Des
groupes rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) formés par des
instructeurs étrangers seraient en ce moment en action en Syrie.
REUTERS/Saad AboBrahim
Des groupes rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), formés
par des instructeurs étrangers, seraient en ce moment en action en
Syrie, au contact de l’armée régulière du régime de Bachar el-Assad,
notamment dans le sud du pays, dans la région de Deraa.
C'est ce que
relate la journaliste Isabelle Lasserre dans Le Figaro de ce
vendredi 23 août. Entretien avec David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché
à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas).
RFI : Des combattants de l’ASL entraînés par des
instructeurs étrangers... On le savait depuis plusieurs mois. Mais ce
que révèle, ce vendredi, Le Figaro,
c’est que ces combattants sont entrés en action en Syrie. On parle de
chocs avec l’armée syrienne dans la région de Deraa, au sud de Damas.
Aujourd’hui ces bataillons de l’Armée syrienne libre, formés en
Jordanie, sont-ils entrés sur le sol syrien ?David Rigoulet-Roze : La formation d’insurgés est connue depuis longtemps. C’est quasiment un secret de polichinelle. En revanche, il y a un faisceau d’indices qui semble indiquer une montée en puissance, effectivement, du caractère opérationnel de ces groupes, qui se serait accélérée à la mi-août et qui donc, aujourd’hui, mettrait une pression inédite sur l’armée loyaliste de Bachar el-Assad.
Compte tenu de leur formation par des instructeurs étrangers, ces groupes d'insurgés seraient-ils capables de faire la différence sur le plan militaire face à l’armée régulière ?
En tout cas, les objectifs de ladite formation, c’est effectivement une capacité opérationnelle en termes de guérilla, de guerre asymétrique. C’est pour donner un avantage opérationnel tactique à des insurgés qui, jusqu’à présent, souffraient d’un déficit d’efficacité sur le terrain, parfois.
Est-ce qu’il vous paraît vraisemblable que des éléments des forces spéciales israéliennes et jordaniennes puissent être à leurs côtés, aujourd’hui, sur le terrain ?
Il faut être très clair, il n’est pas question d’envisager l’idée qu’il y ait des troupes étrangères en Syrie, tel qu’on pourrait le penser. On ne peut évidemment pas exclure, il est même vraisemblable, qu’un certain nombre d’éléments encadrent ou apportent une aide ponctuelle à ces insurgés qui sont rentrés en Syrie. De toute façon, dans ce qui est de la guerre secrète, il est très difficile de savoir exactement ce qu’il en est.
Pour être clair, on ne parle pas d’invasion d’armées étrangères en Syrie ?
Non, ça c’est totalement hors de propos. On est dans le cadre d’opérations clandestines, etc. Donc, il est vraisemblable qu’il y ait toujours dans ce cadre-là des membres des forces spéciales qui soient sur le terrain. Mais d’ailleurs, elles devaient être sur le terrain avant même la montée en puissance à la mi-août. Donc ça, ce n’est pas forcément un prisme nouveau.
D’un point de vue stratégique, le déploiement de ces groupes insurgés très entraînés dans la région de Deraa, au sud de la capitale, a-t-il pour objectif de regagner le contrôle du transport entre la Syrie et la Jordanie ?
En tout cas, [l'objectif] est certainement de mettre un pied dans un réduit territorial plus sécurisé au sud de la Syrie, à partir de Deraa. Je rappelle que Deraa était quand même l’épicentre initial de la rébellion dans la région du Horan. Et donc [l'objectif est] d’accentuer la pression via ces groupes beaucoup plus entraînés que le reste de l’ASL en montant vers la région de la capitale, notamment dans la ceinture orientale de la Ghouta et au sud, près de l’aéroport.
Peut-on qu’on imaginer que le régime syrien soit au courant de l’arrivée de ces groupes formés en Jordanie sur le sol syrien ?
J’imagine que le régime syrien dispose d’éléments que le grand public n’a pas lui-même à sa disposition. Oui, il est vraisemblable qu’il ait beaucoup d’informations là-dessus, le contraire serait étonnant.
Faut-il y voir une relation avec l’attaque à l’arme chimique qui serait survenue à la Ghouta ?
La question peut être posée dans la mesure où il y a eu une forme d’incompréhension sur l’usage supposé, non encore confirmé mais très probable, de l’arme chimique, notamment par son ampleur nouvelle. Il y a eu des précédents d’usages, mais très limités. Là, manifestement, il y a un usage beaucoup plus important.
C’est d’autant plus paradoxal qu’il y a la présence, à Damas, des inspecteurs, justement censés établir les faits sur les précédents usages de l’arme chimique. Il y a un caractère apparemment irrationnel, incompréhensible.
Je note que le discours du régime est de nier en bloc cet usage de l’arme chimique. C’est d’autant plus facile de son point de vue qu’il peut considérer que la présence même des inspecteurs invalide a priori la possibilité d’un usage en flagrance.
En revanche, ça peut éventuellement être un message destiné aux acteurs derrière le rideau, qui seraient à même de comprendre très précisément jusqu’où le régime est prêt à aller, en cas de menace sur la capitale.
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