lundi 11 juin 2012

Transfert des ex-CNDP à Kananga ou transfert de l’insécurité de l’Est à l’Ouest du Congo ?

Une stratégie à triple volets pour la survie des régimes congolais et rwandais




Le lundi 24/04, l’ambiance était peu habituelle à l’aéroport de Goma. Un millier de soldats ex-CNDP (avec femmes et enfants) y étaient rassemblés. Appartenant au 811ème régiment basé à Mwesso, Pinga, Kitshanga dans le territoire de Masisi, ces hommes de troupes étaient en partance pour Kananga dans le Kasaï Occidental.

Ce 81ème régiment des FARDC est, désormais, commandé par le commandant Mulomba BAHATI, après la défection du Colonel Zimulinda (rwandophone) et ses hommes.

Dans les prochains jours, il est aussi annoncé le transfert, dans d’autres provinces, des militaires du régiment basé à Rutshuru regorgeant d’autres ex-CNDP ainsi que des ex-UPC/Ituri.

Officiellement, cette mutation décidée par l’Etat-major général des FARDC vise à mettre fin au phénomène de « soldats et officiers communautaires » décrié par le président Joseph Kabila lors de son dernier séjour à Goma.

Rappelons que dans un accord signé en 2009 par les représentants du CNDP et du gouvernement congolais, il était convenu que, même intégrés au sein des FARDC, les éléments du CNDP ne pouvaient être déployés qu’à l’Est de la RDC et particulièrement dans la région du Kivu.

Fort de cet accort, des militaires FARDC, notamment des ex-CNDP, ne voulaient pas servir l’armée en dehors de cette région troublée du pays.

Certains medias officiels ont même rapporté que la majorité des militaires concernés par cette mesure se disent très motivés de quitter la province du Nord-Kivu et se seraient même engager à ne plus jamais trahir le Congo.

Qu’est-ce qui a pu changer subitement chez ces ex-CNDP ?

Parmi les raisons avancées par les ex-CNDP pour justifier leur déploiement dans le Kivu il y avait, entre autres, la protection des communautés Tutsi vivant dans cette partie de la RDC qui, selon eux, étaient régulièrement victimes des attaques des groupes armés locaux et étrangers.

De ce point de vu, aucune pression ne peut, en principe, les obliger de changer d’avis en décidant de quitter leur patelin où des Mayi-mayi et Fdlr sont entrain de coaliser actuellement. Il y va de la survie de membres de leurs « familles ».

En plus, présentés par une certaine opinion politique congolaise comme des « envahisseurs rwandais au Congo», il n’est pas évident qu’ils soient bien accueillis dans d’autres provinces de ce pays post conflit.
L’on se demande d’ailleurs comment se fera leur installation à Kananga où les populations seraient déjà sensibilisées pour refuser leur présence.

Que ces militaires Tutsi, sur-motivés quant à la défense des membres de leurs communautés vivant au Kivu, changent subitement d’avis ne peut que susciter des interrogations.

Au niveau de la Monusco l’on considère que ce mouvement des troupes compromet plusieurs opérations militaires conjointes qui étaient encours dans cette partie du Congo.

Une stratégie à triple volets

Depuis 2009, une sorte de frustration est vécue au sein des FARDC. Des militaires ex-CNDP jouissent de certains privilèges (postes de commandements, contrôles de carrés miniers, engins roulants, matériels de communication…) que n’ont pas nécessairement les « autres ».


Ces anciens poulains de Laurent Nkunda se distinguent dans unes indiscipline caractéristique à la base de nombreuses bavures. Comme « immunisés », ils font très peu ou pas du tout l’objet de poursuite judiciaire.
Dans cette région du Kivu connue pour ses antagonismes entre communautés y vivant, cette attitude des ex-CNDP n’a pas tardé à engendrer la frustration. Frustration au sein d’une population qui aperçoit ainsi s’installer une sorte d’hégémonie Tutsi et la frustration au sein de l’armée où plusieurs officiers ont commencé à déserter avec éléments, armes et munitions.

Ce qui est, non seulement à la base de l’insécurité permanente dans cette région, mais aussi de la baisse sensiblement la cote de popularité de Joseph Kabila dans la contrée.

Cette mesure d’éloignement momentané des ex-CNDP permettrait à Kabila de reprendre la main sur les autres soldats Fardc mécontents de constater que la rigueur de l’armée n’est pas appliquée aux rwandophones.

Certaines sources soutiennent qu’afin de calmer les esprits, un simulacre de procès sera organisé pour juger trois colonels impliqués dans les désertions d’Uvira, Baraka et Nyabibwe.

Le déploiement des ex-CNDP dans le Kasaï, fief de la contestation politique de l’opposant Etienne Tshisekedi constitue, pour certains observateurs politiques, un message fort du régime contre ceux qui seraient tenté par une aventure sécessionniste.

Tout le monde connaît le « savoir-faire » de ces ex-CNDP lorsqu’il s’agit de réprimer les mouvements de masses. Des mauvaises langues voient déjà, dans ce transfert, un transport de l’insécurité de l’Est vers l’Ouest de la RDC.
Aussi, pense-t-on, que ce mouvement des troupes serait avantageux pour un déploiement discret et efficace des infiltrés RDF (Armée rwandaise) qui profiteront des mouvements de permutation des régiments Fardc afin de s’incruster dans les deux Kivu où les alliances entre les Fdlr et les groupes d’autodéfense Mayi-Mayi commencent à inquiéter sérieusement Kigali.

Les deux Kasai et le Katanga regorgent plusieurs familles des combattants FDLR. Ces provinces constituent donc un vivier de jeunes combattants qui se rallient de plus en plus à leurs parents qui sont dans les différents fronts dans les deux Kivu.

Kigali voudrait ratisser à la base pour enfin décourager ceux qui continuent à combattre pense-t-on dans certains cercles de réflexion.

Les ex-CNDP, auxquels des infiltrés RDF (Rwanda Defense Forces) seront joints ultérieurement, pourraient s’occuper de ce « boulot » au cœur des familles Fdlr mises à l’abri loin des différents fronts animés par les combattants actifs.

Ce transfert se fait pendant que des défections des ex-CNDP continuent au Kivu. Il y a quelques jours, quatre colonels ont fait défection avec leurs troupes en se dirigeant vers Kitchanga, fief de Bosco Ntaganda.

Il s’agit des colonels Mutoni, Ngaruye, Muhire et Zimulinda. Ceci est considéré par certains analystes comme une manière, pour eux, d’aller prévenir une éventuelle attaque pour arrêter Bosco Ntaganda.

Ce général des FARDC continue, pour sa part, à jouir de la confiance de Kigali et de Kinshasa pour le moment. Il garde, autour de lui, un nombre important de soldats fidèles, capables de résister à toute attaque dans l’éventualité d’une décision de le faire arrêter.

Son arrestation n’est pas envisageable dans les conditions sécuritaires actuelles au Nord-Kivu.

Il ressort de ce qui précède que cette opération vise, avant tout, la protection de deux régimes : celui de Kigali et celui de Kinshasa.

Le Millénaire

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