jeudi 11 juillet 2013

Rwanda : Tous les Hutus sont des génocidaires, selon Paul Kagame

11. juil 2013

L’homme fort du Rwanda Paul Kagame, était le 30 juin 2013 invité par le ministère de la jeunesse et des sports pour parler aux jeunes lors de l’événement « Youth Connekt Dialogue ».

Cette rencontre avec la jeunesse post-génocide avait pour but de parler de l’avenir, de la réconciliation et du rôle de la jeunesse dans la construction d’un nouveau Rwanda. Cependant, le général Kagame, connu pour ses discours tranchants, s’est adonné à des dénigrements, accusations, calomnies et menaces envers notamment les Hutus, les occidentaux, l’opposition et le chef d’Etat tanzanien Kikwete.



Que Paul Kagame s’en prenne à ses opposants et à la communauté internationale dans ses discours, cela n’a rien d’anormal, c’est même devenu le quod plerumque fit chez cet ancien chef de guerre qui fêtait ce 04 juillet le 19ème anniversaire de « la libération » ou plutôt la conquête du pays après 4 ans de combat acharné.

Ainsi, ce dernier ne cesse-t-il de traiter ses opposants, même ses anciens amis passés dans la dissidence, de « bons à rien (ibigarasha) ». Ce qui, malgré cela, a choqué plus d’un, c’est le choix du Président d’élargir son cercle de cible aux chefs d’Etats, à « ceux qui ont une autre couleur de peau que nous et qui se croient supérieurs » , et aux Hutus dans leur ensemble.

Les Hutus doivent demander pardon pour le génocide perpétré en leur nom

« Même si tu n’as pas tué pour demander pardon, lèves-toi et demander pardon pour ceux qui ont tué en ton nom. (…) » a interpellé Paul Kagame plus de 800 jeunes qui étaient venus l’écouter , en continuant : « Pourquoi tu vas te taire alors qu’il y a une personne qui a tué en ton nom ? ».

Dans son discours, Paul Kagame a comparé le génocide rwandais à l’holocauste, et a mis l’accent sur le fait que les Allemands dans leur ensemble n’avaient pas été trempés dans l’holocauste alors que dans le cas du Rwanda « il semble que ça soit ce qui s’est passé » .

«(…)Il y a eu quelque chose ressemblant à une mobilisation générale dans la population. (…)Même parmi les quelques peu qui ont eu le courage de cacher les victimes, il y en a qui finissaient par les livrer », a-t-il souligné.

D’après Paul Kagame, les dirigeants qui ont mis au point les tueries avaient tout calculé, car ces derniers pensaient qu’en impliquant tous les Hutus, les conséquences tomberaient aussi sur toute l’ethnie hutue qui constituait plus de 85% de la population ; et ainsi que dans ce cas il serait pratiquement impossible de punir tout ce monde.

« Ils (NDLR : les planificateurs du génocide) pensaient que même le bon Dieu ne saurait pas juger ni punir tout le monde » a formulé le général Paul Kagame.

« Ne pas demander pardon pour un génocide commis en ton nom, c’est l’approuver »

Cherchant à culpabiliser tous les Hutu à cause de leur appartenance ethnique, le Président est allé même plus loin. Pour lui, ceux qui ont peur ou honte de demander pardon pour le génocide commis en leur nom, apportent un soutien indirect aux tueurs.

« Quand on a peur dans les actes et les paroles, de reconnaître les forfaits faits en son nom, on fait les affaires de celui qui les a fait, et on en tire bénéfice, ça ne doit pas se passer comme ça », a lancé le président Kagame et a vivement conseillé les Hutus à demander pardon « Jeunesse ici présente, cette mission qu’on se donne ici n’est pas une mince affaire, mais c’est nécessaire » devant ces jeunes dont nombreux n’ont même pas connu le génocide de 1994, car ils étaient, soit pas encore nés, soit en bas âge.

Ce qui a choqué le plus ceux qui ont suivi ce discours, est que l’endoctrinement auquel il s’est livré a donné quelques résultats.

Preuve, certains des jeunes hutus présents, se sont levés et ont demandé pardon pour le génocide perpétré en leur nom.

« Mon ethnie a fait une abomination, en mon nom propre, je demande pardon pour ça », a exprimé Kanyange Christine, une jeune hutue présente.

« J’étais parmi les dirigeants responsables du drame qui s’est abattu sur le pays, c’est pourquoi je demanderai pardon aux Rwandais, je vous promets même monsieur le président de la République que j’aiderai les gens avec qui on partageait les responsabilités et qui vivent encore dans le pays, à faire le pas dans ce sens (NDLR : à demander pardon eux aussi) » a ensuite déclaré Boniface Rucagu, longtemps parlementaire sous le régime du feu Juvénal Habyarimana.

Un jeune hutu qui s’appelle Rurangwa Denys s’est même agenouillé pour demander pardon pour un génocide fait au nom des Hutu.

Jambo ASBL condamne les propos de Paul Kagame

L’association Jambo ASBL, dont le but est de contribuer à l’instauration et à la pérennisation d’un état de droit dans la Région des Grands Lacs, a condamné avec vigueur les propos du Président Kagame visant à stigmatiser les Hutu en affirmant « qu’ils sont tous responsables du génocide rwandais« .

