mardi 21 mai 2013

Bouteflika, rumeurs de mort clinique et retour d'une censure assumée

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Abdelaziz Bouteflika, à Cherchell, juin 2012 / REUTERS
Abdelaziz Bouteflika, à Cherchell, juin 2012 / REUTERS
 

La polémique enfle, la censure frappe les médias et les condamnations se multiplient.

 

Depuis le 27 avril 2013, date à laquelle le président Algérien, 76 ans, a été transféré en urgence pour des soins en France, le silence des autorités algériennes sur l’état de santé du chef de l’Etat donne lieu à toutes sortes de dérives et d’incertitudes.

«Il serait déjà mort», tranchent certains, pendant que d’autres spéculent sur sa maladie et le temps qu’il lui reste à vivre. La presse nationale tente de remplir le vide laissé par les services de communication de la présidence.

Dernière tentative en date, un nouveau venu dans la presse écrite, le quotidien francophone Mon Journal qui consacrait pour son édition du 19 mai (dans ses deux versions arabe et française) un dossier révélant que le président Bouteflika serait dans un «état comateux».

Il aurait du être dans les kiosques ce dimanche, il n’en sera rien. Le journal ne quittera pas l’imprimerie, il est censuré sur ordre du ministère de la communication, selon Hichem Aboud, directeur des deux journaux censurés.

«Coma profond»

 

Les numéros de dimanche 19 mai du quotidien Mon Journal et sa version arabophone Djaridati, ont été saisis dans la soirée de samedi à l’imprimerie (étatique).
Selon Hichem Aboud, directeur des deux journaux censurés, qui s’est confié tout de suite après les faits au quotidien algérien El Watan, «c’est l’imprimeur qui a alerté le ministère, lorsqu’il a découvert le dossier traitant de l’état de santé du président Bouteflika».
Il explique que «ce dossier repose sur des informations vérifiées, faisant état de la détérioration de l’état de santé du président qui serait dans un coma profond qui pourrait durer des semaines».

Le ministère de la Communication aurait demandé à Hicham Aboud de retirer les deux pages, pour que son journal soit imprimé, ce qu’il a refusé.

Le ministère n’a pas manqué de réagir via l’agence de presse nationale (APS). «Aucun ordre de censure n’a été donné», précise la dépêche:
«C’est le directeur de ces publications qui a initialement accepté de renoncer à leur impression après les observations qui lui ont été faites sur le non-respect de l’article 92 de la loi organique relative à l’information qui stipule que le journaliste “doit notamment respecter les attributs et les symboles de l’Etat, avoir le constant souci d’une information complète et objective, rapporter avec honnêteté et objectivité les faits et  événements et rectifier toute information qui se révèle inexacte”.»
Depuis l’affaire prend une tournure plus grave.

«Atteinte à la sûreté de l’Etat»

 

Le parquet général près la cour d’Alger a ordonné des poursuites judiciaires à l’encontre de Hichem Aboud pour «atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions». L’information est tombée comme un couperet dans l’après-midi de dimanche 19 mai 2013.
«Suite aux propos tendancieux tenus sur certaines chaînes d’information  étrangères, dont France 24, par le dénommé Aboud Hichem, sur l’état de santé du président de la République, selon lesquels il se serait dégradé allant jusqu’à déclarer que le chef de l’Etat serait dans un état comateux, et compte tenu de l’impact négatif direct de ces rumeurs sur l’opinion publique nationale et internationale et eu égard au caractère pénal de ces propos infondés», est-il précisé dans un communiqué du Parquet.

Indignation des journalistes

 

Le Syndicat national des journalistes n’a pas tardé à exprimer son indignation.
«Le Syndicat national des journalistes qui exprime son entière solidarité avec les confrères censurés, tient à dénoncer cet acte liberticide que rien ne peut justifier. Plus que tout, le Syndicat met en garde contre toute tentation de retour aux vieilles méthodes faites de chantages, sous toutes ses formes. Que tous sachent que la liberté de la presse et d’expression est un acquis irréversible, en Algérie particulièrement ou, depuis 1988, la corporation n’a jamais cédé, ni aux pressions du pouvoir, ni même à la barbarie terroriste», indique un communiqué signé du secrétaire général, Kamal Amarni.
C’est le premier cas de censure du genre depuis plus de 15 ans en Algérie. Un coup dur pour la presse indépendante algérienne.

Critique littéraire et journaliste au quotidien algérien El Watan
SlateAfrique

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