L’Afrique noire se prépare à l’inévitable. Comme les médias de la planète entière, qui attendent le moment où il faudra rendre hommage à l’une des personnalités les plus marquantes du XXe siècle. Mais en font-ils trop?
Des dizaines de journalistes du monde entier ont commencé à
affluer à Qunu, le village d’enfance de Nelson Mandela au Transkei, pour
essayer de recueillir des témoignages sur la vie du héros sud-africain
de la lutte contre l’apartheid, hospitalisé depuis samedi.
C’est là que l’ex-président sud-africain avait décidé de passer ses vieux jours et qu’il souhaitait mourir. Avant d’être ramené en décembre à Pretoria pour y être soigné.
Encore vivant. Et non mort, comme l’a cru, piégé par une fausse information diffusée sur le Web, le tout aussi vénéré Rafael Nadal, qui a annoncé un peu vite la mort du héros anti-apartheid sur Twitter, lit-on notamment dans L’Illustré!
«Dans l’art d’anticiper, «Rafa» n’a pas fini de nous surprendre…» Son audience numérique était largement suffisante pour affoler gravement la twittosphère.
On le voit: à l’heure où le pays scrute les nouvelles de son «Madiba» – aujourd’hui âgé de 94 ans et très fragilisé dans sa santé – et que les télévisions du globe se sont maintenant rassemblées autour de l’hôpital «se pose nécessairement la question de la trop grande couverture médiatique», fait remarquer le Daily Maverick. Tout comme elle se pose dans le tour d’horizon de la presse africaine qu’a fait Radio France internationale: «Inquiétudes et rumeurs…»
Dans un article sur les conditions existentielles des journalistes «avant le cataclysme» qu’a traduit Courrier international – qui propose aussi une passionnante revue de presse: «Mandela à la une: le pays retient son souffle» –, le journal en ligne sud-africain se pose des questions vertigineuses sur ce qu’il faut faire ou non en pareil cas mais se défend que les reporters soient des «vautours» ou qu’il soit «malsain de se planter devant un hôpital en attendant la mort de quelqu’un»; que ce soit «inhumain» et que «ça porte atteinte à la dignité de Madiba». Ou que les journalistes ne fassent «ça que pour gagner de l’argent».
Evitez la BBC quand ce vieux terroriste va crever: ce sera à vomir.» Cela a fait un tel scandale qu’on n’en retrouve plus trace. Ce subtil microblogueur aurait-il eu un remords?
«Déjà, en avril dernier», la chaîne de télévision privée sud-africaine DSTV «avait diffusé trop tôt la nécrologie de Nelson Mandela, pour se confondre aussitôt en excuses», lit-on sur Publicnewshub.com et sur Rue89/Le Nouvel Obs.
D’ailleurs, «Jacob Zuma, le président sud-africain, avait cru bien faire en allant le 30 avril au chevet de l’icône internationale, lui tenant maladroitement la main et prouvant au monde qu’il «est toujours parmi nous», comme l’avait ensuite justifié un porte-parole.
Mandela avait le regard perdu dans le vague et ne semblait pas conscient de ce qui se tramait autour de lui. Une polémique [détaillée par le site DakarActu] avait aussitôt suivi sur l’attitude du Congrès national africain (ANC), qui ne respecte pas ses propres exigences de respect de l’intimité de son ancien président.»
Dakaractu a depuis effacé cette page qui a ridiculisé le peu de crédibilité qu’il avait, mais beaucoup […] se sont empressés de reprendre sur Facebook cette intox sénégalaise sans fondement.»
«Dernière minute: Décès de Nelson Mandela. DakarActu-9 juin 2013. Dakaractu.com. L’ancien président de la République de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela vient de décéder à l’hôpital où il a été admis ce…», peut-on encore en effet lire sur le moteur de recherche Google.
Qui affiche toutefois maintenant, à l’ouverture du lien: «Erreur 404. Page non trouvée – Cliquez ici pour retourner sur www.dakaractu.com.» «Cet émoi prématuré et stupide de la blogosphère part toutefois d’un bon sentiment, dans la lignée du respect mondial dont s’est rendu digne «Madiba» pour son combat contre l’apartheid», conclut le MT.
La ligne officielle de l’ANC est toujours la même: l’état de santé de Mandela est «stable», ses examens médicaux ne sont que de la «routine» – dégagez, il n’y a rien à voir. La ligne officieuse est radicalement différente et, de toute évidence, bien plus proche de la vérité.»
Pour contourner le problème des médias critiqués pour leur comportement de fossoyeurs avant la lettre, TV5Monde a eu une bonne idée, celle de redonner la parole au grand-père de la journaliste sud-africaine Liesl Louw-Vaudran, qui est mort en 1990, à l’âge de 94 ans, l’âge de Nelson Mandela, peu après la libération de ce dernier.
Son seul regret aura été de ne pas connaître l’issue de la saga Mandela-De Klerk, disait-il.» Pour lui, et pour nous, elle opère un magnifique «retour sur ces jours où, tout juste sorti de prison, «Madiba» réconcilia les Sud-Africains».
Olivier Perrin
lesoir.be
C’est là que l’ex-président sud-africain avait décidé de passer ses vieux jours et qu’il souhaitait mourir. Avant d’être ramené en décembre à Pretoria pour y être soigné.
Encore vivant. Et non mort, comme l’a cru, piégé par une fausse information diffusée sur le Web, le tout aussi vénéré Rafael Nadal, qui a annoncé un peu vite la mort du héros anti-apartheid sur Twitter, lit-on notamment dans L’Illustré!
