Lundi, 23 Mai 2011
Des conflits sociaux opposent depuis quelque temps les compagnies d’exploitation du bois et des communautés forestières dans les provinces de l’Equateur et du Bandundu. C’est l’ONG internationale Greenpeace qui, une fois de plus, a tiré la sonnette d’alarme, craignant que les forêts congolaises ne fassent l’objet d’un bradage à grande échelle. Sous un silence coupable du gouvernement.
Plus rien ne marche entre les exploitants forestiers et les communautés locales des provinces de l’Equateur et du Bandundu. Des conflits sociaux d’une grande ampleur opposent les deux camps. Pendant ce temps, à Kinshasa, personne ne s’en émeut. Seule l’ONG britannique, Greenpeace, a brisé le silence hier vendredi 20 mai au cours d’une conférence de presse dans la commune de Gombe.
Pour le chargé de campagne « Forêts de Greenpeace », René Ngongo, la situation est grave dans ces deux provinces. Les autorités du pays, pense-t-il, ont intérêt à se pencher le plus rapidement possible sur le problème avant qu’il ne soit trop tard. Deux cas récents ont éveillé l’attention des l’ONG internationale spécialisée dans les questions liées à l’environnement.
GENESE DES FAITS
D’entrée de jeu, René Ngongo a évoqué la situation survenue, fin avril 2011, dans la zone de Bumba en Equateur où des membres de la communauté Bosanga du village de Yalisika ont protesté contre les opérations de la Siforco (la filiale congolaise du groupe Danzel) dans cette zone. Protestation faisant suite à la non tenue par cette société de ses promesses d’investissement dans des infrastructures sociales, a-t-il précisé.
« Pour manifester son mécontentement, cette communauté est allée dans les sites d’exploitation de Siforco où elle a emporté quelques batteries des véhicules trouvés sur les lieux », a poursuivi le conférencier tout en indiquant que mécontente, Siforco a recouru à la Police nationale congolaise (PNC). Les policiers ont usé de la violence sur la communauté ; ce qui a entraîné mort d’hommes. Quelques personnes ont été arrêtées, dont le chef de la communauté Bosanga.
Le deuxième cas porte sur les échauffourées survenues dans la province du Bandundu. Selon les informations rapportées par des témoins à Greenpeace des villageois ont été battus et arrêtés par la Police nationale dans la zone d’Inongo à la suite des altercations entre les communautés locales et la Sodefor, exploitant du bois, filiale congolaise du groupe enregistré au Lichtenstein, NST (Nord-Sud Timber).
René Ngongo a rappelé, à cet effet, toutes les péripéties du différend jusqu’à sa transmission aux instances judiciaires de la province.
Aux dernières nouvelles, a-t-il dit, Sodefor aurait retiré sa plainte. « Toutefois, obligés de payer chacun 100 mille francs congolais pour recouvrer la liberté, il y a des prisonniers qui refusent de quitter la prison, tenant à savoir à tout prix le motif pour lequel ils ont été arrêtés et mis en prison », a soutenu l’expert de Greenpeace au regard des informations en possession. Il a même laissé entendre que Sodefor aurait payé la somme d’argent exigée par la justice de la ville de Bandundu pour que les prisonniers recouvrent leur liberté.
LE GOUVERNEMENT INTERPELLE
« Le constat qui se dégage de la situation préoccupante qui a prévalu dans les deux provinces est qu’il y a un décalage entre les discours officiels et ce qui se passe sur le terrain », a souligné René Ngongo, avant d’appeler le gouvernement de la RDC à tout mettre en œuvre pour maintenir le moratoire sur l’attribution de nouveaux permis d’exploitation forestière industrielle.
Selon lui, « une des principales causes de ces récurrents conflits violents est l’absence totale de plan d’utilisation des sols dans les forêts allouées à l’exploitation forestière ». Son avis est qu’« Il est urgent que le gouvernement congolais et la communauté des bailleurs de fonds s’engagent fermement pour un maintien du moratoire sur de nouvelles allocations de concessions forestières ».
