Le débat sur l'héritage de Nelson Mandela me rappelle celui amorcé à l'approche de la mort du président Félix Houphouët-Boigny qu'on présentait comme le « grand bâtisseur ».
Pendant longtemps, le « modèle ivoirien », présenté comme l'un des meilleurs pour ne pas dire le meilleur en Afrique noire, a été enseigné dans plusieurs écoles africaines, voire même en France.
Au ministère des Affaires étrangères français, on considérait le président Boigny comme « un homme d'État exceptionnel » ayant bâti une nation prospère et moderne--- il est vrai que sous sa présidence, la CI a connu certaines avancées importantes.
Mais pourquoi la Côte d'Ivoire a longtemps été présentée comme l'exemple à suivre en Afrique noire ? Simplement parce que c'était le pays le plus soumis aux intérêts français. La Côte d'Ivoire était le symbole parfait du système françafricain.
Houphouët-Boigny, son président fut « l'homme de la France en Afrique ». D'ailleurs pour son enterrement, toute la classe politique de la Ve République avait fait le voyage à la capitale Yamoussoukro. François Mitterrand, pourtant souffrant, ainsi que l'ex-président Valéry Giscard d'Estaing, côtoyaient quelque 7 000 invités.
N'empêche qu'avec le temps, de plus en plus d'Ivoiriens (surtout la jeune génération) ont commencé à interroger sans complaisance l'héritage de celui qu'ils appellent « le Vieux » ; on n'hésite plus à mettre sur le compte du « Vieux » la situation catastrophique actuelle que connaît le pays.
La jeune génération réalise maintenant à quel point son pays est assujetti aux humeurs et aux desiderata de la France oligarchique. Je suis convaincu que les prochaines générations des Noirs sud-africains (et d'autres Africains) interrogeront, sans complaisance, l'héritage du président Mandela comme le font les jeunes générations d'Ivoiriens aujourd'hui avec Houphouët-Boigny.
Après tout, l'image de Mandela que nous avons aujourd'hui, n'a-t-elle pas, qu'on le veuille ou pas, été façonnée par l'Occident? Et ce pour une raison : comme Houphouët-Boigny, Mandela a très bien servi le système impérialiste.
Retenez surtout ceci chers compatriotes africains : la guerre se fait aussi dans les manuels académiques (d'Histoire dans le cas qui nous concerne). Mandela n'est pas jugé en fonction de ses accomplissements mais surtout en fonction de ce qui a été enfoncé dans nos têtes par ses « maîtres » à travers les médias et les institutions académiques.
Aussi longtemps que nous ne remettrons pas en question l'Histoire de l'Afrique (et de ses dirigeants) qui nous a été imposée par hégémonie culturelle dominante, rien n'évoluera. Nous avons un peu partout en Afrique des diplômés colonisés, intellectuellement aliénés.
Ils souscrivent à tout ce qu'ils apprennent sans un minimum d'esprit critique. Certains diront que je suis dogmatique. Non, je ne le suis pas, il ne s'agit pas non plus de critiquer pour critiquer, mais simplement développer une pensée critique et autonome face au discours dominant produit en Occident.
Il faut refuser cette domination idéologico-culturelle dans laquelle la plupart de nos intellectuels baignent. Du reste, je bois mon lait..
Patrick Mbeko
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