dimanche 13 mai 2012

Crise aux Kivu : L’énigme reste entière

12/05/2012
FARDC

La situation sécuritaire dans l’Est exige que l’on explore d’autres pistes de solution. Ce qui a été tenté jusqu’à ce jour, notamment le mixage et le brassage, s’est avéré totalement inapproprié pour venir à bout de ce qui paraît comme une véritable pieuvre. Si bien que lors de son récent passage dans l’Est, le chef de l’Etat a été amené à suspendre toutes les opérations militaires qui y étaient menées.


Aujourd’hui, l’énigme reste entière. La situation actuelle dans les Kivu est vraiment le reflet de tout ce qui n'a pas été achevé et réalisé lors du dernier mandat de Joseph Kabila, à savoir la fin des groupes armés dans l'Est du pays.

Le Premier ministre qui hérite de cette situation doit vite se mettre à l’œuvre pour apporter une solution durable au problème de l’Est. Car, il y a risque que ces tensions ne plombent la réalisation de son programme.

Pour le chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, mettre fin à l’insécurité qui menace l’intégrité territoriale dans l’Est est une urgence. Le Premier ministre est ainsi obligé de recadrer son programme, bousculer l’ordre des priorités en misant avant tout sur la restructuration des forces armées de la RDC, gage du retour de la paix dans la partie orientale du pays.

Le programme quinquennal du gouvernement Matata est en voie de connaître sa première révision. Du fait de l’impulsion que vient de donner le chef de l’Etat en rapport avec le danger qui guette l'intégrité territoriale nationale. Celui-ci estime que la priorité devrait être accordée à la sécurisation de la partie orientale du pays.

C’est ce qui ressort du premier Conseil des ministres qui s’est tenu jeudi à la cité de l’UA sous la présidence du chef de l’Etat. A cette occasion, Joseph Kabila s’est appesanti sur la situation dans l’Est avant de demander que le gouvernement en fasse une priorité des priorités.


«La perturbation de la sécurité dans le Kivu risque de retarder l’effort national du développement économique en cours», rapporte le compte-rendu de du Conseil des ministres avant d’ajouter que le président de la République a «condamné les menaces contre l’intégrité du territoire et la sécurité de [ses] concitoyens dans cette partie [du] pays».

Par ailleurs, le porte-parole du gouvernement a assuré que l'arrestation de Bosco Ntaganda et des soldats rebelles qui lui restent fidèles n'est plus qu'une «question de temps».
RECADRER LES PRIORITES

Les nouvelles instructions du chef de l’Etat, qui tombent juste après l’adoption par l’Assemblée nationale du programme du gouvernement, ne devaient pas rester sans effet sur la copie présentée par le Premier ministre. L’ordre de priorités de son programme devait certainement connaître des retouches afin de l’adapter à l’urgence relevée par le président de la République.

Encore une fois, la question de la restructuration de l’armée se trouve au centre de la stabilisation de la partie Est de la RDC. Depuis l’adoption de l’Accord global et inclusif de Sun City en 2003, cette question, pourtant prioritaire, n’a jamais connu une avancée significative. Tous les gouvernements qui ont repris le flambeau du gouvernement «1+4» ont toujours abordé le problème sans réellement apporter une solution efficace, à savoir doter la RDC d’une armée républicaine et dissuasive, capable de garantir l’intangibilité des frontières nationales.

Neuf ans après Sun City, la RDC continue à faire du sur-place. Tout le monde évoque le sujet, mais personne n’ose dénoncer le virus qui ronge l’armée nationale de la RDC. A plusieurs reprises, l’armée nationale a brillé par son amateurisme et son incapacité lorsqu’il s’est agi de défendre l’intégrité du territoire national.

Aujourd’hui, c‘est encore autour de l’armée que se joue la stabilisation de l’Est de la RDC. Par quel bout faut-il aborder cette question cruciale et récurrente pour une solution définitive et durable ? C’est le chantier qui attend le Premier ministre.


Relativement aux instructions données jeudi 10 mai 2012 par le président de la République le chef du gouvernement a l’obligation de réussir là où ses prédécesseurs ont laissé des plumes. Aussi, l’attend-on à l’œuvre.

Adolphe Muzito, qui l’a précédé à la Primature, le lui a encore rappelé jeudi dernier lors de la cérémonie de remise et reprise à la Primature. Sincère de n’avoir pas achevé l’œuvre, il a prié Matata Ponyo à faire mieux que lui là où il n’a pas réussi, en ce compris, la question de l’armée.


