jeudi 11 avril 2013

Le «raïs» et le «syndrome Tandja»

 
Des magistrats congolais

Le mot «syndrome» est défini en médecine comme un «ensemble de symptômes cliniques ou biologiques, caractérisant un état pathologique et permettant d’orienter le diagnostic». Pour ceux qui ne le savent pas, Mamadou Tandja est l’ancien président du Niger. Il a été renversé le 18 février 2010. 

Tandja avait développé une sorte de «maladie du pouvoir». Il voulait à tout prix demeurer à la tête de l’Etat en dépit du fait qu’il avait accompli ses deux mandats. Pour atteindre cet objectif, l’homme n’avait pas hésité à bafouer les principes démocratiques et à tripatouiller la Constitution. Il avait ainsi franchi la ligne rouge.

Arrivé au pouvoir en 2003 grâce à un coup d’Etat, le Centrafricain François Bozize a été «élu» successivement en 2005 et en 2011. L’homme, surnommé «Bozizi» par ses anciens frères d’armes, ne faisait plus mystère de son intention de briguer un troisième mandat en 2016. 

Pour ce faire, il se proposait de faire amender la Constitution. C’est un des griefs majeurs articulés à l’encontre de Bozize par les rebelles du Seleka qui viennent de le renverser. 

Lors des négociations de Libreville, au Gabon, le général-président a été forcé par ses opposants armés à renoncer solennellement à se représenter en 2016. Arrivé au pouvoir par les armes, Bozize est «victime» du «syndrome Tandja». Autrement dit, l’acharnement à rester au pouvoir.

En République très très démocratique du Congo, le Tout-Kin-politique parle de la «boulimie du pouvoir» qui caractérise le «raïs». Détesté par la grande majorité de la population congolaise, l’homme voudrait se succéder à lui-même en 2016. 

Et ce en dépit de son brillant flop au plan économique et social et des promesses non-tenues "Doter le Congo d’une armée moderne et bien équipée", "Cinq chantiers", «Le Congo sera la Chine de 2011», «la révolution de la modernité»,

«Faire du Congo un pool d’intelligence et de savoir-faire» et \"un grenier agricole, une puissance énergétique et environnementale, une terre de paix et de mieux-être, une puissance régionale au cœur de l’Afrique, l’objectif ultime étant l’émergence de notre pays" etc.). 

Le «raïs» est arrivé au pouvoir un certain 26 janvier 2001 dans le cadre d’une «succession dynastique». «Elu» pour la première fois en 2006, il a rempilé en 2011 grâce à de nombreuses fraudes et tricheries menées par un Lubakat nommé «Pasteur Daniel», alias le gourou présidentiel. 

L’appétit venant en mangeant, le «raïs», alias «la haute hiérarchie», alias «le garant du bon fonctionnement des institutions», alias «Mulubakat à 100%» veut s’accrocher au pouvoir.

Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien dans les potins de Kinshasa-Lez-Immondices, le «raïs» a peur de finir au bout d’une corde à l’instar de l’ancien tyran irakien Saddam Hussein. C’est ainsi qu’il est déterminé à garder son fauteuil. 

A en croire l’ami, le «raïs», alias «le fermier de Kingakati», serait conscient de la détestation de sa personne. En cause, les violations massives des droits humains et les crimes économiques. Il aurait chargé deux éminents membres de sa mouvance, Evariste B. et Christophe L., à déployer leur «savoir-faire» pour modifier la Constitution. 

Objectif : plus de limitation du nombre du mandat présidentiel dont la durée passe de 5 à 7 ans. «Bonjour, la Présidence à vie !», s’écrie mon ami qui ajoute : «Vive les concertations nationales!». Il semble que ces assises ont pour but de permettre au « raïs » à recréer une «nouvelle source de légitimité» en soudoyant le personnel politique et certains activistes de la société civile.

Pour étayer sa thèse, l’ami prend un ton professoral et me raconte : «La loi portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle a été votée par les deux Chambres du Parlement congolais et transmis au président de la République pour promulgation en juillet 2011. 

Jusqu’à ce jour, le «raïs» prend son temps. Il rechigne à promulguer ce texte dont la conformité à la Constitution a été certifiée par la Cour suprême de justice (CSJ) par un arrêt». «Que devient dès lors l’article 140 de la Constitution qui énonce que les lois sont promulguées dans un délai de quinze jours et que passé ce délai «la promulgation est de droit» ?, lui ai-je demandé. 

L’ami de revenir à la charge : «Tu n’as rien compris ! La Présidence de la République refuse que la CSJ notifie son arrêt au «raïs». Auquel cas, celui-ci ne pourrait plus se dérober. La CSJ s’est exécuté». L’ami de poursuivre : «L’application à la lettre de l’article 140 de la Constitution pose problème. 

D’abord, le texte doit faire l’objet d’une authentification par le directeur du cabinet présidentiel. Ensuite, le ministre de la Justice doit apposer le sceau de la République. Enfin, la nouvelle loi, pour être opposable à tous, doit être publiée dans le Journal officiel, un service rattaché à la Présidence de la République et qui ne publie que les textes authentifiés par le dircab Beya Siku».

Constatant mon incrédulité, l’ami se met à m’expliquer l’origine de la phobie du «raïs» à l’égard de la Cour constitutionnelle : «La Cour constitutionnelle, me dit-il, est composée de 9 juges désignés de manière paritaire par le président de la République, le Congrès (Parlement) et par le Conseil supérieur de la magistrature. Cette juridiction est notamment le juge pénal du président de la République». 

Pour mon ami, le «raïs», alias «la haute hiérarchie», renâcle de promulguer le texte précité pour la simple raison que cette juridiction pourrait le traquer afin qu’il réponde des actes commis durant sa Présidence. 

Mon ami qui aime prophétiser de conclure : «Après François Bozize, le « raïs » sera sans aucun doute la prochaine victime du syndrome Tandja. A moins qu’il renonce au pouvoir avant 2016. On parie…». 

Comme Tandja, le "raïs" va-t-il malgré tout franchir la "ligne rouge"? 

Issa Djema
© Congoindépendant

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