On croit naturellement que des institutions comme l’Union Européenne sont pilotées par des hommes et des femmes qui se prennent rigoureusement au sérieux.
Jusqu’au moment où on se penche sur certains dossiers, sensibles, comme le Rwanda et ses aventures meurtrières dans l’Est du Congo.
En tout cas, la dernière décision en date de Bruxelles ressemble plus à un canular qu’à autre chose.
Jusqu’au moment où on se penche sur certains dossiers, sensibles, comme le Rwanda et ses aventures meurtrières dans l’Est du Congo.
En tout cas, la dernière décision en date de Bruxelles ressemble plus à un canular qu’à autre chose.
Les autorités de Bruxelles ont donc décidé de suspendre l’aide de l’Union Européenne au Rwanda en réaction aux accusations portées contre Kigali pour son soutien au mouvement armé nommé M23 qui endeuille l’Est du Congo.
Jusque-là les choses semblent claires et les victimes des exactions rwandaises au Congo peuvent pousser un ouf de soulagement. Leurs gémissements ont enfin été entendus. Mais en écoutant la suite de l’information, on tombe des nues.
La suspension ne concerne pas l’aide en cours. Elle concerne l’aide que pourra demander le Rwanda, et on ne sait même pas à quel montant elle pourrait s’élever. Interrogé par la Deutsche Welle, Michael Mann, porte-parole du service diplomatique européen, n’a pas réussi à donner un chiffre précis. Evidemment.
En d’autres termes, l’Union Européenne ne suspend aucun versement déjà programmé au profit du gouvernement rwandais. Il s’agit de l’aide qui pourra être demandée à l’avenir, bien entendu, dans l’hypothèse où cette aide puisse être effectivement demandée par Kigali.
Mieux encore, Bruxelles précise que cette éventuelle aide sera de toute façon accordée, si elle est demandée, à condition que Kigali apporte des « clarifications » sur son implication dans la guerre en cours au Congo.
On est dans l’irréel.
Cela ressemble à la situation ubuesque d’une personne qui annonce qu’elle ne vous donnera pas l’argent que vous ne lui avez même pas demandé, et qui précise tout de suite qu’elle vous le donnera quand même si vous le lui demandez. Vous pourriez la prendre pour quelqu’un d’un peu dérangé.
A Bruxelles, pourtant, nos dirigeants méritent meilleure considération… De quelles « clarifications », sincèrement, auraient-ils besoin ?
Car dès le mois de juillet, les Etats-Unis, qui disposent de coopérants militaires au Rwanda, et donc des informations fiables, ont suspendu le versement de leur aide militaire destinée au pays en réaction au comportement des dirigeants rwandais.
Washington disposaient donc des « clarifications » suffisantes, d’ailleurs corroborées par un groupe d’experts mandatés par l’ONU (voir rapport).
Le Royaume-Uni, principal bailleur de fond du régime de Paul Kagamé, l’Allemagne, les Pays-Bas,… ont emboîté le pas aux Américains en suspendant leur aide, naturellement sur la base des informations « clarifiées ».
Seules les autorités de Bruxelles donnent l’impression de ne pas voir une énième agression du Rwanda contre le Congo, aussi visible que le soleil de midi.
Par ailleurs, au sujet même des fameuses « clarifications », on imagine assez aisément à quel point le scénario sera grotesque.
Kigali va envoyer à grand coup de spectacle des émissaires à Bruxelles pour répéter ce qu’on sait déjà : le Rwanda n’est pas impliqué dans la guerre du Congo.
Un mensonge récurrent que répètent les autorités rwandaises depuis la Première Guerre d’agression de 1996.
On se souvient du florilège des mensonges dont les dirigeants rwandais ont littéralement inondé les médias et que nos journalistes, mon Dieu ! ont religieusement relayés. Il n’y avait pas « un seul soldat rwandais » sur le sol congolais.
Et même lorsque l’actuel ministre rwandais de la défense, le Général James Kabarebe, s’est installé au poste de Chef d’Etat-major de l’armée nationale congolaise, en 1997, il n’y avait toujours pas « un seul soldat rwandais » au Congo.
« James », c’était un « Tutsi congolais » et les Congolais qui, à juste titre, le qualifiait de rwandais, étaient accusés de xénophobie ou de haine contre leurs « compatriotes Tutsis congolais ».
Voire carrément accablés par l’infamante accusation d’« idéologie génocidaire ». C’était pourtant un soldat rwandais, et tout le monde le savait.
Mieux encore, lorsque les armées d’occupation, rwandaises et ougandaises, se sont battues entre elles, à l’arme lourde (6.600 obus tirés), au cours de la mémorable « guerre de six jours » dans la ville congolaise de Kisangani, pour la troisième fois[1], causant la mort de près d’un millier de civils congolais ; il n’y avait toujours pas « un seul soldat rwandais » sur le sol congolais.
Qu’est-ce qu’on entend par « clarifications » de la part des dirigeants d’un pays qui mentent de manière aussi habituelle ? Et surtout, comment peut-on se prendre au sérieux devant les peuples européens lorsqu’on prête le flanc aux mensonges qui font ricaner toute l’Afrique comme ceux que les émissaires de Kigali vont venir raconter à Bruxelles ?
On se demande d’ailleurs sérieusement qui est le plus pitoyable, entre celui qui raconte des salades et celui qui, en face, sans être dupe, les avale quand même tout entier.
L’explication est peut-être à rechercher ailleurs.
Le Rwanda est devenu la plaque tournante du trafic international des minerais de sang pillés dans l’Est du Congo au prix de massacres à grande échelle et de viols de femmes en masse.
Ces métaux précieux, nos multinationales en ont besoin, notamment pour satisfaire le juteux marché des téléphones portables (coltan). Leurs lobbies qui grouillent autour de nos dirigeants parachèvent le boulot en en réduisant un bon nombre, pourtant démocratiquement élus, au rôle d’infatigables plaisantins.
Lorsqu’on a compris « ce fond du problème », on comprend tout le cirque qui se produit derrière, comme cette non-décision de suspendre une aide qui n’a même pas été demandée. Ou la frilosité de nos élites politiques et médiatiques à prononcer certains mots (Rwanda, coltan, diamant, Congo).
En revanche, on regarde « vaillamment » ailleurs et on s’acharne sur des cibles soigneusement choisies. La Syrie, ah ! trente mille morts ! A la tribune de l’ONU.
Et les six millions de morts au Congo ? Pas un mot.
D’ailleurs, c’est quoi déjà le « congo » ?
Boniface MUSAVULI
[1] La ville congolaise de Kisangani avait déjà été le théâtre d’affrontements entre soldats rwandais et ougandais en août 1999 et le 5 mai 2000. Mais les affrontements de juin 2000 furent les plus meurtriers et ont sérieusement sinistré la ville où plus de 6.600 obus furent tirés sur des quartiers habités causant la mort de près d’un millier de civils congolais.
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