jeudi 31 mars 2011

Violence politique dans le Sud : Une panacée de l’impérialisme occidental ?

Rappelons cette pensée de Martin Luther King : « La violence ne résout pas les problèmes sociaux et politiques des peuples ; elle se contente d’en susciter de nouveaux et de plus compliqués. Depuis les temps les plus reculés, une voix crie à chaque émule potentiel de Pierre : Remets ton épée au fourreau ! Les rivages de l’histoire sont tout blancs des ossements pâlis laissés par les clans et les nations qui ont négligé ce commandement ».
Au constat. La violence politique est récurrente partout dans le monde de nos jours. Surtout dans le Sud du monde. Des agressions sont perpétrées sur les biens physiques et matériels pour une raison et pour une autre. Sur des territoires nationaux par des forces étrangères ou par des rebellions locales. On attaque par-ci et on bombarde par-là. On décime par-là et on brûle par-ci. Avec pour motif à la clé : absence de démocratie et de démocrates, absence d’Etat de droit et de respect des libertés, présence de dictateurs et d’usurpateurs de pouvoir, de personnes indésirables, etc. En somme, des vies humaines sont détruites, réduites, ravagées, brisées ou même éteintes en quelque seconde d’attaque. Des capitales et villes du Sud du monde sont mises à feu et à sang, parce que l’on veut y éteindre la pratique de la dictature et y installer la fameuse panacée de la démocratie. Dans le cas d’espèce africain, l’actualité nous fait état de la situation désastreuse et affligeante orchestrée en Côte d’Ivoire. Aussi en Lybie, maintenant attaquée par les forces alliées (France, Usa, Espagne, Angleterre). Pour quelles raisons ? Incroyable, mais vrai. Qu’est-ce qui justifie cette attaque des forces alliées sur la Libye ? Est-ce pour déloger un certain Kadhafi visiblement encore le guide spirituel de son pays ? Ou pour renverser un régime “antipathique” qui malgré sa durée au pouvoir, ne s’est pas effondré dans le laxisme, l’usure et la gabegie?
Mais à bien y voir. L’Occident a-t-il le droit d’exiger le départ d’un homme d’Etat en cours de mandat en Afrique noire, fut-il contesté par une frange de la population ou qualifié de dictateur par celle-ci, jusqu’à l’usage de la force militaire ? Cet Occident a-t-il l’assurance que la vérité est toujours de son côté, en imposant sa volonté au conseil de sécurité de l’ONU ? Accepterait-il qu’un chef d’Etat noir africain exige aussi “un jour” le départ d’un chef d’Etat occidental, pour mauvaise conduite dans son pays (scandale financier et sexuel, détournement de fonds publics, implication dans les conflits armés internationaux, vente et trafic d’armes, trafic de stupéfiants, haute trahison à l’Etat, etc.)? L’Afrique noire a-t-elle demandé le départ imminent de Jacques Chirac, salement impliqué dans l’affaire des emplois fictifs à la Mairie de Paris dans les années 70 ? L’Afrique noire s’est-elle indignée, dans la décision des Usa d’aller maladroitement en guerre contre feu Saddam Hussein en 1994 ? L’Afrique noire a-t-elle réclamé la démission du chef du parlement italien Silvio Berlusconi, qui tient à son actif de multiples scandales sexuels avec mineures ces trois dernières années ? Nous ne l’avons lu nulle part. Autrement, serait-ce pour les richesses naturelles de cette Afrique que l’Occident voudrait indéfiniment la tenir en esclavage ? Dès lors, ne devrait-on pas revendiquer la mort de cette France-Afrique, inventée pour pérenniser cet impérialisme occidental dictatorial? Cet Occident devrait se mettre à l’école de la véritable démocratie.