Pour marquer la ferme détermination de Greenpeace à aider la RDC à mieux gérer ses forêts, René Ngongo a rappelé que toutes les actions engagées dans ce cadre par son organisation. Il s’agit entre autres de cet appel au Forest Stewartdship Council (FSC) – Cadre de concertation pour la conservation de la forêt – à suspendre toute décision sur de nouveaux certificats à des exploitations forestières dans le bassin du Congo tant que les pré-conditions à un établissement de la crédibilité du FSC dans la région ne sont pas remplies.
LES FORETS DU BASSIN DU CONGO
Les forêts du bassin du Congo constituent la deuxième plus vaste forêt tropicale de la planète après l’Amazonie. Elles sont d’une exceptionnelle valeur écologique. 415 espèces de mammifères, 11.000 espèces de plantes, 1.117 d’oiseaux et près de 1.000 de poissons d’eau ont été recensés pour la seule RDC. Eléphants de forêt, gorilles, bonobos et okapis sont parmi les espèces les plus emblématiques de cette extraordinaire biodiversité.
Dans ces régions, des cultures entières sont basées sur leur relation avec la forêt. Des dizaines de millions de personnes en dépendent pour leur alimentation, leurs plantes médicinales ou leur approvisionnement en énergie.
L’industrie du bois met gravement en péril ces équilibres. En RDC, entre 2002 et 2008, 15 millions d’hectares (soit l’équivalent d’un quart de la France) ont été affectés à l’exploitation forestière en toute illégalité. Les conséquences environnementales et sociales sont dramatiques : forêts pillées, faune décimée, communautés locales déstructurées. Les bénéfices de cette exploitation ne vont pas aux collectivités, pas plus aux salariés de l’industrie du bois qui travaillent dans des conditions déplorables.
Malheureusement, dans la plupart des cas, l’argent va à quelques individus corrompus et à des industriels qui n’hésitent pas à recourir à l’intimidation, aux manipulations comptables et à l’évasion fiscale pour faire grossir leurs chiffres d’affaires.
En 2008, Greenpeace a ainsi dénoncé l’entreprise germano-suisse Danzel. Elle avait omis de payer près de 8 millions d’euros de taxes. De quoi payer la vaccination de 700.000 enfants !
Toutefois, Greenpeace a noté, avec le temps, que le gouvernement de RDC a fait preuve de volontarisme ces dernières années pour encadrer le secteur : nouveau Code forestier en 2002, moratoire sur l’attribution de nouveaux titres forestiers (proclamé en 2002, confirmé en 2005) et révision de la légalité des titres attribués. Cette révision s’est achevée en janvier 2009 par l’invalidation de 12 millions d’hectares.
Pour Greenpeace, « même si tout n’a pas été parfait au cours du processus (manque de transparence, faible implication des communautés locales, lobbying de grandes compagnies forestières), cette révision constitue un premier pas fragile. Les résultats de cette invalidation sont déjà menacés ».
Cependant, dans ses différentes campagnes, Greenpeace estime qu’il faut également que les bailleurs de fonds conditionnent leur aide à une protection du patrimoine forestier plutôt que d’être les complices de son pillage en fermant les yeux sur ce qui se passe en RDC.
Enfin, Greenpeace pousse les premiers clients du bois africain, en l’occurrence l’Union européenne et la Chine, à interdire l’importation du bois « illégal » ou du bois «pillé ». C’est à ces conditions que la forêt du Bassin du Congo pourra enfin être protégée et cessée d’être détruite par des forestiers dont l’intérêt n’est guidé que par des considérations économiques à court terme.
A noter que tous les efforts consentis par notre rédaction pour joindre le ministre de l’Environnement afin d’obtenir le point de vue du gouvernement sur sa responsabilité dans ce dossier se sont révélés vains.
