mardi 28 août 2012

La zaïrianisation de Mobutu, de l’homme au demi-dieu

Manipulation cynique ou « recours à l’authenticité » ?


Joseph-Desiré Mobutu, ancien chef de l’Etat congolais, décide de se lancer au début des années 1970 dans une véritable révolution culturelle. La « zaïrianisation » a pour buts affichés de gommer les traces de la colonisation sur les Congolais ainsi que de leur donner les manettes de l’économie. Cette décolonisation mentale et économique, se soldera rapidement par un échec.

En Octobre 1971, la République du Congo devient le Zaïre sous l’impulsion de son chef, Joseph-Désiré Mobutu, rebaptisé Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga. C’est « l’année des 3 Z », au cours de laquelle il renomme à la fois le pays, le fleuve et la monnaie sous le nom de « Zaïre ».
Il s’agit des prémices de la campagne pour « l’authenticité », c’est-à-dire une tentative de renforcement de la cohésion nationale en gommant les vestiges coloniaux. Il commence par obliger la modification des patronymes en supprimant les consonances occidentales.
Mobutu annonce par la suite une série de mesures afin de se détacher de tout ce qui peut rappeler l’Occident et sa domination :

L’ « abacost », abréviation de « à bas le costume », est par exemple proclamé. Le costume et la cravate sont en effet des symboles de la culture coloniale, de la tenue du colonisateur. Ils sont considérés comme une marque de « mundele ndombe », qui signifie de « Blanc noir ».

Mobutu décide donc de l’interdire au profit d’un veston d’homme appelé « abacost ». Il devient le symbole vestimentaire de la nomenklatura au pouvoir jusqu’aux années 1990. Les monuments coloniaux sont également retirés des places publiques et de nombreuses villes sont rebaptisées en lingala, nouvelle langue officielle.

L’échec économique d’un régime corrompu

La zaïrianisation de 1974 va plus loin, elle entraîne la nationalisation des biens des étrangers au profit de particuliers zaïrois. Il s’agit officiellement du recouvrement de l’économie par et pour les Zaïrois. Cette politique économique mobutiste se soldera par un échec.

En effet, la nationalisation brutale de l’économie déclenche le départ de centaines de chefs d’entreprise étrangers. Ils sont remplacés par des Zaïrois proches du pouvoir, qui envisagent ces entreprises comme des moyens d’enrichissement rapide, sans ne rien gérer.

La corruption mine alors complètement le régime, qui devient une réelle kleptocratie. Le Zaïre, qui incarnait le modèle africain depuis quelques années, devient alors un pays déclassé. Mobutu règnera sans partage sur les ruines d’un Etat ravagé par la corruption et le népotisme, jusqu’en 1997 :

Une inspiration maoïste au maquillage africain

A l’occasion de cette révolution culturelle du nom de zaïrianisation, Mobutu se renomme Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga, c’est-à-dire « Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter ».
Ce nouveau nom laisse transparaître le début d’un culte de la personnalité, d’inspiration communiste. Mobutu est en effet fasciné par la Chine maoïste, la Corée du Nord ou la Roumanie de Ceausescu. Leur côté grandiose, ainsi que la fascination contrainte des peuples pour leur leader, plaisent au chef zaïrois.
Il adopte la toque en peau de léopard, une sorte de couronne de tradition bantou, faisant son originalité.

Le 4 décembre 1974, le Commissaire politique Engulu déclare que Jésus a été détrôné par le « Messie et Sauveur » du Zaïre, le prophète Mobutu : « Mobutu est venu au nom de nos ancêtres ; et, envoyé par eux, il a apporté le message de la paix, de l’entente et de la fraternité […]

Il sera le premier penseur, le premier gestionnaire, le garant de la pérennité de la nation », a rapporté l’historien Isidore Ndaywel E Nziem. L’idéologie officielle, le mobutisme, est enseignée dans les écoles à la place de la religion.

Les louanges de Mobutu sont également faites à travers les médias avec des titres comme « le Guide de la révolution zaïroise », « le Timonier », « le père de la nation », le « président-fondateur », etc. Les lieux associés à sa carrière sont même proclamés « lieux de méditation ».

Le culte de la personnalité de Mobutu en est à son apogée, en 1975 la presse met une photo de lui en première page chaque jour, les autres personnalités citées ne peuvent l’être que par leur titre et non par leur nom.

Tout comme Mao, Mobutu a voulu faire une révolution culturelle à son profit. Il s’agissait de créer un nouveau peuple, un nouveau pays, avec un démiurge en son centre. Le « léopard de Kinshasa » voulait faire de lui un personnage sacré, adoré par ses créatures, un demi-dieu africain.

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