dimanche 24 février 2013

L’accord cadre sur la pacification de l’Est du Congo est enfin prêt

Le cercle de famille s’élargit. Dimanche prochain à Addis Abeba, pas moins de onze chefs d’Etat africains seront invités par le secrétaire général de l’ONU à signer un accord cadre sur la pacification de l’Est du Congo.

Les proches voisins du Congo, membres des organisations régionales (Conférence internationale pour la sécurité dans les Grands Lacs et Conférence pour le développement en Afrique australe, SADC) y côtoieront trois nouveaux venus, le Sud Soudan, le Mozambique et la République centrafricaine.

Si les problèmes s’enchevêtrent (deux millions de déplacés et réfugiés, prolifération de groupes armés, exploitation des ressources naturelles, violences à l’encontre des civils, enkystement de la rébellion du M23 aux portes de Goma) le texte est bref : trois pages, qui sont cependant davantage qu’un « ixième » catalogue de bonnes intentions.

En effet, M. Ban Ki Moon s’est personnellement impliqué dans la rédaction et la présentation de cet accord cadre, les chefs d’Etat les plus concernés (Joseph Kabila et Paul Kagame ainsi que, de manière moins évidente l’Ougandais Museveni) appuient explicitement les résolutions du document et les pays d’Afrique australe sont prêts à s’engager militairement pour faire respecter les dispositions prévues.

A l’égard des autorités congolaises, les recommandations sont nombreuses : Kinshasa est invité à poursuivre la réforme du secteur de sécurité, c’est-à-dire à rendre plus opérationnelles la police et l’armée, à faire progresser la décentralisation et la réforme des finances, à promouvoir démocratisation et réconciliation nationale.

Mais au-delà de ces conseils (qui ne sont pas prodigués à d’autres pays…) le Congo peut se réjouir de la réaffirmation solennelle de certains principes et en particulier celui de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, celui de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Ce qui met à mal la thèse d’une « souveraineté partagée » avec le Rwanda pour la gestion de l’Est du Congo…

Les recommandations adressées à la région sont d’ailleurs assez précises : elles demandent de ne pas tolérer et de ne pas fournir assistance ou soutien à des groupes armés (dans des déclarations récentes, M. Ban Ki Moon avait clairement confirmé le soutien apporté par Kigali au M23), elles suggèrent de respecter les préoccupations et intérêts légitimes des Etats voisins en particulier en matière de sécurité.

Si entre les lignes, il est question de la présence au Congo des rebelles hutus FDLR et de divers mouvements armés ougandais (ADF Nalu, Armée du Seigneur), ce qui peut satisfaire Kampala et Kigali, un point se veut très explicite : l’accord demande aux signataires de s’abstenir d’héberger ou de protéger des personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, ou visées par des sanctions onusiennes.

Ce qui vise directement le général congolais Laurent Nkunda qui coule des jours tranquilles au Rwanda et le général Bosco Ntaganda, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international…

Alors qu’en janvier dernier, la signature du document avait capoté en dernière minute à cause de divergences entre les Nations unies et les pays d’Afrique australe, cette fois les divergences ont été aplanies : le rôle de la Monusco (Mission des Nations unies au Congo) est réaffirmé comme « étant partie de la solution… » (une formule « reyndersienne » qui fait son chemin…)mais il sera revu et l’appui au gouvernement congolais sera renforcé.

En outre, tous les chefs d’Etat signataires seront engagés dans un mécanisme de suivi qui impliquera aussi des pays comme la France, la Belgique, les Etats unis, la Grande Bretagne. Respect de la souveraineté oblige, la situation intérieure au Congo échappera cependant à ce monitoring international.

Cet accord ouvre la voie à des éléments nouveaux : une force africaine de 2500 hommes sera déployée dans l’Est du pays et agira en collaboration avec la Monusco qui lui fournira logistique et financement, le commandement général de cette force devant être confié à un Sud Africain tandis qu’un général tanzanien dirigera la brigade d’intervention. Le mandat de cette force devrait lui permettre d’entrer en action contre les rebelles du M23 et autres groupes armés.

Kinshasa espère que, lorsque sa mission aura été accomplie, le retrait de cette « force neutre » amène la transformation sinon le départ de la Monusco elle-même. En outre, l’ONU devrait bientôt nommer un «représentant spécial pour les Grands Lacs ».

Reste à trouver l’oiseau rare : aucun des Africains pressentis ne fait l’unanimité. Quant aux Européens, rares sont les diplomates qui possèdent à fond le dossier et suscitent l’assentiment de tous les acteurs concernés.

Dans les coulisses de l’ONU, la diplomatie belge s’est vivement activée pour faire aboutir cet accord global, mais cette implication sera-t-elle suffisante pour se voir proposer le poste ?

Le carnet de Colette Braeckman

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