jeudi 22 août 2013

RDC : Le tandem Kasa-Vubu et Lumumba, une grande Tour de Babel


le 1 juillet 2013 

5 septembre 1960 : la République démocratique du Congo est devenue un État indépendant depuis 65 jours. Ce jour-là, le Président de la République, Joseph Kasa-Vubu annonce à la radio la révocation du Premier Ministre Lumumba et de quelques ministres de son gouvernement. 


Kasa-Vubu reproche à Lumumba d’avoir trahi le peuple congolais. Dans la foulée, la réaction ne s’est fait pas attendre. Ayant appris la nouvelle, Lumumba s’est rendu promptement au Parlement où ses sympathisants l’attendaient de pied ferme. 

D’entrée de jeu, Lumumba s’adresse au Parlement et déclare : « Le gouvernement reste au pouvoir et continue sa mission. Personne pas même le Président de la République n’a le droit de révoquer un gouvernement élu par le peuple, sauf le peuple ». 

De vifs applaudissements se dégagèrent de la foule. A l’attention des médias, Patrice Lumumba affirme : « La Radio vient de publier une déclaration de Kasa-Vubu aux termes de laquelle le Gouvernement est révoqué. 

Au nom du Gouvernement, au nom de la nation toute entière, je démens cette information ». 

A la fin de son allocution, Patrice Lumumba destitua à son tour le Président Kasa-Vubu avec l’approbation du Parlement. La confusion.

 


Aujourd’hui 53 ans après, l’histoire politique congolaise n’a toujours pas effacé cette mésaventure de ses annales. En effet, la crise du 5 septembre 1960 pose, jusqu’à ce jour, de nombreux questionnements sur la notion de légitimité dans l’État congolais. 

Ceux qui dirigent sont-ils réellement investis par le pouvoir du peuple? 

Et dans tout cela, quelle est la part du peuple? 

Tout récemment, on a vu lors de la proclamation des résultats des élections présidentielles de 2011, l’opposant historique, Étienne Tshisekedi Wa Mulumba s’autoproclamer Président de la République en contestant les scores publiés par la Commission nationale électorale en faveur du candidat Joseph Kabila, l’actuel Chef de l’État. 

A cet effet, Tshisekedi avait même ordonné l’arrestation de Kabila. « Je vous demande de chercher ce monsieur partout où il est dans le territoire national de me l’amener ici vivant. 

Celui qui m’amènera Kabila ici ligoté, aura une récompense », dixit Tshisekedi. Peut-on dire qu’il s’agissait d’une tentative de coup d’État? Ou d’une simple plaisanterie de mauvais goût…

Sans doute au Congo, on aura tout vu. Il sied, par ailleurs, de rappeler les circonstances qui ont été à la base de la crise politique du septembre 1960. Comment en est-on arrivé là? Quels diables moches envoûtaient-ils les dirigeants congolais de l’époque?

La pomme de discorde

Enfin, la cérémonie qui consacra l’indépendance du Congo s’est déroulée le 30 juin 1960 . Le gouvernement congolais issu de l’union nationale est au pouvoir. 


A Léopoldville et dans tout le Congo, la mémoire des gens est encore fraîche. Personne ne semble oublier le discours du Premier ministre , Patrice Lumumba, dans lequel beaucoup d’observateurs avertis pensent que le monarque belge avait symboliquement reçu une belle gifle. 

Comme on pouvait bien le remarquer, dans le message de Lumumba, il y avait du répondant si on pouvait l’égaliser avec celui du souverain belge. Toutefois, était-il nécessaire de tenir un discours aussi musclé dans ce cadre? Non. 

Personne n’oublie également le discours consensuel du Président de la république du Congo, Joseph Kasa-Vubu. Aucun commentaire non plus sur le discours du Roi Baudouin car, cette allocution ne faisait que glorifier et magnifier le rôle de la Belgique au Congo depuis belle lurette.

Au lendemain de la fête, les vieux problèmes ont refait surface. 


