mardi 9 avril 2013

RDC - Résolution 2098 : Vous avez dit «victoire diplomatique» ?

 
"Joseph Kabila" et le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon à Kisangani. Photo d’archives

«L’homme congolais est vite content et vite déçu», aime ricaner un homme politique zaïro-congolais. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, le jeudi 28 mars dernier, sa résolution 2098 qui dote la Mission onusienne dite de "stabilisation" au Congo d’une «brigade d’intervention». 

Composée de trois bataillons d’infanterie, d’une force spéciale et d’une compagnie d’artillerie, cette unité a pour mission de «mettre hors d’état de nuire» les bandes armées et autres milices qui sèment la terreur à l’Est du Congo-Kinshasa. 

Le vote de cette résolution constitue une suite logique de l’Accord-cadre signé le 24 février à Addis Abeba, en Ethiopie, par onze chefs d’Etat africains (Afrique du Sud, Burundi, Centrafrique, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie, Zambie, Ouganda, Angola, Congo-Brazzaville). Les objectifs contenus dans ces deux textes sont donc complémentaires.

Depuis l’adoption de cette décision du Conseil de sécurité, on assiste à un concert de «cocoricos» au niveau de la "majorité" au pouvoir. C’est à croire que la paix et la sécurité ont été rétablies dans cette partie troublée du pays.

Et pourtant. Les rebelles du M23 occupent toujours les territoires arrachés aux forces loyalistes. Celles-ci n’osent guère lancer une opération de reconquête aux conséquences hasardeuses. Pour l’instant, la «reconquête» se limite aux éclats de voix. Des rodomontades. 

Signataire, au nom de la «République», de l’Accord du 23 mars 2009 - dont se prévaut le M23, alors qu’il avait en charge le portefeuille de la Coopération régionale-, Raymond Tshibanda, devenu ministre des Affaires, invitait, lundi 1er avril, les rebelles du M23 à «cesser d’exister comme un mouvement politico-militaire». 

Son collègue chargé des Médias, Lambert Mende Omalanga, de renchérir que si le M23 n’obtempérait pas, la Brigade d’intervention «s’occupera à mettre fin à son existence». A Bruxelles, l’ambassadeur Henri Mova Sakanyi salue la résolution 2098 comme une «victoire diplomatique». Et si «Joseph Kabila» et ses séides étaient tout simplement en train de tomber dans leur propre «piège» ? Ce piège a pour nom : le refus de reformer l’Etat.

La lecture de l’Accord-cadre signé dans la capitale éthiopienne permet de constater que les obligations incombant à la partie congolaise ne sont nullement attentatoires à la souveraineté nationale. Il s’agit des missions classiques de tout Etat digne de ce nom : promouvoir la réconciliation nationale, la tolérance et la démocratisation ; promouvoir les services sociaux de base (eau, électricité, santé, éducation, routes) ; continuer et approfondir la réforme des forces de sécurité (armée et police) ; poursuivre la décentralisation ; consolider l’autorité de l’Etat à l’Est. «Joseph Kabila» est invité à honorer ses promesses. A tenir sa parole.

Dans son «allocution inaugurale», le 26 janvier 2001, «Joseph Kabila» n’avait-il pas promis de promouvoir «une politique qui privilégie le dialogue et la réconciliation nationale»? 

N’avait-il pas pris l’engagement de «renforcer l’Etat de droit», de «consolider la démocratie et la bonne gouvernance», de «garantir la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national» en dotant le pays d’une «armée et une police modernes, fortes, bien équipées respectables et respectueuses des droits de chacun, capable de défendre la nation en toutes circonstances»? N’avait-il pas annoncé son ambition de bâtir «un Congo nouveau, paisible, uni et prospère»? Quid du bilan?

En douze années d’exercice du pouvoir, «Joseph Kabila» a démontré qu’il est plus un parvenu-jouisseur-prédateur qu’un réformateur. Et il n’a pas «tort». Réformer l’armée et la police équivaudrait, pour lui, à se faire hara-kiri. Un suicide. Réformer les forces de sécurité qui terrorisent la population au quotidien risquerait de saper les piliers de son régime. Un régime dont la survie a pour socle non pas l’essor économique et social mais simplement la peur.

Dans un rapport intitulé «République démocratique du Congo : La dérive autoritaire du régime», publié en juillet 2009, La FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) fait état «d’un grand nombre de forces de sécurité dotées de pouvoirs d’arrestation, de mise en détention et d’enquête». 

Le document souligne «une absence totale de volonté politique en faveur des droits de l’Homme». Dans son mensuel «Le fil d’Amnesty» daté août/septembre 2010, Amnesty international d’enchaîner, sous la plume du chercheur Andrew Philip, que «La réforme du secteur de la sécurité – le projet de réorganisation des forces de sécurité, visant à les rendre capables d’œuvrer pour le respect de la loi et des droits humains – constitue l’un des domaines où apparaît de toute évidence un manque de véritable engagement politique».

Que dire sinon que la «communauté internationale» feint d’ignorer que le pouvoir kabiliste n’a pas intérêt au retour de la stabilité à l’Est du Congo. Elle feint d’ignorer que pour l’oligarchie au pouvoir, l’instabilité à l’Est, est une source d’enrichissement facile et rapide pour "Kabila" et ses proches. Une belle occasion de se mettre plein les poches sous la fameuse rubrique dite «dépenses de souveraineté».

N’en déplaise aux propagandistes du fameux «Cinq chantiers», «Joseph Kabila» n’a jamais eu le moindre projet ou grand dessein pour le Congo-Kinshasa. L’homme n’a qu’une obsession : le pouvoir pour le pouvoir. 

Et ce en dépit de son incapacité à améliorer les conditions sociales de la population et à impulser le progrès économique. Pseudo-démocrate, «Joseph» a une aversion pour le dialogue. Il en est de même de la contradiction. Il a une phobie du pluralisme politique. Aussi, prend-il plaisir à emprisonner les libertés publiques.

Les observateurs avisés de la politique congolaise ont fini par avoir la conviction que l’instabilité qui règne à l’Est du Congo n’est qu’un effet. La cause, elle, se trouve dans la mauvaise gouvernance caractérisée qui prévaut au sommet de l’Etat.

Intervenant lundi 1er avril sur Radio Okapi, le Français Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, a exhorté les pays signataires de l’Accord-cadre précité à honorer leurs engagements. 

Lors d’une conférence de presse, mardi 2 avril, l’ambassadeur de Russie à Kinshasa, Anatoly Klimenko, a précisé que la résolution 2098 «est un signal fort à l’accord-cadre d’Addis-Abeba en vue de poser les bases solides pour restaurer la paix dans cette partie Est de la RDC». Pour lui, Congo-Kinshasa doit profiter de la présence sur son sol de cette brigade d’intervention «pour réformer son armée».

Il faut être un parfait naïf pour interprété la résolution 2098 du Conseil de sécurité comme une «victoire diplomatique». L’Accord-cadre d’Addis Abeba et cette résolution 2098 constituent un «tout». Un «package». L’efficacité de l’un dépend de celle de l’autre. 

Ces deux textes constituent un sacré défi lancé aux dirigeants congolais. Des dirigeants réputés pour leur incurie. Une incurie qui empêche l’Etat congolais à se doter d’une armée républicaine et dissuasive. Une armée capable de mettre le territoire national à l’abri des invasions extérieures. 

Les kabilistes risquent de se tromper énormément en pensant que la brigade d’intervention attendue vient éradiquer les «forces négatives» juste pour consolider le tyranneau au pouvoir à Kinshasa... 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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