Dans un communiqué rendu public ce 6 juillet, Jambo y souligne que les propos du Président rwandais Paul Kagame demandant aux jeunes hutus de demander pardon aux victimes du génocide tutsi et ce au nom de toute l’ethnie hutue sont plus que « inquiétants », surtout venant du plus haut responsable du pays.

« Ces propos procèdent d’une logique qui vise à frustrer des individus du simple fait de leur origine ethnique. Qui plus est, dans le contexte rwandais, ce genre d’enseignements a pour résultat d’exacerber la haine et la méfiance ethnique, dès lors qu’il catégorise la population rwandaise en deux parties : ceux qui doivent perpétuellement demander pardon, les Hutu et ceux qui pardonnent et tolèrent, les Tutsi » annonce la communique de Jambo ASBL, qui condamne « cette tentative d’accusation et de condamnation collective qui ne peut engendrer que la stigmatisation, la haine ainsi que la division entre Rwandais ».

L’association rappelé dans son communique que, « Nul Hutu, nul Tutsi ne doit être blâmé pour des crimes qu’il n’a pas commis »; et que nul non plus « ne doit demander pardon pour les crimes des autres ».

Ainsi Jambo ASBL lance un appel à tous les jeunes rwandais, « d’une part à lutter contre ce genre d’idéologies destinées à soumettre à jamais une ethnie à une autre et d’autre part, à interroger incessamment l’histoire et ainsi éviter les erreurs du passé , et rester focaliser sur ce qui est juste pour l’avenir du Rwanda ».

Les menaces au président tanzanien

Dans son long discours, Paul Kagame s’en est encore pris au président tanzanien Jakaya Kikwete, qu’il avait dans son premier discours du 10 juin traité d’ »Inculte et négationniste« .

« Je vais t’attendre quelque part et te frapper » a lancé Paul Kagame au président tanzanien.

Le Général Paul Kagame, n’a manifestement pas encore digéré la proposition faite lors de l’ouverture du 21eme sommet de l’Union africaine le 26 mai dernier à Addis-Abeba par le Président tanzanien Jakaya Kikwete, au Rwanda d’engager le dialogue avec l’opposition armée ( les Forces Démocratiques de la Libération du Rwanda, FDRL) et l’opposition non armé, en vue d’une résolution durable de la crise dans l’est de la RDC.

Le Rwanda est le pays au monde où l’espace politique est le plus ouvert

« Le Rwanda est le pays où l’espace politique est plus ouvert au monde parce que la tolérance envers ceux qui ont assassinés 1 million de personne est une tolérance que tu ne verras jamais ailleurs dans ce monde. Quand on donne de l’espace aux assassins que peut-on espérer de plus comme espace politique? » a déclaré Paul Kagame.

Les méthodes utilisées par les organisations pour mesurer l’espace politique ne peuvent s’appliquer au Rwanda, selon Kagame.

« J’ai lu dans les journaux qu’il y a red party, green party, … mais qu’est-ce qu’ils ont ? » a-t-il dit en expliquant ensuite qu’il a interpellé ceux qui empêchaient aux partis politiques de s’enregistrer pour faire la politique.

« Pourquoi les empêchez-vous ? Les ai-je demandés.

En les empêchant vous leur donnez la valeur qu’ils n’ont pas » a déclaré l’homme fort du Rwanda aux jeunes avant de mettre en garde les partis qui veulent se faire enregistrer au Rwanda: « S’ils (les partis politiques : NDRL) essayent de bousculer qui que ça soit, ils ne sauront pas ce qui les a frappé.» a- il ajouté en continuant « (…) il y a 10 partis politiques enregistrés. Ceci n’est pas assez selon leurs normes ».

La frénésie proliférée par le discours de Kagame ne désemplit pas

Une semaine après le discours de Paul Kagame, la frénésie proliférée par ce discours ne désemplit pas.

Sur les sites rwandais d’information, les radios et sur les forums, l’indignation est totale. L’on se demande sans cesse ce qui a pu prendre Paul Kagame pour tenir un discours aussi incendiaire.

Un rescapé tutsi a déclaré à Jambonews qu’en écoutant le discours de Kagame, » pendant un moment il a cru entendre Mugesera ou Kambanda » (1).

Les medias proches de l’opposition et plus critiques envers le régime de Kigali, préfèrent imputer ce discours de Paul Kagame à la démence. C’est le cas de vertasinfos.fr. « La démence de Paul Kagame n’est pas seulement en parole c’est aussi en actes, il vient par exemple de remettre Nkunda à la tête de M23 », pouvons lire sur vertasinfos.fr dans l’un de ses articles.

« La haine de Paul Kagame pour les Hutu n’a jamais été un secret pour personne » poste un commentateur sur un forum de la diaspora rwandaise en Belgique. « On savait Paul Kagame dément, mais pas jusqu’au point d’annoncer ses intentions criminelles en public » s’indigne un autre.

L’abbé Thomas Nahimana préfère interpréter le discours de Paul Kagame sous un autre angle : « Paul Kagame n’était pas venu s’adresser aux Hutu, d’ailleurs il n’a rien à dire aux Hutu à part qu’ils ne sont que des chiens, que leur rôle doit être que d’aboyer.

Paul Kagame était venu s’adresser aux Tutsi, pour les rappeler qu’ils sont victimes et doivent compter sur lui» pouvons lire dans un article posté sur le site leprohete.fr.

(1) Personnalités connues pour avoir tenu des propos incendiaires avant ou pendant le génocide de 1994

Jean Mitari
Jambonews.net

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