mardi 17 septembre 2013

Rwanda: les deux vainqueurs des législatives

17 septembre 2013 

Pour la troisième fois depuis le génocide de 1994, six millions d’électeurs rwandais ont été appelés aux urnes le 16 septembre, afin de départager les 410 candidats qui se présentent aux élections législatives.


 

La campagne et le déroulement du scrutin ont été à l’image du pays : marqués par la discipline, la forte participation et l’absence de surprise, mise à part l’explosion de deux grenades à Kigali, vendredi et samedi. 

A vrai dire, chacun sait que les jeux sont faits : le scrutin aura deux vainqueurs prévisibles, le Front patriotique rwandais et les femmes. 

Déjà durant la campagne la disproportion des moyens était éclatante : dans tous les districts du pays, à grand renfort de drapeaux bleu blanc et rouge et de mobilisation populaire, le FPR était omniprésent, sa machine bien huilée dominant de loin les formations rivales, le Parti libéral (PL) le parti social démocrate (PSD) et le PS-Imberakuri. 

Cette dernière formation est profondément divisée car son fondateur Bernard Ntaganda purge depuis 2011 une peine de quatre ans de prison pour menace à l’ordre public, manifestations sans autorisation et surtout divisionnisme, une accusation grave qui signifie appel à la haine ethnique et qui est fréquemment formulée à l’encontre de ceux qui osent critiquer le régime. 

Quant à la nouvelle présidente du parti, Christine Mukabunani, elle n’est pas considérée comme un danger par les autorités.

La campagne n’a pas donné lieu à polémiques, aucun débat contradictoire n’ayant été autorisé dans les débats publics. 


En outre, deux formations qui auraient pu porter la contradiction au tout puissant FPR n’ont pas été autorisés : le parti démocratique vert du Rwanda, fondé par des dissidents du FPR et qui prône la démocratisation, n’a été reconnu officiellement que le 9 août dernier, soit trois jours (dont un jour ouvrable…) avant la date limite pour le dépôt des candidatures et son président, Frank Habineza a renoncé à relever le défi. 

Il manquait de temps pour se procurer en une journée les quatre documents requis mais peut-être a-t-il été aussi été inspiré par la prudence : en 2010, à quelques jours de l’élection présidentielle, le vice-président du parti, André Kwasa Rwigereka, avait été retrouvé décapité. 

Quant au parti FDU-Ikingi, il n’a pas été reconnu officiellement et sa présidente Victoire Ingabire, qui avait été arrêtée en 2010, peu de temps après son retour d’exil, attend le verdict de la Cour d’appel. 

Cette femme, dont le courage est indéniable, mérite-t-elle pour autant d’être surnommée l’ « Aug San Suu Kyi » du Rwanda ? 

Sans doute pas : il a été démontré qu’alors qu’elle séjournait aux Pays Bas, elle avait maintenu des contacts étroits avec les « génocidaires » se trouvant dans les camps de réfugiés rwandais au Kivu, des groupes animés par la haine ethnique et dont sont issus aujourd’hui les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). 

Par ailleurs, le parti PDP Imanzi n’a pas réussi à se faire enregistrer et son président, le journaliste Deo Mushaydi, est en prison.

Si la très prévisible victoire du FPR sera due à un contrôle étroit de la vie politique, à un multipartisme de façade qui n’autorise guère les critiques de fond, ce succès s’expliquera aussi par les réalisations concrètes du régime : la baisse sinon l’éradication de la corruption, et surtout les réels progrès en matière de santé, d’éducation, sans oublier la modernisation des villes et le développement des infrastructures. 


L’interdiction des vengeances personnelles et l’instauration d’un réel climat de sécurité, (dès 17 heures, militaires et policiers en armes se répandent dans les rues…)ont été grandement appréciés par les citoyens de base, l’accent mis sur le progrès économique et les « buts du millénaire »

En outre, les femmes sont les grandes bénéficiaires du régime : la nouvelle loi sur la propriété garantit leurs droits et, sur le plan politique, 24 sièges leur étant automatiquement garantis, elles pourraient représenter 60% des élus dans le nouveau Parlement.

Malgré le bon déroulement du scrutin et son issue prévisible, malgré la stabilité des institutions et le calme qui prévaut dans le pays, l’inquiétude des Rwandais, même si elle s’exprime peu en public, demeure perceptible et elle est nourrie par la situation au Kivu. 


En effet, la guerre qui a mis aux prises l’armée congolaise et les rebelles du M23, censés être soutenus par le Rwanda, a engendré des pressions internationales sur Kigali assorties de sanctions économiques et elle a généré des tensions avec de grands voisins comme la Tanzanie qui a brutalement expulsé des milliers de ressortissants rwandais. 

Le carnet de Colette Braeckman

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