1- Respecter la démocratie dans
le sud du monde

C’est M. Chirac Jacques, qui affirma que “la démocratie est un luxe pour les Africains”. Doit-on lui donner raison ? Je répondrai par la négative, parce que c’est encore l’Occident qui empoisonne les esprits et qui sape en “grande partie ” la pratique de la démocratie en Afrique, s’active au renversement des régimes et des chefs d’Etat africain en fonction. Nous en avons pour preuve l’exemple récent de la Tunisie et de l’Egypte. Cet Occident que Ben Ali et Hosni Moubarak ont loyalement servi, n’a pas hésité à les clouer au pilori et les afficher comme de redoutables et impitoyables dictateurs. Quelle ingratitude ! Doit-on traiter un ami de la sorte ? Non. Voici cet Occident qui veut donner des leçons de démocratie dans le sud du monde, tandis qu’il dérive dans “l’arrogance, la condescendance et la prétention, en lieu et place de l’humilité et de la modestie”. Le même Occident également a mis et tente de mettre un terme physiquement à la vie des hommes nourris du profond désir de propulser leur nation au-devant de la scène internationale. Mais et surtout de partager équitablement les richesses nationales entre leurs différentes populations. Mieux encore, de travailler à la promotion de leur peuple, par la mise en place de stratégies de développement et de structures éducatives, sanitaires, professionnelles, etc.
Aujourd’hui, nul ne peut douter du retard et de la dégradation de cette Afrique. Elle tourne en rond alors qu’elle possède tout ce qu’il faut : des intelligences, des compétences, de gigantesques richesses dans son sous-sol. Qu’est-ce qui explique qu’elle soit constamment à la traîne ? C’est Anne-Cécile Robert qui nous donne une réponse pertinente : « L’Afrique n’a jamais vraiment eu droit à la parole et l’Occident, plus qu’ailleurs, s’est acharné à faire taire ceux qui pensaient différemment et voulaient suivre une voie différente. Des guerres coloniales aux assassinats politiques de l’époque moderne. Par exemple, celui du Congolais Patrice Lumumba tué avec l’aide du colonisateur belge en 1962 et du Burkinabé Thomas Sankara certainement éliminé avec le consentement de la France en 1987. L’Occident s’est cru autorisé à faire usage de toutes les méthodes pour imposer sa vision du monde et pour piller l’Afrique de ses nombreuses richesses. Le rêve des indépendances, lorsqu’il n’a pas été comprimé par la force, a été étouffé par la dette, la chute des prix des matières premières, et l’implacable logique des rapports de forces qui fondent le capitalisme » (Cf, DJEREKE J.-C., Changer de politique vis-à-vis du sud, Paris, Harmattan, 2004, p.187). L’Occident ne devrait-il pas réapprendre que la démocratie offre aux citoyens (du sud du monde) la liberté d’autodétermination?

