mardi 18 juin 2013

Kinshasa : manger un jour sur deux ou trois

Mardi, 18 Juin 2013 

                                                  malnutrition

Dans cette famille de Kinshasa, enfants et parents ne mangent parfois qu'un jour sur deux ou trois.

Depuis que le père a perdu son emploi et la mère son commerce, la misère a remplacé l'aisance. Malou, la mère impuissante mais digne s'est aujourd'hui réfugiée dans la prière. Rencontre.

C’est une mère de famille complètement dépassée, absente d’esprit mais présente de corps qui nous reçoit assise sur une chaise en plastique sous un manguier dans sa parcelle, entourée de ses petits-enfants en pleurs.

Ce dimanche 9 juin, personne n’a mangé depuis la veille. Et ce n’est pas la première fois que toute la maisonnée se retrouve ainsi le ventre vide durant plusieurs jours.

Angoissée par les inextricables problèmes d’intendance auxquels elle et les siens doivent faire face, Malou, cinquante ans révolus, raconte : "J’ai essayé de faire du commerce après le licenciement de mon mari en 1996.

Mais je n’ai tenu que pendant quatre ans. Depuis 10 ans maintenant je n’arrive plus à faire vivre la maison." La cessation brusque de son activité liée à une méchante sinusite qui a failli l’emporter.

Son commerce prospérait et l’amenait à Lomé au Togo où elle ramenait des articles qu’elle revendait à Kinshasa. A la fin du mois, elle pouvait compter jusqu’à 1 000 $ de bénéfices. Mais après sa maladie, elle n’avait plus de sous pour reprendre ses activités.

 "Nous sommes un vrai miracle !"

 "Nous sommes un vrai miracle ! Sans argent ni nourriture, sans rien, nous dormons et le matin nous nous réveillons vivants… je ne comprends pas comment dans cette situation nous sommes toujours en vie", dit-elle invariablement. Aujourd’hui elle ne sait plus comment nourrir quotidiennement ses enfants ainsi que ses petits-fils qui ne mangent pas à leur faim et mal.

"Parfois du Matembele (feuille de patate douce, Ndlr) non assaisonné à part du sel et de l’huile de palme, et une pâte de manioc. Un autre jour juste du riz blanc sans sauce", explique Maman Béa, sa voisine.

Sur son avenue, Malou est connue pour son endurance. Certains l’ont même surnommée "Yobo" en référence à la souffrance de Job dans la Bible. "Elle et sa famille souffrent sans mendier", témoigne encore Maman Béa qui les fréquente.

Les Malou cachent bien leur drame, aidés par le mur de clôture de leur maison. "Mon mari a transformé notre véranda en une pièce que loue un étudiant à 30 $ par mois pour nous permettre de payer le minerval du petit dernier, Glody.

Mais depuis 5 mois le garçon ne paye pas la maison. Imaginez notre détresse", explique-t-elle, la larme à l’œil. Le petit est même chassé de l’école et ne passe pas ses examens du dernier trimestre. Un vrai drame pour ses parents qui ne savent pas où ni comment trouver 50 $ pour solder ses frais scolaires.

 C’est quand elle vous ouvre leur salon que vous mesurez le dénuement de la famille : "un terrain de foot", plaisante-t-elle. Pour tout mobilier, trois chaises en plastique, placées devant un écran de téléviseur qui ne fonctionne plus depuis 4 mois.

 La décadence

Cependant le carrelage du salon, le papier peint au mur, le plafond avec des lambris et un split hors usage témoignent d’un passé tranquille. La maison compte 4 chambres avec douche et toilette intérieures pour les parents.

"Ca rime à quoi d’être réduit de vivre une vie de chien dans une belle demeure", dit-elle. Les Malou y vivent depuis 1996, après le licenciement de son époux de l’ex-Pétro Zaïre où il travaillait et gagnait alors bien sa vie.

Depuis qu'elle a du arrêter son commerce, n’ayant pas beaucoup étudié (niveau 6ème primaire), la seule alternative qui s’offre à elle est, dit-elle, de "m’attacher à Dieu pour sortir ma famille de cette vie de misère".

Depuis elle s’est effectivement réfugiée dans la vie de prière où elle fait l’intercession. Ceux qui se sentent soulagés par ses prières lui viennent en aide de temps en temps avec 5$ ou 10 $.

Des revenus aléatoires et trop insuffisants pour couvrir les charges d’un ménage de sept enfants et trois petits-fils… en détresse permanente.

 Didier Kebongo
 

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