pratique qu'il avait lui-même dénoncée, la succession par désignation. Il avait déclaré publiquement que la Constitution ne lui permettait pas de se représenter pour un troisième mandat successif à la présidence, le voilà engagé dans une nouvelle bataille, un âge sans doute inconnu, mais que l'on sait proche des 90 ans. Et comme si les choses n'étaient pas claires pour tout le monde, il est prêt à violer le principe de la séparation des pouvoirs, en conférant à son Assemblée nationale le droit de faire la loi, de l'interpréter et de l'exécuter. Tous ceux qui ne sont pas d'accord avec ses interprétations sont exclus du Parlement, contrôlé d'une main de fer par son propre neveu. Toute l'économie est passée aux mains de sa famille. Son fils contrôle tous les grands chantiers, tous les investissements, sans que nous trouvions à redire. Tout ce que le pays compte en objecteurs de conscience, il l'a domestiqué et privatisé, en distribuant sans aucune limite les postes ministériels et les positions de rente. Qu'importe le rôle, la fonction, l'essentiel est de se situer du bon côté de la faille qui sépare les pauvres et les riches, les oubliés et les privilégiés. Les voix qui osent s'élever pour le dénoncer sont noyées dans une mer d'injures et de calomnies. Tous les ouvrages qui ne font pas l'éloge de ce régime sont systématiquement interdits ou saisis. C'est chose inouïe mais cette situation ne peut plus durer.
La pauvreté a pris une ampleur jamais connue dans les ménages, dépassant les niveaux atteints au début des années 90, quand nous étions sous ajustement structurel. Notre consommation en céréales reste encore dépendante de nos importations. C'est le ministère des Finances qui le dit. En 2009, les importations de produits céréaliers ont atteint 233 milliards de francs. Nous avons importé 715 mille tonnes en 2009, alors que la production locale était de 335 mille tonnes. Le 18 août 2010, le directeur du Commerce extérieur, El Hadj Alioune Diouf, a fait une sortie, pour déclarer que le Sénégal importe en moyenne 800 000 tonnes de riz. Il avertissait qu'avec les feux de forêt en Russie et les inondations au Pakistan, grands producteurs de céréales, «on est obligé de prendre du Mali du maïs et parfois du mil ». Même si nous considérons la production 2009-2010, qui serait de 502 000 tonnes, chiffre à prendre avec réserve, nous sommes loin de combler nos besoins en riz, qui frôlent le million de tonnes. Tous ces échecs, Abdoulaye Wade les dissimule dans le mensonge et parfois la dérision. Déclarer que le Sénégal a dépassé "deux fois et demie le seuil de la pauvreté", c'est faire preuve d'une grande irresponsabilité. Quand il ajoute que nous sommes devenus "exportateurs de riz", il fait douter de sa santé mentale.
Malgré la cour assidue à laquelle il a été soumis, le président Lula a refusé de participer au Fesman (Festival mondial des arts nègres), pour répondre à l'invitation des altermondialistes. Rien, de toutes les manières, ne le rapproche. L'ouvrier métallurgiste de Caetés a octroyé aux ménages brésiliens un revenu minimum et leur a redistribué des terres cultivables. A l'opposé d'Abdoulaye Wade, qui prend aux pauvres pour donner aux riches, confisque les terres des paysans pour les vendre aux arabes. Lula était très populaire, mais a décidé de transmettre le pouvoir par voie démocratique. Wade est impopulaire et veut s'accrocher en instaurant une monarchie. Son bail finit en février 2012. Il nous tarde de le voir partir.
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