Des conflits sociaux opposent depuis quelque temps les compagnies d’exploitation du bois et des communautés forestières dans les provinces de l’Equateur et du Bandundu. C’est l’ONG internationale Greenpeace qui, une fois de plus, a tiré la sonnette d’alarme, craignant que les forêts congolaises ne fassent l’objet d’un bradage à grande échelle. Sous un silence coupable du gouvernement.
Plus rien ne marche entre les exploitants forestiers et les communautés locales des provinces de l’Equateur et du Bandundu. Des conflits sociaux d’une grande ampleur opposent les deux camps. Pendant ce temps, à Kinshasa, personne ne s’en émeut. Seule l’ONG britannique, Greenpeace, a brisé le silence hier vendredi 20 mai au cours d’une conférence de presse dans la commune de Gombe.
Pour le chargé de campagne « Forêts de Greenpeace », René Ngongo, la situation est grave dans ces deux provinces. Les autorités du pays, pense-t-il, ont intérêt à se pencher le plus rapidement possible sur le problème avant qu’il ne soit trop tard. Deux cas récents ont éveillé l’attention des l’ONG internationale spécialisée dans les questions liées à l’environnement.
GENESE DES FAITS
D’entrée de jeu, René Ngongo a évoqué la situation survenue, fin avril 2011, dans la zone de Bumba en Equateur où des membres de la communauté Bosanga du village de Yalisika ont protesté contre les opérations de la Siforco (la filiale congolaise du groupe Danzel) dans cette zone. Protestation faisant suite à la non tenue par cette société de ses promesses d’investissement dans des infrastructures sociales, a-t-il précisé.
« Pour manifester son mécontentement, cette communauté est allée dans les sites d’exploitation de Siforco où elle a emporté quelques batteries des véhicules trouvés sur les lieux », a poursuivi le conférencier tout en indiquant que mécontente, Siforco a recouru à la Police nationale congolaise (PNC). Les policiers ont usé de la violence sur la communauté ; ce qui a entraîné mort d’hommes. Quelques personnes ont été arrêtées, dont le chef de la communauté Bosanga.
Le deuxième cas porte sur les échauffourées survenues dans la province du Bandundu. Selon les informations rapportées par des témoins à Greenpeace des villageois ont été battus et arrêtés par la Police nationale dans la zone d’Inongo à la suite des altercations entre les communautés locales et la Sodefor, exploitant du bois, filiale congolaise du groupe enregistré au Lichtenstein, NST (Nord-Sud Timber).
René Ngongo a rappelé, à cet effet, toutes les péripéties du différend jusqu’à sa transmission aux instances judiciaires de la province.
Aux dernières nouvelles, a-t-il dit, Sodefor aurait retiré sa plainte. « Toutefois, obligés de payer chacun 100 mille francs congolais pour recouvrer la liberté, il y a des prisonniers qui refusent de quitter la prison, tenant à savoir à tout prix le motif pour lequel ils ont été arrêtés et mis en prison », a soutenu l’expert de Greenpeace au regard des informations en possession. Il a même laissé entendre que Sodefor aurait payé la somme d’argent exigée par la justice de la ville de Bandundu pour que les prisonniers recouvrent leur liberté.
LE GOUVERNEMENT INTERPELLE
« Le constat qui se dégage de la situation préoccupante qui a prévalu dans les deux provinces est qu’il y a un décalage entre les discours officiels et ce qui se passe sur le terrain », a souligné René Ngongo, avant d’appeler le gouvernement de la RDC à tout mettre en œuvre pour maintenir le moratoire sur l’attribution de nouveaux permis d’exploitation forestière industrielle.
Selon lui, « une des principales causes de ces récurrents conflits violents est l’absence totale de plan d’utilisation des sols dans les forêts allouées à l’exploitation forestière ». Son avis est qu’« Il est urgent que le gouvernement congolais et la communauté des bailleurs de fonds s’engagent fermement pour un maintien du moratoire sur de nouvelles allocations de concessions forestières ».
