mardi 22 janvier 2013

M23 ou l’étonnante confusion d’un discours


Jeudi dernier, le mouvement rebelle M23, émanation du Congrès National pour la Défense du Peuple, CNDP, a présenté la litanie des sujets constituant le canevas de ses desiderata. 

Ce document contient des points tellement nombreux, aussi divers que variés, qu’il a étonné ceux des Congolais qui, quel que soit le bord auquel ils appartiennent, gardent encore la tête sur les épaules, analysant froidement les faits politiques tels qu’ils se présentent.

Lors de son lancement, ce mouvement affirmait haut et fort qu’il s’attaquait au pouvoir de Kinshasa parce qu’il s’était manifesté par une mauvaise foi en n’appliquant pas correctement les accords qu’il avait conclus avec, notamment, le CNDP.

Cette argumentation a troublé bien de compatriotes qui se sont posés maintes questions, allant jusqu’à accuser le régime en place de trahison, se demandant si celui-ci ne les trompe pas, en leur disant autre chose alors qu’en réalité, il conclut avec certains groupes des accords qu’il est incapable d’expliquer à la population. 

Le M23 a ainsi commencé à avoir du soutien dans le pays, surtout auprès de ceux des compatriotes qui ont toujours été prêts à s’emballer pour tout mouvement affichant des ambitions allant dans le sens du bouleversement de l’ordre régnant.

Mais à présent qu’on lui a enfin offert l’occasion de s’exprimer aussi clairement que librement, le M23 apporte un message nouveau, vachement étoffé, reprenant presque mot pour mot le discours tenu par l’opposition politique dans le pays.

Faisant un pied de nez au peuple congolais, le M23 reprend pratiquement toutes les revendications de ce peuple. Celui-ci ne peut qu’en lui être gré pour peu qu’il s’y retrouve. Cependant, chacun doit être conséquent avec soi-même, d’autant plus qu’il est malséant, irresponsable, de se prévaloir de ses propres turpitudes. 

Que veut finalement le M23, revisiter les accords passés par le CNDP avec le gouvernement de Kinshasa, ou faire le procès du régime en place en RDC ? A moins qu’il ne s’agisse au finish que des subterfuges dont la finalité est d’être inséré dans les institutions, faute d’y figurer en suivant des mécanismes conventionnels, civilisés.

Quel que soit le sentiment qu’on éprouve vis-à-vis des actuels dirigeants du pays, il serait suicidaire de soutenir un mouvement, quel qu’il soit, dont l’ambition est de parvenir au pouvoir par la force des armes. Cela créé toujours un fâcheux précédent et donne des idées en stimulant des envies folles.

Les élections présidentielle et législatives de novembre 2011 dernier ont été très mal organisées. On l’a dit et redit. Les autorités honnêtes du pays comme les observateurs étrangers l’ont reconnu. Mais quatorze mois après, elles doivent être considérées comme étant derrière nous. Ne nous leurrons pas. 

Même dans les pays à vieille tradition démocratique, il arrive que des scrutins soient entachés de plusieurs irrégularités. Qui ne se rappelle pas la tumultueuse réélection de Georges Walter Bush face à Al Gore ? 

Mais tous les électeurs du candidat démocrate avaient vite tourné la page, avec lui, pour ne considérer que l’intérêt de l’Amérique. Car Georges Bush allait passer -et il est passé- mais les Etats-Unis demeureront. La vie continue et il est inconséquent de vouloir l’arrêter.

Que demande-t-on, reprendre ces élections ? C’est bien bon. Mais puisqu’il est impossible que tous les gagnants de 2011 échouent en 2013, il faudra se résoudre à voir ceux d’entre eux qui vaincront être aux affaires jusqu’en 2018 ou même 2019, alors que leur actuel mandat ne courre que jusqu’en 2016.

Que veut-on alors, tout remettre en cause ? Envisager un nouveau Sun City ? Ce sera un éternel recommencement, pour le plus grand bien des habitués du partage du gâteau national, au grand dam des éternels déçus.

Une curiosité est que c’est ce moment que choisit justement un groupe d’intellectuels, composé de journalistes, d’écrivains et autres hommes de culture, faisant partie de la diaspora, pour monter au créneau, s’appuyant sur le M23 en réclamant ni plus ni moins que la partition du pays. Réfléchissons. 

Le discours du M23 n’est-il pas confus ? Ce mouvement veut-il réellement ce qu’il clame vouloir ? Tout ce qui brille n’est pas nécessairement de l’or.

La mémoire collective ne doit pas être courte. Le clin d’œil que le M23 exerce en direction de la population dans son ensemble n’est qu’un mirage qu’il lui montre. L’AFDL avait fait la même chose. 

Au début de la guerre de libération, elle caressait les poils du même peuple en clamant qu’elle reconnaissait en Etienne Tshisekedi le seul vrai opposant, et que sa victoire à elle sera également la sienne. 

 Mais le sphinx de Limete ne s’est jamais retrouvé aux affaires sous Kabila 1er. Et pourtant, cette rébellion-là, au moins, avait une certaine cohérence dans son discours, et avait une raison d’être, face à la projection opaque de l’avenir du peuple zaïrois sous la gestion ténébreuse du maréchal Mobutu.

Nous ne cesserons jamais de soutenir que le problème du Congolais, c’est d’abord et avant tout le Congolais lui-même. Nous avons un grand pays et nous devons nous comporter en grands, voir les choses en grand comme un véritable grand peuple. 

Un grand peuple est un peuple conquérant, conquête ne voulant absolument pas impérativement dire l’invasion des territoires étrangers. Car, s’ils sont forts économiquement, les Congolais peuvent s’imposer sur les marchés africains et mondiaux dans tous les domaines.

Le Congolais doit être un peuple uni comme le dit l’hymne national, et doit vendre au monde extérieur cette image positive tout en réglant au mieux ses problèmes internes par une gestion rigoureuse d’une justice distributive, au lieu de continuer de donner à l’extérieur l’image d’un peuple désuni, frondeur à souhait. Ce qui fait du Congo un animal abattu sur lequel s’acharne tous les charognards potentiels.

Jean-Claude Ntuala
Direct!cd

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