mercredi 8 mai 2013

Comment Lumbala a fait foirer le coup de J. Tshibangu

Mardi, 07 Mai 2013



Billet retour à Kananga près de dix mois après le coup de force avorté du Colonel John Tshibangu. A Kananga mais aussi à Miabi, le terroir de Roger Lumbala dans la province du Kasaï Oriental où l’officier insurgé s’était signalé avec une vingtaine d’hommes avant de fondre dans la nature.

Ici et là-bas, “CONGONEWS” a collecté plusieurs témoignages et les a recoupés avec minutie pour reconstituer la trame de l’éphémère insurrection tshibango-lumbaliste.

Les témoignages les plus éloquents ont été recueillis, au départ de l’enquête, sur place même à Kinshasa auprès des anciens éléments de la garde rapprochée de Tshibangu. Tous ont pris part à l’aventure.

Lorsque celle-ci a tourné court, ils se sont rendus, puis détenus pendant des longs mois à l’ANR -station ex-avenue Trois Z, en face de la Primature- avant d’être réintégrés dans l’armée. Des témoins occulaires donc.

A les entendre, comme d’autres retenus relaxés et retournés depuis qui à Kananga qui d’autre à Miabi, il y a eu bel et bien planification d’une rébellion au centre duquel ils citent Fortunat Kasonga Ndowa, un ancien journaliste toujours détenu à l’ANR. Kasonga a travaillé d’abord travaillé, à Mbuji-Maji, pour la radio Bwena Muntu.

Cet originaire de Miabi comme Lumbala s’est fait ensuite recruté pour se voir confier la direction de la RLTV dans la capitale de la province diamantifère, laquelle RLTV reste fermée de manière arbitraire. Fortunat, c’est le noeud du complot, aux dires mêmes de ses propres aveux dans ses auditions devant des officiers de police judiciaire.

Lui savait que des groupes d’intérêt basés à l’extérieur avaient décidé de soutenir Lumbala, gagné à l’idée -c’était notoire pour ses proches- qu’il n’y avait que la voie de la force pour mettre fin au régime de Joseph Kabila. Ces groupes ont mobilisés des moyens mais sont restés prudents pour dire qu’ils ne donneront plus que si jamais Lumbala démontre sur terrain de quoi il est capable.

Des moyens qui ont permis à l’ex-chef de guerre de Bafwasende, dans la Province Orientale, de fournir des thuraya, des talkie-walkie et autres moyens de communication. Toute cette logistique est passée par l’aéroport de Kananga. A la réception, l’homme de confiance Kasonga venu lui-même dans la capitale du Kasaï Occidental pour en assurer la distribution.

Lumbala est si sûr de sa loyauté que c’est à lui qu’il destine également tous les envois des fonds. Un jour, un montant de 70.000 dollars. Un autre, 200.000 dollars dont une partie est affectée à l’acquisition d’une Jeep Land Criser type “Don de Koweït”. Ce 4x4 aura servi à faire le voyage de Kananga, début août 2012, pour embarquer Tshibangu et ses hommes jusqu’à Miabi.

Un voyage effectué quelque peu par contrainte puisque, selon des ex-gardes du corps du Colonel, Tshibangu n’avait jamais envisagé de frapper à Mbuji-Mayi en premier lieu. “Il avait planifié plutôt pour commencer sa rébellion à Kananga”, rapporte un ancien détenu de l’ANR incognito dans le centre des affaires de Kananga.

Selon lui, tout était prêt de ce côté de là. John s’était fait beaucoup de complicités dans le commandement de la région militaire où comme second, il entretenait -de notoriété publique- des rapports les plus exécrables avec son chef, le Général ex-RCD Obed Rubasirwa.

“Il n’attendait que le moment pour passer à l’action. Mbuji-Mayi venait en second lieu. Des liens avaient déjà été établis avec des “supplétifs” dans le Bandundu et Bas-Congo pour prendre Kinshasa en étau”, rapporte la même source. Tout le contraire du plan de Lumbala qui s’était fixé pour priorité la prise de la ville de Mbuji-Mayi, dans le calcul de faire main basse sur la MIBA pour se donner les moyens de la guerre.

