mardi 3 juillet 2012

Terreur à Epulu: les gardes sont massacrés, les okapis aussi


30 juin 2012


« Morgan a coupé la jambe du garde Amisi au niveau du genou, a retiré la viande, brandi le fémur comme un trophée et hurlé : je vais tous vous manger si vous ne faites pas ce que je vous dit…»


Ce témoin du massacre survenu à la station d’Epulu, au cœur de la réserve de faune à okapis dans le nord du Congo, est toujours sous le choc : dimanche dernier, des hommes lourdement armés de fusils AK47 et de deux PKM (des Kalachnikov à canon léger) et d’un téléphone satellite ont surgi entre les bâtiments, en provenance, semblait-il, de Kisangani.

Certains d’entre eux étaient entièrement nus, d’autres portaient de faux uniformes de l’armée congolaise et chantaient à tue tête. A leur tête se trouvait un certain Morgan, braconnier tristement célèbre dans la région, qui avait déjà été arrêté à trois reprises proximité d’Epulu, alors qu’il chassait des éléphants.

Morgan, originaire du village Epene, dans la collectivité de Bombo, premier centre de capture des okapis, nourrissait une haine particulière à l’encontre du garde Amisi, qui l’avait mis en prison et, selon certains, torturé.

La vengeance de Morgan et de son corps expéditionnaire de « Simbas » (lions) fut terrible : deux gardes furent tués sur le champ, le corps de l’un d’entre eux et celui de la femme d’Amisi furent brûlés vifs sous le regard de tous. Au total sept personnes trouvèrent la mort et la plupart des gardes prirent la fuite en direction de la forêt.

Les assaillants attaquèrent aussi les bâtiments de la station d’Epulu, toutes les maisons furent saccagées et pillées, le bureau administratif, le corps de garde, le centre d’accueil furent incendiés, les stocks de rations et autres équipements furent emmenés, les véhicules mis à feu.

Un nombre indéterminé de civils furent emmenés en otages dans la forêt, afin qu’ils transportent le butin des assaillants et plusieurs femmes furent enlevées et violées.

Les assaillants s’en prirent aussi aux okapis, qui faisaient la fierté de la station : tous les animaux en captivité, soit 14 d’entre eux, furent tués par balles. Seule une femelle, retrouvée avec trois balles dans le corps, a survécu et un vieux mâle a été soigné par un Pygmée.

L’attaque de la station d’Epulu, le massacre des okapis représentent un coup particulièrement dur pour l’ICCN, l’Institut congolais de conservation de la nature, qui s’efforçait de réhabiliter la réserve d’okapis, classée par l’Unesco, à l’instar du parc des Virunga au Nord Kivu, comme patrimoine mondial de l’humanité.

Les okapis en effet sont une espèce classée sur la « liste rouge », celle des animaux en voie de disparition, dont le nombre total ne dépasse plus les 3600 unités qui vivent en liberté autour d’Epulu, dans une région de 13.000 km2.

C’est précisément afin de leur permettre de se reproduire, d’être étudiés et admirés par des visiteurs que la station avait capturé une quinzaine d’entre eux.

Morgan en a décidé autrement, détruisant un centre qui faisait la fierté de la région et commençait à attirer un nombre croissant de touristes.

Après le temps des premiers secours, restera à déterminer la provenance des armes lourdes mises à la disposition des braconniers et les bénéficiaires ultimes de cette nouvelle agression contre les parcs naturels et le tourisme dans l’Est du Congo.

Le carnet de Colette Braeckman

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