Le retour au Rwanda des opposants Faustin
Twagiramungu et Gérard Karangwa est diversement apprécié dans les rangs
de l’opposition et de la diaspora. Quelles garanties les deux opposants
ont-ils reçues pour leur sécurité ?
Les deux hommes, eux, insistent sur le côté risqué de leur retour, Faustin Twagiramungu allant jusqu’à évoquer le risque d’assassinat. En attendant d’en savoir davantage, il y a quelques observations qu’on peut relever d’emblée.
Tout d’abord, ce retour tombe à point nommé pour le régime de Paul Kagamé de plus en plus décrié sur le plan international pour son soutien aux rebelles du M23 qui sèment la désolation dans l’Est du Congo.
Ensuite, les deux opposants disposent de trop peu de marge pour enclencher la dynamique du changement démocratique dans le pays. Enfin, ce retour rappelle celui des opposants à l’ancien dictateur zaïrois Mobutu dans les années 1990 ; retour médiatisé mais qui s’est révélé, au final, sans effet significatif sur la dictature en place.
Les deux hommes, eux, insistent sur le côté risqué de leur retour, Faustin Twagiramungu allant jusqu’à évoquer le risque d’assassinat. En attendant d’en savoir davantage, il y a quelques observations qu’on peut relever d’emblée.
Tout d’abord, ce retour tombe à point nommé pour le régime de Paul Kagamé de plus en plus décrié sur le plan international pour son soutien aux rebelles du M23 qui sèment la désolation dans l’Est du Congo.
Ensuite, les deux opposants disposent de trop peu de marge pour enclencher la dynamique du changement démocratique dans le pays. Enfin, ce retour rappelle celui des opposants à l’ancien dictateur zaïrois Mobutu dans les années 1990 ; retour médiatisé mais qui s’est révélé, au final, sans effet significatif sur la dictature en place.
Kagamé « gagne » deux vrais opposants
En tout cas, le Président rwandais, dont la nature des relations avec son opposition peut se résumer au martyre de l’opposante Victoire Ingabire, emprisonnée depuis octobre 2011, a l’occasion de s’afficher en homme d’Etat capable de supporter une opposition interne, menée par des opposants de poids.
Pour rappel, Faustin Twagiramungu est un des rares dirigeants rwandais qui ne rate pas l’occasion de défier Paul Kagamé. Il l’a affronté aux élections d’août 2003 remportées, naturellement, par l’« homme fort » de Kigali avec un score stalinien de 95% contre 3,62 % pour l’ancien Premier ministre.
Des élections, évidemment, dépourvues d’équité comme ont pu le relever les observateurs indépendants (Amnesty International, Human Rights Watch,…). Mais l’important était qu’un homme eut le courage de défier Paul Kagamé. Faustin Twagiramungu partit ensuite en exil, en Europe, d’où il revient donc.
Un retour qui pourrait se révéler plus bénéfique pour le Président rwandais que pour des opposants tétanisés par des risques réels pour leurs personnes, mais tolérés tout de même par un régime en quête de respectabilité.
Et faisant d’une pierre deux coups, le fait pour le régime de tolérer les deux opposants, pourrait se traduire par un climat de méfiance dans les rangs de l’opposition, certains devant se demander, légitimement, pourquoi les deux opposants sont libres d’action pendant que d’autres, comme Victoire Ingabire, continuent de croupir en prison.
Il faut toutefois reconnaitre que l’espoir de changement et de démocratisation du Rwanda que les deux opposants disent incarner peut difficilement se traduire dans les actes. D’ailleurs, si le pouvoir de Kigali concède à leur retour, c’est qu’il ne les considère pas comme assez dangereux.
De toute évidence, dans ce contexte de méfiance réciproque, les deux opposants veilleront à ne pas dépasser certaines limites, sans trop savoir quelles sont les limites à ne pas dépasser.
Kagamé peut dormir tranquille. Il aura « gagné » deux opposants, revenus d’exil, mais deux opposants paralysés par la peur.
