L’affaire DSK ne laisse personne indifférent sur le continent. Et la presse africaine se fait l’écho des avis qui oscillent entre la théorie du complot et un possible maraboutage.
© Damien Glez, dessinateur burkinabè - Tous droits réservés
Pour le quotidien de Ouagadougou, tout porte à croire que Dominique Strauss-Kahn a été «wacké», c’est-à-dire envoûté par les marabouts de ses adversaires «tant cet homme est bien placé pour savoir qu’aux Etats-Unis, les histoires de fesses, ça ne pardonne pas». Abdoulaye Tao, l’éditorialiste du Pays, ajoute que si cette affaire ne mettait pas en cause un des hommes les plus puissants de la planète, elle ne relèverait que du banal fait divers.
Le Pays est l’un des rares journaux du continent à évoquer la thèse du «maraboutage» de DSK. Il explique que «tout le monde aurait vu un mauvais sort jeté à un homme politique si l’affaire s’était produite en Afrique où, en période préélectorale, marabouts, charlatans et sorciers font fortune parce que consultés par beaucoup de politiciens en quête de bonne fortune».
Mais le journal de s’arrête pas là. En même temps qu’il parle d’un possible maraboutage, il rejoint la théorie du complot qui s’est largement répandue dans les colonnes de la presse africaine. «Et si l’objectif de tout visait simplement à obtenir la tête de DSK?» s’interroge encore Le Pays.
Et si ça s'était passé en Afrique?
Le Journal du Mali quant à lui, se demande ce qu’il en aurait été si l’affaire DSK s’était passée en Afrique. La présumée victime aurait-elle par exemple osé porter plainte, dans un continent où règne allégrement «le droit de cuissage»? Sous la plume de Célia D’Almeida, le Journal du Mali rend hommage à toutes ces femmes qui «osent et qui oseront s’élever contre les abus dont elles sont victimes au quotidien», et encourage à «suivre l’exemple» de la femme de chambre du Sofitel de New York.Même son de cloche pour le Sud Quotidien, à Dakar, au Sénégal. Le journal met en avant «le sens des valeurs et de la responsabilité, le courage» de la victime présumée de Dominique Strauss-Kahn. Sud Quotidien n’y va pas par quatre chemins pour ériger la jeune femme en «icône» de toutes les femmes noires et s’insurge contre «tous ceux qui feraient semblant de croire que c’est la faute de la victime si elle a été violée».
Le journal en ligne ivoirien Abidjan.net parle de l’«onde de choc» qui a traversé tout le continent à l’annonce de l’arrestation de Strauss-Kahn et publie des photos de l’ancien directeur général du FMI, menottes aux poignets et entouré de policiers. Des images qui, en Afrique aussi, ont fortement bouleversé les esprits et provoqué des commentaires les uns aussi virulents que les autres.
Les lecteurs réagissent
C’est ce que rapporte Le Jour. Le quotidien camerounais a publié le 19 mai, une pleine page des réactions de ses lecteurs qui répondent tous à la question: «Que pensez-vous de l’affaire DSK?» Parmi ces réactions, celle de la romancière franco-camerounaise Calixthe Beyala qui s’étonne de ce que, depuis le début, «les hommes politiques français plaignent l’agresseur et non l’agressée» et s’insurge contre «l’appétence des puissants de ce monde vis-à-vis des femmes noires: on épouse une blanche et on viole la femme noire».Les réactions qui suivent sont toutes dans le même ton, à l’exception de quelques-unes qui évoquent la possibilité d’un «piège» ou d’un «complot». En plus de cette pleine page de commentaires, le quotidien basé à Yaoundé revient sur un certain nombre de scandales sexuels dans lesquels ont été impliqués des dirigeants politiques en Occident et en Afrique, comme Jacob Zuma, le Président sud-africain, accusé de viol à deux reprises.
Le magazine burkinabè Fasozine donne également la parole à ses lecteurs. «Quand on regarde le tapage médiatique qui est fait autour de cette affaire, mais aussi les images, tout porte à croire que DSK fait l’objet d’une machination politique», estime une personne interrogée. D’autres, par contre, s’étonnent «qu’on oublie un peu la victime».
Une victime présumée dont on ne connaît pas encore le visage, mais dont on a appris qu’elle est d’origine guinéenne et âgée de 32 ans. RFI.net publie, ce 20 mai, un reportage à Thiakoullé, le village dont la jeune femme serait originaire, dans le nord-ouest de la région du Fouta en Guinée . Un petit village qui «n’est accessible qu’à pied, et ses habitants pratiquent ensemble l’agriculture». C’est là qu’aurait grandi la jeune femme qu’aucun des adolescents interrogés par RFI.net n’a eu l’occasion de connaître, parce que «partie il y a plus de treize ans», mais que les anciens décrivent comme «une jeune gentille et aimante, mais qui, comme toutes les jeunes filles de la région, a un grand defaut: l’orgueil».
Raoul Mbog
Slate Afrique
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