lundi 10 juin 2013

Kivu : La Brigade de l'ONU en ordre de bataille

09/06/2013


M23

Le M23 dit avoir trouvé un accord avec la facilitation pour que sa délégation se rende à Kampala, ce dimanche 9 juin, afin de poursuivre le dialogue et sortir de l’impasse. Bertrand Bisimwa, chef politique du mouvement rebelle affirme pince sans rire que cette prise de décision privilégie la piste politique prônée par Ban-Ki Moon en vue de la pacification de l’Est.

Pourtant, il s’agit d’une fuite en avant pour un mouvement qui voit déjà sa fin très prochaine. Le M23, en revenant à la table des négociations, ne fait que noyer ses caprices broyés dans le moule du Sg de l’ONU et donner raison à Joseph Kabila qui avait longtemps préconisé cette piste, engageant des moyens conséquent quant à ce.

Fini les caprices ! Avec le temps, même le plus versatile peut revenir à la raison. Le M23 en est une illustration. Comme une poule mouillée, la délégation des rebelles revient sur la pointe de pied à la table de négociations à Kampala, en face de Kinshasa.

Ce, au moment où ces discussions, débutées en décembre 2012, étaient au point mort depuis la scission du mouvement rebelle en février dernier.

Pris entre deux feux, c’est-à-dire les exigences de l’ONU et l’assaut de sa Brigade d’une part, le redéploiement massif des Fardc d’autre part, le mouvement rebelle trouve des alibis dans les propos de Ban Ki-Moon et Mary Robinson.

Il oublie vite que lors de son retrait des pourparlers de Kampala, il avait exigé du Gouvernement de Kinshasa un cessez-le feu. En Rd Congo, au Rwanda comme en Ouganda, ces derniers en appelaient à une solution politique dans la résolution des causes profondes de la crise à l’Est de la RDC.

Mais en réalité, rien n’est de neuf dans la pensée des ténors du M23. Kinshasa, par la bouche de Joseph Kabila avait prôné et prône encore l’aspect politique, en symbiose avec l’aspect diplomatico-militaire en vue de la résolution de ce conflit qui n’a que trop duré.

Et si le Sg de l’ONU et son Envoyée spéciale n’ont martelé qu’en ce sens, le M23 n’y comprend franchement du langage diplomatique et du déploiement de la Brigade, dont les opérations sont déjà lancées, commençant par des patrouilles mixtes.

La table de négociations bis

D’aucuns voudraient comprendre les mobiles profonds qui ont milité en faveur du revirement du M23, qui a annoncé son retour à Kampala pour reprendre langue avec le gouvernement.

Par la bouche indiquée, la rébellion du M23 annonce qu’elle enverra une délégation le dimanche 9 juin prochain à Kampala pour reprendre le dialogue avec le gouvernement congolais.

Pour Bertrand Bisimwa, chef politique du mouvement groupe rebelle, « Le M23, en accord avec la facilitation, confirme que sa délégation se rendra à Kampala ce dimanche afin de poursuivre le dialogue ».

C’est ce qu’il a déclaré dans un communiqué daté du mercredi 5 juin et dont s’est procuré l’Agence France de Presse. Une raison de plus pour saluer la délégation gouvernementale à Kampala, qui stigmatisait la facilitation.

Il a donc fallu que Crispus Kihonga dise un mot pour qu’enfin ceux qui lui sont proches se rangent une fois encore sur la bonne voie.

Le M23 justifie cette décision notamment par les propos du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et sa représentante spéciale pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, lors d’une tournée fin mai en RDC, au Rwanda et en Ouganda.

Ban Ki-Moon et Mary Robinson avaient alors préconisé une « solution politique dans la résolution des causes profondes de la crise à l’Est de la RDC », résume M. Bisimwa, comme s’il s’agissait d’une nouvelle proposition.

Néanmoins, M. Ban n’avait pas gardé sa langue en poche pour leur intimer les ordres, et que ne pas obtempérer le serait à leurs risques et périls.

La Brigade en ordre de bataille

Les risques dont redoutent aussi bien le M23 que ses parrains africains et occidentaux reposent sur les 3.000 hommes de la Brigade onusienne. En mars dernier, à la suite du vote de la résolution 2098 créant la brigade d’intervention de la Monusco chargée de combattre les groupes armés dans l’Est de la RDC, Kinshasa avait demandé au M23 « de s’auto-dissoudre ».

Le M23 avait minimisé la question, proférant injures et menaces à l’endroit des Tanzaniens, Malawites et Sud-africains la composant.

Actuellement, cette brigade dont le tiers de l’effectif est déjà arrivé à Goma a commencé à patrouiller dans cette ville stratégique du Nord-Kivu occupée par les rebelles pendant une dizaine de jours à la fin du mois de novembre 2012. Et le M23 n’en croit pas ses yeux.

Interrogé le 28 mai dernier sur le blocage des pourparlers de Kampala entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23, le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, François Mwamba, avait estimé que ce blocage ne pouvait pas être attribué à Kinshasa.

« Si blocage il y a, ce n’est pas le fait de la République démocratique du Congo », avait-il assuré, expliquant que le gouvernement attend la proposition finale de la médiation devant mettre fin aux discussions.

En effet, comment Kinshasa dirait-il une chose et son contraire, appuyant les négociations en hommes et payant ses factures du reste très onéreuses ?

A quoi auraient donc servi toutes ces dépenses si l’intention était de bloquer les négociations, et de fil en aiguille pérenniser l’instabilité sur le sol congolais ?

Comprendre Penangini Touré

Le porte- parole civil de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation du Congo (Monusco), M. Penangini Touré a déclaré dernièrement que le M23 ne sera pas attaqué s’il reprend les négociations de Kampala.

Comment comprendre cette affirmation ? La question fait débat. La première tendance prête à l’onusien les sentiments de ne pas soutenir l’attaque des rebelles.

« Si les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) retournent effectivement à Kampala pour continuer les négociations, la brigade d’intervention de l’ONU n’ira pas les attaquer là où ils sont », a déclaré mercredi Penangini Touré.

Mais d’aucuns comprennent, à sa juste valeur certes, que la Brigade n’a pas pour mission de s’attaquer ni à Kampala, ni aux rebelles à la table de négociations de Kampala. Ce qui va de soi. Mais que fera la brigade face aux rebelles du M23 (pas la délégation) et à d’autres mouvements du genre ?

"La brigade est là encore une fois pour neutraliser ces forces qui vont s’en prendre à la population civile", a indiqué M. Touré. Mais là où le bât blesse dans ses propos, c’est lorsqu’il ajoute que "s’ils (les rebelles) restent cantonnés là où ils se trouvent et ils ne dérangent personne, je ne vois pas pourquoi la brigade d’intervention ou la force de la Monusco chercherait à les déloger".

C’est là que la Monusco devra jouer franc jeu : négocier n’a rien à voir avec la balkanisation du pays, en consacrant la tranquillité aux forces négatives alors que la Brigade qui est déployée est censée les neutraliser.

Mais ce qui compte, c’est le port où devra accoster le bateau de ces pourparlers. Le plus tôt serait le mieux. Quant à ce qui se dit à la Monusco, Kinshasa doit encore ouvrir l’œil, et le bon.

Les propos de Penangini Touré ne sont pas fortuits. D’ailleurs, comme il n’y a pas de fumée sans feu, c’est par inadvertance qu’il aurait donc livré ce secret des dieux. Peut-être que l’avenir pourra nous révéler beaucoup de secrets.

[L’Avenir]

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