Le précédent zaïrois et l’impossible changement
Ce retour pourrait s’apparenter à d’autres retours d’opposants dans les pays de la région. Dans les années 1990, les opposants à un autre dictateur de la région, le Maréchal Mobutu du Zaïre, décidèrent de revenir au pays. Mobutu avait, lui aussi, l’habitude de martyriser ses opposants et même de les faire assassiner après leur avoir fait croire qu’ils ne risquaient rien en revenant au pays.
Ce fut le cas de Pierre Mulele. Mais dans les années 1990, perestroïka oblige, des opposants enthousiastes décidèrent de rentrer au pays. Hélas, ils n’apportèrent pas le changement escompté.
Au Zaïre, deux opposants emblématiques, Etienne Tshisekedi et Ngunza Karl-I-Bond, ont fini dans des parcours qui devraient attirer la curiosité des Rwandais sur le risque d’impasse auquel leurs deux opposants pourraient être bientôt confrontés.
Tshisekedi resta ferme sur la lutte pour la démocratie, lutte qu’il poursuit aujourd’hui contre Joseph Kabila, son troisième dictateur d’affilé.
Pour l’anecdote, lorsque Tshisekedi débuta sa lutte (non-violente) pour la démocratie au Congo, en 1982, l’actuel Président congolais, Joseph Kabila, n’avait que 11 ans.
Des opposant comme ceux-là, en exil ou revenus au pays, n’inquiètent pas les dictateurs qui peuvent envisager de se succéder les uns aux autres, même entre père et fils, le Congo n’étant pas le seul exemple sur le Continent Noir.
Ngunza Karl-I-Bond, lui, eut un parcours différent. Après avoir compris que la dictature était indéboulonnable de l’intérieur, il rallia le pouvoir, un choix vécu comme un acte de trahison dans les rangs de ses anciens compagnons restés dans l’opposition.
En réalité, il n’y avait rien à faire. L’opposition n’offrait aucune perspective tandis que le pouvoir offrait quelques gloires éphémères (ministre, Premier ministres, gouverneurs,…) aux opposants disposés à se renier. L’opposition n’avait aucune chance d’accéder au pouvoir. Pour une raison simple…
- Clinton - Kagamé
- Dictateurs imposés de l’extérieur1
Ceux qu’on appelle « dictateurs », en Afrique, ne le sont pas en réalité. Ce sont des agents placés au pouvoir par les grandes puissances et dont le sort dépend des capitales occidentales.
Quelle que soit la détermination des opposants à lutter de l’intérieur ou de l’extérieur, la décision ultime
viendra d’ailleurs. Il a fallu que Washington, Londres, Paris et Bruxelles, décidassent du sort de Mobutu. En six mois, l’affaire était réglée… mais pas dans l’intérêt des Zaïrois/Congolais.
Quant au sort du régime de Kagamé, jusqu’à présent porté à bout de bras par Londres et Washington, difficile de savoir ce que les « décideurs » mijotent « là-haut ». D’ailleurs, le saura-t-on jamais ? En tout cas, jusqu’à sa chute, Mobutu, l’homme de la CIA, se croyait toujours dans le coup.
Mobutu, dont les fréquentations en Occident ont quelques similitudes avec celles de l’actuel « homme fort » du Rwanda, fut « jeté » un jour parce que trop usé et ne servant plus à grand-chose, la guerre froide étant finie.
Aujourd’hui, la guerre de pillage des richesses minières (Est du Congo) devient de plus en plus sale et sa poursuite embarrasse trop de monde « là-haut ». Quant à la lutte contre la menace islamique (Darfour, Somalie, Afghanistan), on perçoit des signes de fléchissement dans l’esprit des dirigeants occidentaux.
Les Américains vont même négocier avec les talibans[1]… inimaginable il y a encore quelques mois. Ils traitent déjà avec des gouvernements et des organisations islamistes en Libye, en Egypte, en Syrie et dans le Maghreb.
C’est de ce côté-là qu’il faut percevoir les signaux d’un possible changement au Rwanda. Le retour des opposants ouvre naturellement une nouvelle ère à l’opposition interne, mais son apport dans la dynamique de changement de fond devrait rester modeste.
Boniface MUSAVULI
AGORAVOX
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