D’abord, les désordres orchestrés par les militaires congolais qui réclamaient les grades supérieurs après l’indépendance. N’étant pas d’accord avec ces militaires « capricieux », le Général belge de la Force publique, Emile Jansenss, déclara lors d’une parade militaire: 

« Dans l’armée, avant l’indépendance égale à après l’Indépendance ». 

C’est la colère au rang des forces noires congolaises. Dès lors, elles aussi, réclament leur indépendance. Le pays vibre au rythme d’un grand imbroglio. « On casse, on pille, on tue et on viole… ». Même les étrangers sont menacés. 

Les Belges aussi. L’armée belge intervient finalement. Lumumba accuse l’ancienne colonie de formater les troubles.

Le 11 juillet 1960, la province du Katanga proclame son indépendance. Le leader sécessionniste katangais Moïse Tschombé pouvait bien compter sur l’appui des puissances occidentales. Moins de deux semaines après que le pays ait accédé à l’Indépendance, le gouvernement de Léopoldville se voit dépasser par les événements. 


Pendant que le président Kasa-Vubu et son Premier Ministre cherchaient à résoudre le problème, un autre s’y rajoute ; le 9 août 1960, Albert Kalonji proclame à son tour l’Indépendance du Sud-Kasaï. 

Le gouvernement se doit d’agir mais Kasa-Vubu privilégie le dialogue avec les sécessionnistes, Lumumba a une opinion très contraire au Chef de l’Etat. Il charge son ami Mobutu à qui il confie les commandes de l’armée de mener l’opération de la reconquête du Sud -Kasaï en vue de restaurer l’autorité et l’intégrité territoriale de l’Etat…

C’est un fiasco pour Léopoldville. Pas des résultats concrets. La sécession a bien résisté. Mais il y a des pertes en vies humaines chez les civils kasaïens. 

La communauté internationale qui était restée silencieuse en dépit de l’avancée des sécessionnistes, hausse le ton et condamne les actions du gouvernement. 

L’ONU intervient. « Démonstration est faite que les noirs sont incapables de gouverner. 

Les Casques bleus arrivent, Lumumba est cette fois pieds et poings, liés, soumis à l’ogre américain », commente Lilian Thuram dans son livre « Mes étoiles noires ».

Le 5 septembre 1960, le président Kasa-Vubu met en pratique les conseils de ses amis occidentaux en révoquant Lumumba et le remplace par Joseph Iléo. Lumumba et le Parlement destituent à leur tour Kasa-Vubu. Curieusement, la deuxième décision semble avoir été respectée durant 48 heures.

Le 7 septembre 1960, le Parlement annule toutes les deux décisions de révocation. 


Une semaine encore de vide juridique et de confusion. C’est le 15 septembre 1960 que Joseph Mobutu, soutenu par la Belgique, la France et les Etats-Unis, réussit à abattre ses premières cartes publiquement. 

Il joue et gagne en destituant les deux politiciens et les assigne en résidence. 

Plus tard, Mobutu devenu Sese Seko déclaralors d’une interview accordée aux médias belges : « Le pouvoir était dans la rue. Le pouvoir était inexistant. Il fallait donc ramener de l’ordre ».

Entre-temps, Mobutu fait le jeu des Occidentaux. Il relaxe Kasa-Vubu et assigne toujours Lumumba à la maison. L’ex-premier ministre prend son mal en patience et tente de s’évader pour rejoindre ses militants à Stanleyville. 


Sa cavale échoue. Il est arrêté en compagnie de ses complices Maurice Mpolo (ex-ministre des Sports, de fois concurrent de Mobutu) et Joseph Okito (ancien Président du Sénat, celui qui pourrait remplacer Kasa-Vubu, selon la Constitution). 

Les trois camarades furent victimes de cruels sévices. Le 17 janvier 1961, ils sont sauvagement assassinés à Elisabethville au Katanga sous la bénédiction des puissances occidentales.
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Mathy Mati
Jambonews.net

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