«Je ne doute pas un seul instant que, connaissant vos qualités, vous allez relever les défis. Amplifiez ce que nous avons fait ensemble, corrigez le tir là où il faudra pour faire mieux, pour corriger là où je me suis trompé, …», a déclaré Adolphe Muzito à son successeur.

SITUATION TOUJOURS TENDUE

L’ultimatum de cinq jours accordé par la haute hiérarchie des FARDC aux mutins a expiré hier vendredi. Mais sur le terrain, la situation reste toujours tendue. Des informations en provenance de l’Est font état de la reprise des combats. De nouveaux affrontements ont éclaté jeudi soir entre les deux parties, près de la frontière du Rwanda et de l’Ouganda, rapporte Afrik.com, sans citer sa source.

A la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco), l’on minimise les faits, particulièrement dans le Sud-Kivu, à en croire les déclarations de son porte-parole militaire, le colonel Félix Prosper Basse. Par contre, dans un article de BBC rendu par son correspondant en RDC, Thomas Hubert, il est fait mention de «nouveaux affrontements dès la fin du cessez-le feu au Nord-Kivu»

BBC rapporte que dès la fin du cessez-le feu de cinq jours décrété par l'armée de RDC dans son offensive contre les mutins proches du général rebelle Bosco Ntaganda, jeudi dernier dans la soirée, les affrontements entre les deux camps ont repris à proximité des frontières de l'Ouganda et du Rwanda. Et des sources locales, note-t-elle, indiquent que les localités de Runyoni et de Chanzu, en lisière du parc national des Virunga, sont passées sous leur contrôle.

La radio britannique ajoute, citant les Nations unies et des sources associatives locales, que la zone de Runyoni et de Bunagana à la frontière Ougandaise et à quelques kilomètres du Rwanda a, de nouveau, été le théâtre d'accrochages répétés jeudi soir et vendredi matin entre les forces loyalistes et la nouvelle rébellion principalement composée d'anciens membres du CNDP, le mouvement rebelle du général Bosco Ntaganda.

Toutefois, BBC relève qu’aucun mort ni blessé n'a pour l'instant été recensé par la mission onusienne au Congo, mais le HCR confirme que les civils congolais de la zone se réfugient en Ouganda comme cela avait déjà été le cas il y a une semaine.

Elle rappelle que le colonel Makenga, un militaire mutin proche du général Ntaganda, avait alors annoncé qu'il prenait la tête de la rébellion dans cette zone du Nord-Kivu en partie couverte par le parc national des Virunga, une réserve naturelle inhabitée où l'armée pense que les mutins affiliés à l'ex-CNDP se sont cachés ces derniers jours.
Explorer d’autres pistes de solution

La situation sécuritaire dans l’Est exige que l’on explore d’autres pistes de solution. Ce qui a été tenté jusqu’à ce jour, notamment le mixage et le brassage, s’est avéré totalement inapproprié pour venir à bout de ce qui paraît comme une véritable pieuvre. Si bien que lors de son récent passage dans l’Est, le chef de l’Etat a été amené à suspendre toutes les opérations militaires qui y étaient menées. Aujourd’hui, l’énigme reste entière.

Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), estime que la crise qui secoue les Kivu n'est pas uniquement militaire, elle est aussi politique, et la tentative d'arrestation de Ntaganda retarde son règlement.

Il pense que «cette situation actuelle dans les Kivu est vraiment le reflet de tout ce qui n'a pas été achevé et réalisé lors du dernier mandat de Joseph Kabila, à savoir la fin des groupes armés dans l'Est du pays».

Le Premier ministre qui hérite de cette situation doit vite se mettre à l’œuvre pour apporter une solution durable au problème de l’Est. Car, il y a risque que ces tensions ne plombent la réalisation de son programme.

Devant les députés réunis mercredi 9 mai à l’hémicycle du palais du peuple, le chef du gouvernement a promis de relever les nombreux défis qui se dressent devant lui. Or, le chef de l’Etat vient de lui rappeler que le premier défi – priorité des priorités- à relever se trouve être la question de l’armée pour vaincre définitivement le démon de l’insécurité, très actif depuis quelques années dans l’Est, devenu ventre mou de la RDC.

[Le Potentiel]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire