31/07/2013
Soldats indiens de la Monusco, Munigi, près de Goma, en RDC, à la mi-juin.
© Phil Moore/AFP
Dans le Nord-Kivu, en RDC, l´armée loyaliste prend sa
revanche sur le M23. En parallèle, le gouvernement déploie une intense
activité diplomatique pour gagner un maximum de pays à sa cause. Au
détriment de Kigali.
Pour la première fois depuis longtemps, les observateurs notent un « comportement inhabituel » de la part des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Entendez : elles sont beaucoup plus offensives.
Et parallèlement, l´ensemble des pays qui, en février, ont signé l´accord-cadre d´Addis-Abeba ne considèrent plus la RDC comme un obstacle au retour à la paix dans la région des Grands Lacs.
« La main du Rwanda derrière le M23 était devenue tellement visible que Kinshasa a réussi à rallier beaucoup d´États à sa cause », affirme Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale à l´ONG International Crisis Group.
Le fait que le Rwanda ait toujours démenti apporter le moindre soutien aux rebelles « n´a pas empêché un changement d´attitude, des Anglo-Saxons notamment, à l´égard de Kigali, poursuit le chercheur. Avoir réussi à desserrer l´étreinte des rebelles sur Goma marque une évolution très importante pour les Congolais ».
[Tshitenge Lubabu M.K., avec Pierre Boisselet]
La prise de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, par le M23 en novembre 2012 a en effet été un tournant. « Après la chute de la ville, la hiérarchie militaire s´est retrouvée sous le feu des critiques. On lui a reproché son manque de savoir-faire. Et ces critiques ont porté... » estime Juvénal Munubo Mubi, député et rapporteur de la sous-commission forces armées à l´Assemblée nationale.
Quelques jours à peine après la perte de Goma, le gouvernement congolais avait suspendu le général Gabriel Amisi Kumba, chef d´état-major de l´infanterie, et nommé François Olenga à sa place.
Jusque-là, cet officier de 64 ans se consacrait davantage à ses affaires commerciales qu´à la guerre : rien d´étonnant à ce qu´il ait été perçu, lors de sa nomination, comme un général d´opérette de plus.
« C´était un jugement hâtif, indique un cadre de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco) à Kinshasa. Olenga a changé le visage de l´armée de terre en apportant un surcroît de combativité, de motivation et de discipline à la troupe.
Aujourd´hui, après la mise à l´écart des brebis galeuses, la chaîne de commandement est claire. Les militaires reçoivent régulièrement leurs soldes et des primes. La logistique ne fait plus défaut et les trahisons ne sont pratiquement plus possibles. »
Endormir le mouvement rebelle pour l'affaiblir
En même temps, comme le souligne François Muamba Tshishimbi, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l´accord d´Addis-Abeba, « la RD Congo a soigneusement évité de se mettre à dos la communauté internationale ». Elle a accepté notamment d´ouvrir des négociations avec le M23 à Kampala (Ouganda).
Cette initiative, dont les autorités congolaises savaient dès le départ qu´elle ne servirait à rien, a permis d´endormir le mouvement rebelle et de le mener à l´impasse.
« Pendant ces six mois de "distraction", la RD Congo s´est renforcée politiquement et diplomatiquement, a réorganisé son armée et pris un avantage tactique », confie un observateur.
De son côté, le M23 s´est beaucoup affaibli, surtout en mars, lors des combats fratricides qui ont vu les troupes de Bosco Ntaganda se réfugier au Rwanda et le chef rebelle se livrer aux Américains pour être transféré à la Cour pénale internationale, où il doit répondre de crimes de guerre et de crimes contre l´humanité.
Enfin, en se tournant vers l´ONU, les Congolais ont amené Ban Ki-moon, son secrétaire général, à s´engager personnellement dans la création de la brigade d´intervention en passe d´être déployée dans le Nord-Kivu. Estimant que les échanges sont à la fois propices à la paix et au développement régional, Kinshasa a également insisté pour qu´un volet économique soit inclus dans ce plan d´ensemble.
Message reçu par Ban Ki-moon, qui s´est rendu en RDC, en mai, en compagnie de Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale. Résultat : 1 milliard de dollars (près de 757 millions d´euros) seront débloqués pour des projets économiques dans la région des Grands Lacs.
Simultanément, Kinshasa a lancé toute une série d´offensives diplomatiques dans plusieurs pays clés, notamment aux États-Unis. Objectif : faire reconnaître que la guerre était attisée de l´extérieur.
La visite d´Augustin Matata Ponyo à Washington, en février, s´est inscrite dans ce cadre. Le Premier ministre congolais s´est entretenu entre autres avec Susan Rice, à l´époque ambassadrice des États-Unis aux Nations unies et considérée comme un soutien important du Rwanda.
« L´attitude de Washington envers Kigali a aussi beaucoup évolué grâce au lobbying de la France », suggère une source proche du gouvernement de Kinshasa. En juin 2012, Susan Rice avait retardé la publication du rapport du groupe d´experts sur la RDC, qui dénonçait déjà la responsabilité des Rwandais. Le 23 juillet dernier, les États-Unis ont, à l´inverse, paru prendre la tête des critiques contre Kigali en l´appelant « à cesser immédiatement tout soutien au M23 ».