Pour marquer la ferme détermination de Greenpeace à aider la RDC à mieux gérer ses forêts, René Ngongo a rappelé que toutes les actions engagées dans ce cadre par son organisation. Il s’agit entre autres de cet appel au Forest Stewartdship Council (FSC) – Cadre de concertation pour la conservation de la forêt – à suspendre toute décision sur de nouveaux certificats à des exploitations forestières dans le bassin du Congo tant que les pré-conditions à un établissement de la crédibilité du FSC dans la région ne sont pas remplies.
LES FORETS DU BASSIN DU CONGO
Les forêts du bassin du Congo constituent la deuxième plus vaste forêt tropicale de la planète après l’Amazonie. Elles sont d’une exceptionnelle valeur écologique. 415 espèces de mammifères, 11.000 espèces de plantes, 1.117 d’oiseaux et près de 1.000 de poissons d’eau ont été recensés pour la seule RDC. Eléphants de forêt, gorilles, bonobos et okapis sont parmi les espèces les plus emblématiques de cette extraordinaire biodiversité.
Dans ces régions, des cultures entières sont basées sur leur relation avec la forêt. Des dizaines de millions de personnes en dépendent pour leur alimentation, leurs plantes médicinales ou leur approvisionnement en énergie.
L’industrie du bois met gravement en péril ces équilibres. En RDC, entre 2002 et 2008, 15 millions d’hectares (soit l’équivalent d’un quart de la France) ont été affectés à l’exploitation forestière en toute illégalité. Les conséquences environnementales et sociales sont dramatiques : forêts pillées, faune décimée, communautés locales déstructurées. Les bénéfices de cette exploitation ne vont pas aux collectivités, pas plus aux salariés de l’industrie du bois qui travaillent dans des conditions déplorables.
Malheureusement, dans la plupart des cas, l’argent va à quelques individus corrompus et à des industriels qui n’hésitent pas à recourir à l’intimidation, aux manipulations comptables et à l’évasion fiscale pour faire grossir leurs chiffres d’affaires.
En 2008, Greenpeace a ainsi dénoncé l’entreprise germano-suisse Danzel. Elle avait omis de payer près de 8 millions d’euros de taxes. De quoi payer la vaccination de 700.000 enfants !
Toutefois, Greenpeace a noté, avec le temps, que le gouvernement de RDC a fait preuve de volontarisme ces dernières années pour encadrer le secteur : nouveau Code forestier en 2002, moratoire sur l’attribution de nouveaux titres forestiers (proclamé en 2002, confirmé en 2005) et révision de la légalité des titres attribués. Cette révision s’est achevée en janvier 2009 par l’invalidation de 12 millions d’hectares.
Pour Greenpeace, « même si tout n’a pas été parfait au cours du processus (manque de transparence, faible implication des communautés locales, lobbying de grandes compagnies forestières), cette révision constitue un premier pas fragile. Les résultats de cette invalidation sont déjà menacés ».
Cependant, dans ses différentes campagnes, Greenpeace estime qu’il faut également que les bailleurs de fonds conditionnent leur aide à une protection du patrimoine forestier plutôt que d’être les complices de son pillage en fermant les yeux sur ce qui se passe en RDC.
Enfin, Greenpeace pousse les premiers clients du bois africain, en l’occurrence l’Union européenne et la Chine, à interdire l’importation du bois « illégal » ou du bois «pillé ». C’est à ces conditions que la forêt du Bassin du Congo pourra enfin être protégée et cessée d’être détruite par des forestiers dont l’intérêt n’est guidé que par des considérations économiques à court terme.
A noter que tous les efforts consentis par notre rédaction pour joindre le ministre de l’Environnement afin d’obtenir le point de vue du gouvernement sur sa responsabilité dans ce dossier se sont révélés vains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire