jeudi 31 mars 2011

Côte d'Ivoire : les scénarios possibles

   Par Nouvelobs.com | Jeudi 31 mars, 2011













Le clan Gbagbo va-t-il quitter le pouvoir ? Y aura-t-il une bataille d'Abidjan ? Les milices laisseront-elles Ouattara gouverner ? > Interview de Richard Banégas par Céline Lussato
Sommes-nous dans les derniers jours de "l'épisode présidentiel"?
- Je ne sais pas si nous allons vers un dénouement du scrutin présidentiel du 28 novembre. Ce qui est sûr, c'est qu'il se joue actuellement quelque chose de décisif dans l'avancée des pro-Ouattara. Il y a un ralliement massif au président élu et cela pourrait faire changer les choses dans le pays. La question qui reste en suspens est : y aura-t-il une bataille d'Abidjan ? Car si tout le pays tombe, ville après ville, ce ne sera pas aussi simple pour Abidjan.

Quels sont les scénarios possibles?
- Soit la logique des défections continue et cela pourrait amener les époux Gbagbo à renoncer au pouvoir. Soit la clique qui tient les commandes s'enferre dans une fuite en avant et réussit à tenir Abidjan. Or, qui tient Abidjan tient le pays.
Le clan Gbagbo veille. Il a toute une galaxie patriotique qui maille le territoire d'Abidjan. Il existe une profonde miliciarisation de la ville qui confère au clan Gbagbo un pouvoir de nuisance énorme, renforcée par la garde présidentielle.

Qu'elle rôle a l'Onuci sur le terrain?
- Un rôle d'ectoplasme dira-t-on ? L'Onuci malgré tous ses moyens est incapable de peser ou même d'imposer une ligne de neutralité. Mais si l'Onuci est à blâmer, les raisons de son immobilisme ne lui sont pas entièrement imputables. La Force Licorne dirigée par la France est dans une logique d'atonie car la France de Nicolas Sarkozy n'a pas voulu retomber dans des conflits avec Laurent Gbagbo. L'Onuci est bloquée car la France n'a pas voulu remettre son doigt dans l'engrenage. Et le fait que Nicolas Sarkozy décide de s'impliquer en Libye fait grincer pas mal de dents...

Si Laurent Gbagbo ne se retire pas, va-t-on vers une guerre civile à Abidjan?
- On est déjà face à une guerre civile, du moins à Abobo et dans l'Ouest du pays. A moyenne échéance, et si encore une fois, le clan Gbagbo se maintient, on risque de se retrouver dans une guerre urbaine des milices telle que l'a connu Brazzaville, avec donc des milices se faisant face, chaque quartier devenant le fief de l'une ou de l'autre.
Cette logique de miliciarisation est un scénario très envisageable. La ville se vide petit à petit de ses habitants, on parle déjà d'un million de personnes déplacées, et cela laisserait la ville à la disposition des milices...
Cela dit, le changement de rapport de force en cours peut amener à l'engagement d'une dynamique politique.

Pensez-vous qu'une réconciliation est possible dans le pays?
- Il faut réfléchir à l'après. Qu'adviendra-t-il s'il y a changement à la tête de l'Etat ? Que sera la Côte d'Ivoire post-Gbagbo? Ces milices ne vont pas disparaître. Si Ouattara est installé à la présidence par ces milices, il sera obligé d'en tenir compte, de payer sa dette. Les com'zones [commandants des zones contrôlées par les Forces Nouvelles, ndlr] et les chefs des différentes milices sont-ils prêts à laisser le pouvoir à Alassane Ouattara?
Les FRCI [Forces républicaines de Côte d'Ivoire, pro-Ouattara, ndlr] sont une entité très hétérogène, comme les Forces nouvelles avant elles. C'est un problème pour l'avenir. Quelle autorité aura Ouattara sur des personnes peu enclines à la discipline? Et tout cela sans parler de la question des pro-Gbagbo...
L'hypothèse d'un gouvernement militaire sur le mode de 1999 n'est pas inenvisageable...

Interview de Richard Banégas, chercheur au CEMAf (Centre d'études des mondes africains) et directeur de la revue Politique africaine, par Céline Lussato.
(le jeudi 31 mars 2011)

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