29/05/2013
Je suivais, hier soir, avec un ami malien, un reportage sur la chaîne France 24 intitulé « Viols au Congo, victimes et bourreaux ». Il s’agissait de viols commis par des soldats de l’armée régulière congolaise – en déroute devant les rebelles du M23 - sur des femmes et des enfants de Minova, au Sud Kivu.
« Les Blancs ont complètement détruit ce pays juste à cause de sa richesse », avait soupiré mon ami devant les témoignages des femmes en larmes. Je pris quelques secondes avant de répliquer, n’arrivant pas à comprendre le lien qu’il faisait entre le reportage et sa déclaration. Je lui demandai ce que les Blancs cherchaient dans cette histoire de viols.
Je suivais, hier soir, avec un ami malien, un reportage sur la chaîne France 24 intitulé « Viols au Congo, victimes et bourreaux ». Il s’agissait de viols commis par des soldats de l’armée régulière congolaise – en déroute devant les rebelles du M23 - sur des femmes et des enfants de Minova, au Sud Kivu.
« Les Blancs ont complètement détruit ce pays juste à cause de sa richesse », avait soupiré mon ami devant les témoignages des femmes en larmes. Je pris quelques secondes avant de répliquer, n’arrivant pas à comprendre le lien qu’il faisait entre le reportage et sa déclaration. Je lui demandai ce que les Blancs cherchaient dans cette histoire de viols.
«Bah, personne n’est dupe, c’est eux qui se cachent derrière cette guerre, toute cette horreur est le fruit de leurs manœuvres, ce jeu est trop clair. » Je n’avais pas voulu continuer le débat, n’ayant pas assez d’énergie pour m’aventurer dans ce dédale que je connais très bien. Je me suis concentré de nouveau sur le reportage et les témoignages des femmes violées.
Quand la question leur fut posée, certains militaires-violeurs répondirent qu’ils se sentaient libres en violant les femmes et les enfants, qu’ils se sentaient mieux devant leur défaite face aux rebelles. J’ai pouffé de rire devant le cynisme.
Quand la question leur fut posée, certains militaires-violeurs répondirent qu’ils se sentaient libres en violant les femmes et les enfants, qu’ils se sentaient mieux devant leur défaite face aux rebelles. J’ai pouffé de rire devant le cynisme.
« Le viol comme remontant aux militaires, cas des militaires congolais », voilà qui ferait un bon thème de mémoire. J’ai regardé l’ami et lui ai demandé ce qu’il pensait de cette réponse des violeurs.
« Ecoute, ils ont tort de violer, mais t’es-tu demandé s’ils l’auraient fait s’il n’y avait pas cette situation chaotique créée et entretenue par les Occidentaux ?
Ne cherchons pas à régler nos problèmes en voyant les symptômes, cherchons plutôt les virus. » J’ai préféré abandonner le débat.
Je ne me suis jamais trop préoccupé de la place qu’occupe l’Occident dans l’histoire africaine. Je la connais, nous la connaissons tous.
Je ne me suis jamais trop préoccupé de la place qu’occupe l’Occident dans l’histoire africaine. Je la connais, nous la connaissons tous.
L’autre l’a si bien dit, et on peut le paraphraser : « L’Occident n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. » Soit. L’Afrique aussi d’ailleurs. Mais c’est la place que nous-mêmes avons occupée dans notre propre histoire, celle que nous occupons dans notre présent, et qui fera l’histoire de nos enfants, qui m’a toujours préoccupée.
Quel rôle avons-nous joué, jouons-nous, dans la marche de notre continent ?
Quel rôle jouent ces soldats congolais dans l’histoire de leur pays, en violant leurs propres sœurs, mères, filles... ? « Nous nous demandons pourquoi ils font cela, s’ils n’ont pas de femmes comme nous », lançait en sanglots l’une des femmes, violée et sodomisée par plusieurs soldats.
Oui, notre histoire de demain, celle-là qui s’écrit aujourd’hui sous nos yeux, leur demandera aussi pourquoi ils ont fait cela, tout comme nous interrogeons aujourd’hui notre passé, en nous demandant pourquoi certains Africains se sont retrouvés à la place des bourreaux, aux côtés de nos pilleurs.
Oui, notre histoire de demain, celle-là qui s’écrit aujourd’hui sous nos yeux, leur demandera aussi pourquoi ils ont fait cela, tout comme nous interrogeons aujourd’hui notre passé, en nous demandant pourquoi certains Africains se sont retrouvés à la place des bourreaux, aux côtés de nos pilleurs.
Tout comme nous nous demandons aujourd’hui pourquoi certains de nos grands-pères se sont joints à la traite négrière, en ont fait leur commerce, leur occupation principale, attachant et vendant leurs propres frères aux Blancs, nos enfants se demanderont demain pourquoi ces soldats congolais étaient-ils obligés de violer et humilier ainsi leurs propres sœurs ?
Pourquoi les cris et les supplications de ces frêles et pauvres femmes ne leur ont-ils rien fait ?
Pourquoi violer une femme, une sœur, commettre contre elle le crime le plus horrible qu’on puisse commettre contre une femme, juste pour le plaisir ?
Ces femmes violées devant leurs enfants, ces enfants violées devant leurs frères et sœurs, pleurent leur dignité. Elles pleureront toute leur vie, parce que le viol, une femme ne l’oublie jamais.
Ces femmes violées devant leurs enfants, ces enfants violées devant leurs frères et sœurs, pleurent leur dignité. Elles pleureront toute leur vie, parce que le viol, une femme ne l’oublie jamais.
Le viol sera la meilleure part de leur histoire, tout ce qu’elles auront retenu de leur pays, de leur vie. Elles ne garderont à l’esprit qu’une image : des hommes habillés en treillis de l’armée congolaise qui ont débarqué chez elles la nuit, leur ont enfoncé des armes dans la bouche, les ont frappées, les ont violées, et ont tué certaines d’entre elles.
Aucune logique, aucun raisonnement, aucune argumentation ne pourra leur expliquer qu’en fait leurs violeurs n’ont pas tort, que ce ne sont pas eux qui ont provoqué la guerre et l’insécurité dans le pays, que ce sont plutôt les Blancs jaloux des richesses de leur pays qui ont tout provoqué, qu’il s’il y a quelqu’un à accuser dans leur viol ce ne sont pas leurs violeurs mais les Blancs. Elles ne comprendront pas.
Parce qu’elles n’ont pas été violées par des Blancs. Mais des Noirs. Des militaires noirs. Des militaires congolais. Leurs propres frères.
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