2- De la liberté d’autodétermination des peuples du sud

La démocratie bien que pratiquée diversement, selon les cultures et les histoires politiques, selon la nature, la structure ou la composition d’un peuple, selon les modalités de la gestion du pouvoir et selon les objectifs poursuivis par le peuple (Cf, SYLLA Lanciné, Existe-t-il un modèle universel de démocratie ?, Abidjan, Ed. CERAP, 2006, p.9) tient des valeurs universelles ou universalisables. Voilà pourquoi l’on dit qu’elle est toujours perfectible. Il est donc une obligation de la démocratie qu’un peuple se dote d’institutions nationales auxquelles il se soumet, exprimant ainsi sa liberté d’autodétermination. C’est-à-dire, la liberté par laquelle il se reconnaît comme souverain. Autrement dit, ne dépendant de personne et n’étant soumis à personne. Alors pourquoi, l’Occident (qui est si friand et passionné de démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit) n’a jamais su se garder d’ingérence dans les affaires internes aux Etats africains, auxquels il impose des hommes politiques et de longues d’années de gouvernance (Les cas du Gabon, du Sénégal, du Cameroun, du Congo-Kinzhasa, Congo-Brazaville, du Tchad, à Madagascar, en disent long)? Pourquoi n’a-t-il jamais su rester en dehors de la politique des peuples africains, qu’il infecte par des manipulations politiques et constitutionnelles, de nombreux coups d’Etat et des coups de force militaire ? Pourquoi tant cette ingérence ? N’est-ce pas en raison des richesses naturelles ? Du sous-sol savamment riche et fourni, en dehors duquel, l’on se trompera profondément sur les causes des conflits armés en Afrique, comme le confirme feu Jean-Marc ELA : “Ce serait méconnaitre les profondes causes des conflits armés qui ont défigurés le continent noir que d’alléguer sans prendre en compte la course et la poursuite sanglante qui s’effectue autour de l’or, du cobalt, du diamant, du fer, du pétrole, de l’uranium (…)”.
Autrement dit, le flot de sang qui coule sur le sol africain trouve (en partie) son origine dans la chasse à ces matières premières sus-citées et pour lesquelles, l’Occident et ses pantins et autres sbires en Afrique veulent tuer la liberté d’autodétermination. C’est-à-dire la laisser vivre en paix sur la base des règles et des principes que chaque peuple africain se fixe (Cf, DAHL Robert, De la démocratie, Paris, Nouveaux Horizons, 1998, p.64). Cet Occident veut infantiliser l’Afrique en lui refusant le droit d’obéir aux lois que les nations africaines se fixent. Or, en obéissant à ses propres lois, on ne fait qu’obéir à soi-même. Montesquieu ne pensait pas du tout le contraire : “L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté” (Cf, Montesquieu, L’Esprit des lois, Tome I, Paris, Gallimard, 1989, p.123). Pourquoi alors cette marée de sang que fait couler l’Occident en Libye, en Côte d’Ivoire, en Afganistan, au Pakistan, au Yemen ? Pourquoi l’a-t-il fait couler abondamment à Brazaville, à Kinshaza, à Freetown, à Monrovia, au Burundi et au Rwanda, Somalie, etc. ? Le rapport annuel sur les conflits internationaux de 2005, fait état de l’implication de l’Occident dans ces conflits par des enjeux géopolitiques. Au Libéria, par exemple, en pleine guerre civile, la compagnie anglaise “Mittal Steel”, a décroché un contrat d’exploitation du fer du Nimba (Cf, Les conflits dans le monde 2005 “Rapport annuel sur les conflits internationaux” sous la direction de Albert LEGAULT, Michel FORTMANN et de Gérard HERVOUET, Montréal, 2005, p.147). Pourquoi mêle-t-il toujours la violence à la politique dans le sud du monde ? Croit-il toujours arracher ce qu’il veut par l’usage de la force ?

Conclusion :
Est-il nécessaire de tuer pour instaurer la justice dans le sud du monde ? Pas du tout évident. Le cas de l’Irak est encore vif dans les mémoires. L’Irak a été pillé de son pétrole, sur la base d’un complot des forces alliées (Usa, Angleterre, Canada, Italie, Allemagne, etc.). Aujourd’hui, ce pays est à la ruine. L’Afganistan est en train de connaître le même itinéraire. Heureusement, la vigilance et le sursaut national des talibans freine en partie cette macabre formule de revendication et d’instauration de la démocratie à l’occidental. Notre position est que, quelle que soit la justesse d’une cause, il n’est nullement besoin d’user de la force pour faire aboutir cette cause (Cf, DJEREKE, J.-C., Fallait-il prendre les armes en Côte d’Ivoire, Paris, Harmattan, 2003, p.142). Le Pape Jean-Paul II ne pensait pas le contraire : “Si la violence reste une défaite de la pensée, elle est aussi “le moyen le plus barbare et le plus inefficace de résoudre les conflits” (Cf, Jean-Paul II, Message pour la journée mondiale de la paix de 1982, n°12.). En Côte d’Ivoire présentement, cette violence politique orchestrée par la France a fait du tort à de nombreuses personnes. C’est par milliers que se comptent les personnes ayant trouvé la mort dans les zones assiégées par les rebelles (femmes enceintes éventrées, jeunes étudiants et corps habillés décapités et brûlés vifs, maisons pillées et incendiées, sans compter les vieillards et les enfants forcés de parcourir des dizaines de kilomètres à pied avant de trouver un village, une commune ou un endroit loin de la zone occupée par les rebelle. Mais que l’Occident se souvienne de sa défaite au Vietnam et au Soudan…
Père Marius DAYORO BOILEAU (dabomarius@yahoo.fr) 

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