samedi 29 juin 2013

Sud-Kivu : des parents coupables de prostituer leurs filles


prostituee

A Misisi, au Sud-Kivu, des parents encouragent leurs filles à se prostituer avec des creuseurs. Ces derniers peuvent être condamnés à 20 ans de prison ferme pour viol. Les parents complices risquent, eux, 10 ans de prison pour incitation de mineure à la débauche.


Un cas parmi tant d’autres. « Resteras-tu là en train de m’embêter ? Ne vois-tu pas comment d’autres filles se débrouillent ? » De nombreux parents de Misisi (200 km au sud d’Uvira, territoire de Fizi, Sud-Kivu) répondent ainsi à leurs filles quand elles veulent avoir à manger ou de quoi lessiver leurs habits.

Ces pères indignes prennent pour exemples des adolescentes de 13 à 17 ans, qui se prostituent avec des creuseurs d’or pour faire vivre leurs familles. Dans cette localité, on voit en effet déferler de nombreux hommes en quête de minerais.

Ils viennent d’autres territoires de la province, où ils ont laissé femmes et enfants. « Cette incitation à la débauche fait qu’environ 60 mineures sont victimes de viols chaque mois à Misisi ! », alerte l’OSC Solidarité des femmes de Fizi pour le bien-être familial (Sofibef).

Impunité

Destructrice pour les jeunes filles, cette pratique est aussi illégale. L’article 173 de la Loi de 2009 portant protection de l’enfant punit jusqu’à 10 ans de prison toute personne, parents y compris, qui incite un ou une mineure à la débauche.

Lorsque l’incitation est le fait d’une personne exerçant l’autorité sur l’enfant, la déchéance de l’autorité parentale ou tutélaire est prononcée.

Du côté des creuseurs, le viol est consommé. Ces victimes sont mineures et la loi ne requiert pas leur consentement. Les creuseurs sont ainsi punissables jusqu’à 20 ans de prison ferme en vertu de l’article 170 de cette même loi.

A Misisi, les adolescentes se prostituent généralement avec la pleine bénédiction de leurs parents. Elles amènent même chez elles leurs prétendus fiancés creuseurs qui sont obligés parfois de donner à de nombreuses familles pauvres un peu d’or.

Ceux qui refusent sont accusés de viol. Selon les statistiques de la police locale, cinq sont en moyenne arrêtés chaque mois.

Depuis janvier 2013, cette police dénombre 13 individus transférés en détention préventive à la prison centrale d’Uvira.

Les parents inconscients, eux, ne sont pas inquiétés, même s’ils sacrifient ainsi leurs enfants. « Parce que des policiers, natifs du coin, qui ont la charge de les arrêter, ont fini par s’habituer et ne font rien », dénonce Amisi Mas, responsable de l’ONG SOS-Femmes en danger (Fed).

« Nous considérons que c’est celui qui s’est plaint qui est préjudicié. Les creuseurs ne se plaignent pas. Ce sont les parents qui le font », répond un policier.

Prostituées à vie

Durant leur campagne ponctuelle de sensibilisation, en novembre et février derniers, SOS-Fed et Sofibef ont dénoncé cette pratique. Mais, la pesanteur coutumière est telle que nombreux n’y trouvent rien à redire. « Il s’agit d’une affaire entre un père et sa fille. Pourquoi s’en mêler ? », interroge un septuagénaire… dont une des filles se prostitue.

« Même par manque d’argent, il est inadmissible qu’un parent pousse sa fille mineure à la débauche », déplore pour sa part, désemparé, Paul Musebengi, pasteur d’une église.

Mais, dans ces affaires, l’impunité est la règle. Faute de preuves suffisantes pour soutenir l’accusation du parquet, les creuseurs transférés à Uvira sont pour la plupart relâchés, explique Baudouin Kipaka, président du Tribunal de grande instance de cette ville.

Les parents plaignants ne se présentent pas à l’audience, craignant, à juste titre, de se lancer dans une procédure judiciaire qui se retournerait contre eux. « Plus de dix creuseurs ont été ainsi libérés depuis janvier 2013 faute de preuves », confie un magistrat du parquet.

Croyant trouver un gain en poussant leurs filles à se prostituer, certains parents compromettent gravement et durablement l’avenir de milliers d’adolescentes. Nombreuses finissent ensuite par abandonner leurs études et font carrière comme prostituées…

Pierre Kilele Muzaliwa, Patient Debaba Lufira


Source : Syfia Grands Lacs

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