Une implication importante des États-Unis
Si cette déclaration du département d´État américain a réjoui Kinshasa, au Rwanda, en revanche, on s´emploie à en relativiser la portée. D´abord, parce qu´elle a été faite par la porte-parole du département d´État lors d´un briefing très général. Ensuite, parce que ce n´est pas la première fois que Washington tance Kigali.
Quoi qu´il en soit, le Rwanda a effectivement perdu des partisans à Washington : Susan Rice n´a pas succédé à Hillary Clinton à la tête du département d´État, comme elle l´espérait (elle a été nommée conseillère de Barack Obama à la sécurité nationale).
Et John Kerry, qui a hérité du poste, n´a pas tardé à procéder à des changements d´importance. Johnnie Carson, le secrétaire d´État adjoint à l´Afrique, a été remplacé par Linda Thomas-Greenfield. Et Russ Feingold, que Kigali perçoit comme plutôt hostile à sa cause, a été nommé envoyé spécial pour la région des Grands Lacs.
Ce qui n´empêche pas les Rwandais de continuer à se féliciter de « l´excellence » de leurs relations avec le Pentagone. En dépit de la suspension, plutôt symbolique, de 200 000 dollars d´aide pour le financement d´une académie militaire, en juillet 2012, les États-Unis ont maintenu l´essentiel de leur assistance au Rwanda : 200 millions de dollars sont prévus pour 2013.
Mamadou Ndala, héros de Goma
Il passe pour le « commandant des opérations » des Forces armées de la RD Congo (FARDC, loyalistes) contre les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) au Nord-Kivu. Aux yeux de la population locale, le colonel Mamadou Ndala incarne le renouveau du succès des FARDC sur le front.
L´officier trentenaire, natif de Watsa (Province orientale), ne dirige pourtant que l´une des unités commandos de la nouvelle force de réaction rapide de l´armée régulière. « Il fait partie de ces soldats plus mobiles, formés par les instructeurs belges, angolais, américains, voire chinois, capables de se déployer rapidement sur les zones de combats », commente Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Avec ses hommes, Ndala est parvenu à déloger les rebelles du M23 de certaines de leurs positions dans le territoire de Kibati, notamment à Kanyaruchinya, localité située à une dizaine de kilomètres au nord de Goma.
« Nous avons perdu un peu de terrain », concède Amani Kabasha, chargé de la communication du M23.
Pour la première fois depuis le début du conflit, en avril 2012, la rébellion est en difficulté. Ndala, lui, se taille une belle réputation. Ce 18 juillet, lorsque de folles rumeurs évoquant son rappel à Kinshasa se propagent sur les réseaux sociaux, toute la ville de Goma - motards, étudiants, jeunes et vieux - descend dans les rues de la capitale du Nord-Kivu.
« Mamadou ou rien ! » scandent les manifestants à l´unisson. Des épouses de militaires se dirigent même, seins nus, jusqu´à l´aéroport pour tenter d´empêcher un éventuel départ de leur héros. Il n´en est rien, s´empresse de rassurer Kinshasa. Le colonel Ndala reste à son poste.
Trésor Kibangula
Jeune Afrique
Il passe pour le « commandant des opérations » des Forces armées de la RD Congo (FARDC, loyalistes) contre les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) au Nord-Kivu. Aux yeux de la population locale, le colonel Mamadou Ndala incarne le renouveau du succès des FARDC sur le front.
L´officier trentenaire, natif de Watsa (Province orientale), ne dirige pourtant que l´une des unités commandos de la nouvelle force de réaction rapide de l´armée régulière. « Il fait partie de ces soldats plus mobiles, formés par les instructeurs belges, angolais, américains, voire chinois, capables de se déployer rapidement sur les zones de combats », commente Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Avec ses hommes, Ndala est parvenu à déloger les rebelles du M23 de certaines de leurs positions dans le territoire de Kibati, notamment à Kanyaruchinya, localité située à une dizaine de kilomètres au nord de Goma.
« Nous avons perdu un peu de terrain », concède Amani Kabasha, chargé de la communication du M23.
Pour la première fois depuis le début du conflit, en avril 2012, la rébellion est en difficulté. Ndala, lui, se taille une belle réputation. Ce 18 juillet, lorsque de folles rumeurs évoquant son rappel à Kinshasa se propagent sur les réseaux sociaux, toute la ville de Goma - motards, étudiants, jeunes et vieux - descend dans les rues de la capitale du Nord-Kivu.
« Mamadou ou rien ! » scandent les manifestants à l´unisson. Des épouses de militaires se dirigent même, seins nus, jusqu´à l´aéroport pour tenter d´empêcher un éventuel départ de leur héros. Il n´en est rien, s´empresse de rassurer Kinshasa. Le colonel Ndala reste à son poste.
Trésor Kibangula
Jeune Afrique
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