Les Forces armées de la RDC ont poursuivi leur avancée dans l’est du pays, et ont repris aux rebelles du M23 la localité de Bunagana, à la frontière avec l’Ouganda, à 70 km de Goma au Nord-Kivu ; mettant ainsi terme à une rébellion vielle de 20 mois. Le tout, dans une ambiance du déjà-vu.
L’armée congolaise a lancé mercredi une importante offensive sur les dernières positions encore tenues par le M23, Bunagana, Mbuzi et Runyoni, près de la frontière entre la RDC et l’Ouganda, avec comme objectif d’anéantir la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda.
Un habitant de Bunagana a indiqué mercredi après-midi à la BBC que certains combattants du M23 avaient fui vers l’Ouganda.
Les Forces armées de la RDC ont infligés plusieurs revers aux rebelles du M23 depuis samedi, reprenant le contrôle de six localités, dont Rutshuru et Rumangabo, appuyés par les forces de l’ONU.
Un nombre important de chars de combats s’était amassé mardi soir à Rutshuru.
Plusieurs dizaines de membres du M23 se sont rendus à la MONUSCO, a annoncé la force de l’ONU.
Sur le plan diplomatique, la rébellion a affirmé par la voix d’un de ses représentants à Kampala qu’elle espérait obtenir un accord de paix avec le gouvernement de Kinshasa dans les quarante-huit heures.
Bisimwa fuit en Ouganda
Bertrand Bisimwa, le président politique du groupe rebelle M23, a fui en direction de l’Ouganda. Il est actuellement interrogé par les forces de sécurité ougandaises.
Le leader rebelle a traversé la frontière vers l’Ouganda dans un convoi de deux véhicules, alors que l’armée congolaise, appuyée par les forces de l’ONU, s’était approchée à 5km de son fief.
La victoire congolaise est donc totale, d’autant plus que les quartiers généraux, tant celui de la Monusco que celui du gouvernement exultent. Les populations congolaises, sans doute traumatisées par ces guerres à répétitions, poussent un ouf de soulagement, il est temps de rentrer à la paix, la paix est de retour… même si les zones d’ombres subsistent.
Cette victoire est-elle réelle ? Est-elle congolaise ? Est-elle réellement congolaise ? Rien n’est moins sûr !
Pour des congolais qui n’oublient guère l’épisode Laurent Nkunda en 2009, il s’agirait, une nouvelle fois, d’une pièce théâtrale.
Bis is repetita placent
En effet, c’est au crépuscule de la journée du 23 janvier 2009 que Laurent Nkunda, à la tête du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), une rébellion qui déstabilisait depuis 2004 le gouvernement, aura été victime d’une alliance Congo – Rwanda.
Celle-ci conduira au démantèlement de son mouvement et à son exil forcé ou doré à Kigali. La fameuse alliance permettra à l’armée rwandaise d’entrée (officiellement) en territoire congolais pour traquer les rebelles du FDLR… du moins en apparence.
La suite de la partition n’est que répétitive, puis que connue de tous ; puis qu’à l’origine même du M23 dont il est question ici. On ne change pas une formule qui fonctionne, Kinshasa et Kigali auraient-ils à nouveau pactisé ; ce qui expliquerait donc une telle issue.
Une chose est sûre, les combats entre le M23 et l’armée avaient repris vendredi, après environ deux mois de trêve, et quatre jours après la suspension des pourparlers de paix entre les deux camps qui se déroulent à Kampala, et deux jours seulement après le discours du Président Joseph Kabila qui affirmait haut et fort : « Ils [les belles du M23] doivent déposer les armes et se rendre ou ils y seront contraints par la force », saluant la “montée en puissance des Forces armées de la RDC”
Vu sous cet angle, Joseph Kabila qui a convoqué un « forum » sur la « cohésion nationale » n’aurait pas eu si beau cadeau que la chute de Bunagana en ce jour. Et que dire du flou qu’il y a autour de 2016… quoi de mieux qu’une victoire militaire sur des ennemis aussi détestés ?
Toutefois, il conviendra de noter que cette fois-ci, la donne a énormément changer. Les alliances militaires entre la RDC, la Tanzanie et l’Afrique du Sud sous l’égide de l’ONU ont largement influencé.
Illusion de paix
« D’une part, l’armée congolaise a bénéficié de renforts en moyens et en hommes envoyés par Kinshasa. Ensuite, la contribution de la brigade d’intervention rapide de la Monusco, en soutien de l’armée congolaise, n’est pas négligeable. Le troisième facteur, c’est peut-être, je dis bien peut-être, une diminution de l’appui du Rwanda », affirme Thierry Vircoulon d’International Crisis Group sur France24.
Aussi réservé, sans doute à cause de l’expérience du passé, il ajoute :« Tous les regards sont maintenant tournés vers Kigali. Soit Kigali lâche militairement le M23, alors le recul des rebelles sera net. Soit on revient au scénario de la fin du mois d’août, lorsque le Rwanda a apporté son soutien au M23 tout en se plaignant de la chute d’obus sur son sol ».
Du côté de l’ONU, on n’hésite pas à jubiler. Les rebelles du M23 sont « quasiment » finis en tant que force militaire, a estimé lundi un responsable de l’ONU, selon des propos rapportés par des diplomates.
« Presque toutes les positions du M23 ont été abandonnées hier », a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU par vidéo-conférence le chef de la mission des Nations unies au Congo (Monusco), Martin Kobler: « Cela marque quasiment la fin militaire du M23″.
La guerre sans fin au Kivu vient d’entamer une nouvelle étape dans son cycle. Celle-ci, comme tant d’autres, amène son illusion de paix. Mais, comme souvent, ceux qui ont causé du tort ne sont plus là. Les Makenga et consorts sont déjà à l’abri, dans l’attente d’un nouveau rôle, d’une nouvelle mission.
A Kampala, la délégation désormais sans base arrière du M23 tentera d’obtenir une sortie honorable, qui ne pourra leur être refusé par le pouvoir de Kinshasa.
La population à son tour, ne saura jamais pourquoi et comment ça s’est arrêté. Ni quand ça va recommencer d’ailleurs ; sans doute trop occupée à survivre.
L’avenir se chargera du reste.
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Benjamin Litsani Choukran,
Rédacteur en Chef
avec AFP et Agences.
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