«Dans l’art d’anticiper, «Rafa» n’a pas fini de nous surprendre…» Son audience numérique était largement suffisante pour affoler gravement la twittosphère.
«Je n’aime pas ça»
Reste que «chaque fois qu’il est malade, les journalistes débarquent», constate Thankokazi Nkunzi, 25 ans. «Mais je n’aime pas ça […] et nous n’aimons pas le voir partout dans les journaux, parce que nous sommes inquiets pour sa santé», dit la jeune femme.
On le voit: à l’heure où le pays scrute les nouvelles de son «Madiba» – aujourd’hui âgé de 94 ans et très fragilisé dans sa santé – et que les télévisions du globe se sont maintenant rassemblées autour de l’hôpital «se pose nécessairement la question de la trop grande couverture médiatique», fait remarquer le Daily Maverick. Tout comme elle se pose dans le tour d’horizon de la presse africaine qu’a fait Radio France internationale: «Inquiétudes et rumeurs…»
Dans un article sur les conditions existentielles des journalistes «avant le cataclysme» qu’a traduit Courrier international – qui propose aussi une passionnante revue de presse: «Mandela à la une: le pays retient son souffle» –, le journal en ligne sud-africain se pose des questions vertigineuses sur ce qu’il faut faire ou non en pareil cas mais se défend que les reporters soient des «vautours» ou qu’il soit «malsain de se planter devant un hôpital en attendant la mort de quelqu’un»; que ce soit «inhumain» et que «ça porte atteinte à la dignité de Madiba». Ou que les journalistes ne fassent «ça que pour gagner de l’argent».
L’injure de Griffin
Et puis, il est vrai que «Madiba» n’a pas que des supporters. Certains s’agitent même violemment au bord de son cercueil, comme Nick Griffin, le chef du Parti national britannique, d’extrême droite, qui a twitté le 12 juin l’injure suivante: «Dernière ligne droite pour le saint Nelson Mandela, apparemment.
Evitez la BBC quand ce vieux terroriste va crever: ce sera à vomir.» Cela a fait un tel scandale qu’on n’en retrouve plus trace. Ce subtil microblogueur aurait-il eu un remords?
«Déjà, en avril dernier», la chaîne de télévision privée sud-africaine DSTV «avait diffusé trop tôt la nécrologie de Nelson Mandela, pour se confondre aussitôt en excuses», lit-on sur Publicnewshub.com et sur Rue89/Le Nouvel Obs.
D’ailleurs, «Jacob Zuma, le président sud-africain, avait cru bien faire en allant le 30 avril au chevet de l’icône internationale, lui tenant maladroitement la main et prouvant au monde qu’il «est toujours parmi nous», comme l’avait ensuite justifié un porte-parole.
Mandela avait le regard perdu dans le vague et ne semblait pas conscient de ce qui se tramait autour de lui. Une polémique [détaillée par le site DakarActu] avait aussitôt suivi sur l’attitude du Congrès national africain (ANC), qui ne respecte pas ses propres exigences de respect de l’intimité de son ancien président.»
La course au scoop
«Dans la course au scoop, à savoir être le premier à annoncer à la planète le décès de ce grand homme», se moque le Madgascar Tribune (MT), le site d’actualité sénégalais Dakaractu, justement, «a voulu faire l’intéressant en révélant dimanche dernier la mort de l’ancien président sud-africain.
Dakaractu a depuis effacé cette page qui a ridiculisé le peu de crédibilité qu’il avait, mais beaucoup […] se sont empressés de reprendre sur Facebook cette intox sénégalaise sans fondement.»
«Dernière minute: Décès de Nelson Mandela. DakarActu-9 juin 2013. Dakaractu.com. L’ancien président de la République de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela vient de décéder à l’hôpital où il a été admis ce…», peut-on encore en effet lire sur le moteur de recherche Google.
Qui affiche toutefois maintenant, à l’ouverture du lien: «Erreur 404. Page non trouvée – Cliquez ici pour retourner sur www.dakaractu.com.» «Cet émoi prématuré et stupide de la blogosphère part toutefois d’un bon sentiment, dans la lignée du respect mondial dont s’est rendu digne «Madiba» pour son combat contre l’apartheid», conclut le MT.
«Dégagez, il n’y a rien à voir»
Quoi qu’il en soit, si la pression médiatique monte, c’est que, comme l’explique un long article de Slate.fr sur la relation du leader sud-africain avec les médias – très documenté et avec un important recul historique –, «à chaque fois que Mandela est admis dans un hôpital, un mur de silence s’érige d’un côté entre ses porte-parole et l’ANC au pouvoir, et de l’autre les médias nationaux et internationaux.
La ligne officielle de l’ANC est toujours la même: l’état de santé de Mandela est «stable», ses examens médicaux ne sont que de la «routine» – dégagez, il n’y a rien à voir. La ligne officieuse est radicalement différente et, de toute évidence, bien plus proche de la vérité.»
Pour contourner le problème des médias critiqués pour leur comportement de fossoyeurs avant la lettre, TV5Monde a eu une bonne idée, celle de redonner la parole au grand-père de la journaliste sud-africaine Liesl Louw-Vaudran, qui est mort en 1990, à l’âge de 94 ans, l’âge de Nelson Mandela, peu après la libération de ce dernier.
Son seul regret aura été de ne pas connaître l’issue de la saga Mandela-De Klerk, disait-il.» Pour lui, et pour nous, elle opère un magnifique «retour sur ces jours où, tout juste sorti de prison, «Madiba» réconcilia les Sud-Africains».
Olivier Perrin
lesoir.be
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