Vingt Congolais vivant en Belgique et quinze autres provenant de plusieurs pays européens ont embarqué, dimanche 16 juin 2013, à Bruxelles, dans un vol non-régulier. Destination : Kinshasa. Motif : "séjour irrégulier".
Des témoins assurent avoir vu les expulsés - dont une femme enceinte -, les deux bras immobilisés par du scotch, encadrés par des agents de police. Des organisations de la société civile du royaume ont déploré l’absence de leurs activistes dans ce vol. Ils redoutent "l’accueil" qui sera réservé aux rapatriés.
"Sous le régime de Mobutu Sese Seko, les autorités belges s’abstenaient de renvoyer les Zaïrois en séjour illégal sur le sol belge. A l’époque, la raison invoquée, à juste titre d’ailleurs, était notamment les violations des droits humains et les brimades infligées aux opposants au Maréchal.
Qu’est ce qui a changé dans ce pays depuis la chute de Mobutu? Les autorités peuvent-ils franchement ignorer que la dictature de Mobutu a été remplacée par celle des Kabila et que situation des droits de l’homme est devenue pire qu’avant?". Qui parle? Un activiste politique congolais. L’homme a contacté, dimanche soir, la rédaction de Congo Indépendant, pour dire "tout le mal" qu’il pense de ces "expulsions accompagnées de brutalité inouïe".
Selon le porte-parole de l’Office belge des étrangers, Dominique Ernould, les expulsés ont été embarqués à bord d’un avion Beech 1900, affrété par l’Agence européenne chargée de la surveillance des frontières (Frontex). Le décollage a eu lieu à 18h30 à l’aéroport militaire de Meelsbroek.
"Les bras scotchés"
Diverses sources confirment que le groupe est composé de trente-cinq personnes dont vingt résidant "de manière irrégulièrement" en Belgique. Celles-ci auraient épuisé les voies de recours à leur demande d’asile. Les quinze autres, proviendraient de l’Allemagne, de la France et d’Irlande.
Selon diverses sources, l’Office des étrangers a fait savoir, avec un brin de "Ponce Pilatisme" et de cynisme, que les personnes rapatriées "seront prises en charge par les autorités congolaises dès leur arrivée à Kinshasa".
Une situation qui a été critiquée, au micro de la RTBF-radio, par des "défenseurs des sans-papiers". Des témoins ont fait état de brutalités policières. Les rapatriés avaient, disent-ils, les bras "scotchés" et immobilisés derrière le dos.
Plusieurs activistes politiques congolais, communément appelés "Combattants", se trouvaient également à Melsbroek. Dans son journal dominical de 19 heures, la télévision commerciale belgo-luxembourgeoise RTL-TVI a montré des images où l’on pouvait reconnaitre notamment Babi Balukuna et Henry Muke Disuishe. Ancien membre co-fondateur du très mythique groupe de pression "Bana Congo", Muke dirige actuellement un groupement dénommé "Haut conseil de libération" (HCL).
"Nous sommes en colère face au traitement inhumain que les autorités belges infligent aux personnes refoulées, a confié Muke à l’auteur de ces lignes. Les responsables politique belges ignorent-ils qu’il n’y a pas de démocratie en République démocratique du Congo?" Pour lui, il s’agit d’une "expulsion politique" dont l’objectif, selon lui, est "de montrer à Joseph Kabila que la Belgique est avec lui...".
"Les prisonniers personnels de Kabila"
Que deviennent les Congolais refoulés? Selon diverses sources, ils sont effectivement "pris en charge" par des agents de l’ANR (Agence nationale de renseignements). Il est de notoriété publique que cet organisme est loin fonctionner comme un service de Sûreté.
"L’ANR est remplie de petits voyous qui vivotaient au Katanga, confie un ancien officier de renseignements. C’est une police politique qui n’obéit qu’aux injonctions données par Joseph Kabila". "Les personnes détenues dans les cachots de l’Agence, ajoute-t-il, sont en réalité des prisonniers personnels de Joseph Kabila.
L’ANR n’est soumis à aucun contrôle ni judiciaire ni parlementaire". Membre de l’UDPS, Raphaël Kashala qualifie ces expulsions d’"inacceptables". "C’est bien dommage, peste-t-il, que les autorités belges feignent d’ignorer qu’une dictature sévit au Congo-Kinshasa.
Les Congolais de la diaspora étant généralement considérés comme des opposants, les personnes renvoyés au pays seront dans un premier temps mis en quarantaine dans un cachot. Elles seront par la suite embastillées à Makala ou transférées à Lubumbashi, au Katanga...".
Un lourd contentieux
Depuis son accession à la magistrature suprême, un certain 16 janvier 2001, "Joseph Kabila" souffre d’un grave désamour dans les milieux des Congolais de l’étranger en général et de ceux d’Europe en particulier. C’est un lourd contentieux. Ceux-ci reprochent à l’actuel "président" d’être un "infiltré" au service des intérêts de certains pays voisins.
Les opposants les plus virulents au pouvoir kabiliste se trouvent au Benelux, en France et au Royaume-Uni. Il est également reproché au successeur de LD Kabila d’éluder une importante partie de son parcours personnel. "Joseph" qui a foulé, pour la première fois, le sol zaïro-congolais en octobre 1996, a porté plusieurs identités (Hyppolite, Christopher, Kanambe, Kabange, Mtwale) avant d’adopter le patronyme de Joseph Kabila.
Pire, celui-ci a toujours entouré de mystère son passage dans l’armée tanzanienne et rwandaise. Il était le bras droit du colonel rwandais James Kaberebe, alors chef des opérations des troupes de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo).
Plusieurs faits ont transformé le désamour ambiant en défiance, voire un "duel" à la David et Goliath. Il s’agit d’une part, de l’interminable instabilité dans la partie orientale du pays. A tort ou à raison, les "Combattants" accusent l’actuel locataire du palais de la nation de "double jeu".
D’autre part, l’élection présidentielle de 2006 et du 28 novembre 2011. Les Congolais de la diaspora continue à contester, dans leur grande majorité, la "victoire" de "Joseph Kabila" tant face à Jean-Pierre Bemba Gombo que d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
Enfin, l’assassinat, le 1er juin 2010, du défenseur des droits humains Floribert Chebeya Bahizire et de son chauffeur Fidèle Bazana - au siège de la police nationale - n’a fait que corser cette animosité. Il en est de même du "suicide", le 2 octobre 2010, du Bruxellois Armand Tungulu Mudiandambu. Suspecté d’avoir "caillassé" le cortège du "raïs", "Armand a été tabassé par des éléments de la garde présidentielle. Il est mort dans un cachot au Camp Tshatshi à Kinshasa...
Qui oserait nier aux Etats européens concernés d’agir de manière souveraine sur leurs territoires respectifs? On ne pourrait cependant s’empêcher de regretter - le mot est faible - les "cadeaux" faits au pouvoir tyrannique de "Joseph Kabila".
Des cadeaux assimilables à une non-assistance à personne en danger. Autre temps, autres mœurs...
B.A.W
© Congoindépendant
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