Ses lieutenants avaient conduit des infiltrations sur place et se félicitaient de disposer de près de 200 hommes prêts à combattre pour la cause. Simon Tshitenge, ancien vice-ministre lumbaliste sous le 1+4, en avait fait une certitude à ce point que Lumbala s’est bâti une conviction là dessus.

Conviction qu’il a partagée avec Tshibangu pour lui dire qu’il suffisait qu’il s’approche de Mbuji-Mayi pour que ces “infiltrés” donnent l’assaut. A compter avec l’élément surprise, tout pouvait basculer en un laps de temps.

Voilà qui amène l’ancien efoïste - 18ème promotion de l’Ecole de formation des offociers de Kananga- à quitter Kananga samedi 11 août, à 19 heures, en compagnie de Tshitenge. Dans sa suite, il amène tous ses gardes rapprochés. Au total, dix-sept hommes.

Le cortège atteindra Miabi, à 50 kms de Mbuji-Mayi, à 4 heures du matin alors que Tshitenge poursuit le voyage pour aller donner le go au coeur même de la capitale du Kasaï Oriental.

A mi-chemin, à 15 kms de Miabi, il fait une halte rapide dans cette localité de Boya visée comme Mbuji-Mayi pour l’intérêt qu’elle présente avec la présence de Sengamines. Tout cela est si beau et si proche de se matérialiser que Tshitenge tombe presqu’à la renverse lorsque les 200 “infiltrés” lui disent qu’ils ne sont pas disposés à combattre.

Ils ne le pourront que si seulement si Lumbala paie les 2.000 dollars promis par tête. Soit 400.000 dollars indisponibles à l’instant même. A partir de ce moment, le temps commence à jouer contre Tshibangu.

Dans la matinée du 12 août, Rubasiwra a très vite constaté son absence en même temps que tous ses téléphones étaient atteints.

Il en a tiqué pour envoyer une équipe s’enquérir à la résidence de son adjoint. Sur place, il n’y avait pas chat qui vive. Pas un seul occupant jusqu’aux portes et fenêtres devêtues des rideaux. L’instant d’après, l’alerte est donnée. Tshibangu qui l’apprend par la radio n’a plus d’autre choix que se replier en brousse pour tenter de constituer un maquis.

Ce qu’il fait dans un campement qu’il se fait construire avec l’aide d’une centaine de jeunes de Miabi ralliés à sa cause. Des jeunes qu’il se met à former à l’art de la guerre mais faute de moyens et avec les FARDC à ses trousses, il ne peut poursuivre l’entreprise.

“Je peux vous assurer qu’il a dû négocier avec Kinshasa. C’est ainsi que les 17 qui l’avaient accompagné se sont rendus”, rapporte l’un des témoins. Qu’en est-il advenu de Tshibangu lui-même?

Presque personne le sait avec certitude. Des sources rapportent qu’il serait repassé à Kananga, déguisé pour un exil en Afrique Sud. D’autres disent qu’il entretient un maquis quelque part sous le label du MRVU -Mouvement pour la restauration de la vérité des urnes- créé pour le besoin de la cause.

A 44 ans d’âge, Tshibagu reste fidèle à sa réputation d’officier baroudeur. A l’époque du RCD-K/ML, il avait tenté de détourner un avion. Le pilote l’avait piégé pour atterrir à Kigali. Fait prisonnier, Tshibangu avait réussi à s’évader pour couper, à pied, entre brousses et marécages jusqu’à Beni, dans la province du Nord-Kivu.

Quelques années plus tard, il se retrouve là à commander les opérations face au Général Laurent Nkunda. Ses hommes arrivent à encercler l’ennemi mais une consigne de dernière minute ordonne d’ouvrir un corridor.

L’officier s’en révoltera si bruyamment que la hiérarchie n’obtiendra son silence qu’avec son emprisonnement avant son éloignement du front. Ceci explique peut-être cela ou vice-versa.

Envoyé spécial à Kananga
(H.M. MUKEBAYI NKOSO)

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