Vendredi 25 janvier 2013
Alors que les négociations piétinent à Kampala
Le gouvernement est appelé à se prononcer clairement sur le vrai sens de l’engagement qu’il a pris d’ « écouter », dans la capitale ougandaise, les revendications du M23. 50 jours se sont déjà écoulés, mais rien n’indique que cette « écoute » pourrait bientôt prendre fin.
Pendant que les fameux pourparlers tirent en longueur, révèle la Monusco, les interlocuteurs de Kinshasa à Kampala consolident leurs positions –politique, militaire et administrative- dans le Nord-Kivu.
En clair, le M23 s’installe durablement dans les territoires sous son contrôle du fait de la passivité du gouvernement. Apparemment tétanisé par Kigali.
Plus de doute possible sur le vieux projet de balkanisation de la République démocratique du Congo. Plus les jours passent, plus les éléments du puzzle se mettent en place, confirmant ce qui ne relève plus de l’utopie.
Dans la province du Nord-Kivu, plus précisément dans les territoires contrôlés par le M23, tous les ingrédients sont désormais réunis pour la matérialisation de la balkanisation de la RDC.
LA MONUSCO REVELE, KINSHASA SE TAIT
C’est la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco) qui a tiré la sonnette d’alarme mercredi dernier lors de son point de presse hebdomadaire.
Selon la mission onusienne, la « tension reste palpable et l’environnement sécuritaire se révèle précaire et imprévisible » dans le Nord-Kivu ; pendant ce temps, le M23 s’applique à « consolider sa présence dans les zones sous son contrôle, situées au Nord de Goma ».
La Monusco confirme que le M23 n’a pas désarmé concernant son projet de créer dans l’Est de la RDC un territoire administré par lui et totalement occupé par la population tutsi.
Voilà qui pourrait expliquer le grand enjeu des guerres interminables qui endeuillent depuis longtemps la partie orientale de la RDC. Et dont la tête pensante n’est autre que le régime de Kigali.
La trame de ce feuilleton qui a commencé en 1996 avec l’AFDL, puis reprise par le RCD/Goma, avant d’être relayée par la suite par le CNDP, se poursuit aujourd’hui sous le label M23, dont la dénomination est en soi un projet.
Toutes ces transformations que l’on a fait subir aux éléments armés recrutés et formés à Kigali ou à Kampala, œuvrent pour sa concrétisation de la partition de la RDC de manière à asseoir la mainmise sur ses ressources naturelles.
Le Rwandais Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni y veillent de même que leurs commanditaires comme sur la prunelle de leurs yeux.
Que les pourparlers de Kampala piétinent ne pourrait surprendre que les néophytes ou ceux qui veulent amuser la galerie. Le comportement du M23 à Kampala est dicté par ses parrains qui, pour des raisons évidentes ne veulent pas voir ces discussions aboutir à un modus vivendi qui soit en leur défaveur.
Pour parler net, le M23 joue aux manœuvres dilatoires, destinées à lasser les Congolais sinon à retarder le plus longtemps possible un dénouement heureux en faveur du gouvernement.
Curieusement, dans la capitale congolaise, le comportement en haut lieu indique que tout baignerait dans l’huile, qu’il n’y aurait pas de soucis à se faire.
Or, la dénonciation de l’implantation du M23 a été faite à haute voix par la Monusco. Faudrait-il prétendre que cette information ne serait pas encore parvenue au niveau du gouvernement ? Difficile à faire avaler.
Le silence observé par Kinshasa est considéré par une certaine opinion comme une complicité tacite. L’on se demande comment la délégation gouvernementale à Kampala peut accepter de prendre son temps et d’être menée en bateau par le M23 alors qu’elle est censée savoir que les revendications de ce dernier ne sont que la face visible de l’iceberg.
Loin d’être une guerre de « libération » après celle menée par les forces de l’AFDL contre le pouvoir de Mobutu, la nouvelle guerre du M23 tient à la seule logique de la balkanisation de la RDC.
Tout est mis en œuvre, avec bien souvent des complicités aussi bien intérieures qu’extérieures, pour y arriver. Le gouvernement est obligé de sortir de son immobilisme et faire échec à l’œuvre de balkanisation du pays.
Faut-il rappeler les révélations faites en son temps par l’ex-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, Herman Cohen. Dans un entretien à la presse américaine, ce dernier avait fait savoir que dans l’entendement de l’administration américaine, le Kivu était considéré comme relevant du Rwanda.
Le projet n’a jamais été mis de côté. Il reste d’actualité. Ce n’est pas pour rien qu’à Kampala, le M23 multiplie des revendications faisant retarder davantage un compromis dans la crise de l’Est du Congo.
Faudrait-il que Kinshasa soit le seul à refuser de voir la réalité en face, croyant à une solution miracle à Kampala, alors que tout concourt déjà à un échec de ce dialogue ? Wait and see.
L’AVEU
Interrogé par Afrikarabia, le secrétaire exécutif du M23 et chef de sa délégation à Kampala s’est montré menaçant. Sans ambages, François Rucogoza a fait savoir que « si le gouvernement (Ndlr : de Kinshasa) refuse les voix pacifiques de la négociation... alors les mêmes causes produiront les mêmes effets ».
Non seulement c’est un aveu de ce que nous venons de montrer mais également cela passe pour une déclaration de guerre. Il faudrait craindre le pire, c’est-à-dire une reprise imminente des hostilités sur les fronts du Nord-Kivu en cas d’échec des pourparlers de Kampala.
Le M23 ne cache pas qu’il est toujours sur le pied de guerre. Kinshasa est d’ores et déjà prévenu. Aucune solution prêt-à-porter ne lui sera proposée à Kampala. Ne dit-on pas que « la paix se gagne ».
Ce n’est donc pas en se mettant autour d’une table avec ses protagonistes sous la médiation de ceux qui tirent les ficelles à l’Est du pays que l’on parviendra à ramener la paix dans cette partie de la RDC.
Le plus important est de changer de fusil d’épaule en explorant d’autres pistes de solutions, notamment des négociations directes avec les parrains du M23 et, au besoin leurs commanditaires.
Le Potentiel
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