mercredi 13 novembre 2013

Au "bon" temps des Colonies


Du rêve...



...à la réalité

Saison 2 


Fin XIXème - 1930

Les Pygmées, vus de chez nous : au Zoo


Au zoo, dès 1906

Encore une fois, leur petite taille va leur jouer un sale tour !


Ils font très vite l’objet de toutes les attentions de la part des savants et des organisateurs de spectacles. Dans la foulée des Linné, Gobineau, Darwin, des nouvelles classifications raciales et des théories évolutionnistes ambiantes, les Pygmées, c’est sûr, sont mûrs pour le zoo.
Cela ne manque pas de leur arriver, dès 1906, juste après une brève, unique et décevante apparition aux….Jeux Olympiques de Saint Louis. 


Les premiers Pygmées en Europe

C'est en 1873 que deux Pygmées bel et bien vivants foulent enfin l’auguste terre européenne pour arriver en Italie.

Leur odyssée est étonnante.

Tout commence avec l’opportuniste explorateur italien Miani qui exploite aussitôt le filon ouvert par Schweinfurth (voir : Les Pygmées, vus de chez eux).
Il repart sur ses traces, retourne chez le sympathique Roi Mounza et revient, cette fois-ci, non pas avec un, mais avec deux gamins Pygmées, Tebo et Chairellah.
On n’est jamais trop prudent…

Justement, cette fois-ci, c’est Miani qui meurt en cours de route et confie ses prises à son compère nubien.



Tebo & Chairellah

Week-end à Rome

Ces deux Pygmées vont fréquenter la Haute.
Ramenés à Khartoum puis au Caire en juin 1873, ils sont confiés aux bons soins du Vice-Roi d'Egypte. Examinés sous toutes les coutures par une escouade de savantsdépêchés sur place (Colucci-Pacha, Burgières-Bay,...) , ils sont enfin expédiés en Italie. Débarqués à Naple, ils sont aussitôt photographiés sous toutes les coutures par un autre éminent savant, Panceri, qui envoie les clichés à tous ses confrères européens.

Ils sont alors présentés au Roi d'Italie, Victor-Emmanuel II, et à la Reine. La Société de Géographie, qui les a officiellement adoptés, les confie alors à l’un de ses membres, le comte Miniscalchi-Erizzo, humaniste éclairé, qui les accueille en son palais de Vérone avec pour mission « d’étudier leur langue et soigner en même temps leur première éducation ».

Le bon Comte s’acquitte parfaitement de sa tâche, les deux Pygmées aussi.

En deux ans, ils ont appris à lire et à écrire avec leurs camarades de classe âgés de 10 à 12 ans, et ont aussi été baptisés.


lettre de Chairellah



Lettre de Tebo au Comte

La communication faite par le Comte en 1875 au Congrès International des Sciences géographiques sur ces deux premiers Pygmées ramenés en Europe précise :

« Ils sont timides, intelligents, sobres, très honnêtes, passionnés pour la musique, la pêche, la chasse et les jeux enfantins ; ils ont un grand désir d’apprendre, et (surtout l’aîné) manifestent un goût très prononcé pour l’étude ».

Sa conclusion est formelle :
« Les Akkas ne sont pas des nains et ils sont encore moins le chaînon intermédiaire entre l’homme et le singe. »


Bientôt, d’autres Pygmées suivirent Tebo et Chairellah en Europe, beaucoup d’autres….
Tous n’eurent pas leur chance de tomber sur un bon comte



"Les Négrilles" par Hamy
Pour eux, un mot nouveau est inventé

Mesurés, pesés, examinés, les Pygmées furent alors le sujet de plusieurs ouvrages (1) tentant de déterminer s’ils avaient un rapport avec ceux de l’Antiquité, puisque les seules connaissances dont on disposait dataient de cette époque !!!

Un nouveau mot, « négrille », est inventé en 1872 par Ernest-Théodore Hamy pour qualifier cette race dont il précise qu’ « il ne s’agit pas de noirs en miniature ».

La description très précise qu’il fait en 1879 des négrilles - jusqu'au nombre de leurs glandes sudoripares - est un condensé des études physiologico-somatologiques en cours et vaut le détour.
(La suite du texte de Hamy)


Les Pygmées des Folies Bergères, 1886.

De véritables bêtes de foires,
De vrais bêtes de scènes
Dix ans après leur découverte, au zoo...

Très vite, les Pygmées passent du cabinet scientifique au jardin zoologique et à la scène de music-hall.

Ils deviennent, avec leurs collègues Fang, Ashantis, Aettas…. les bouffons favoris des patrons de ménageries et autres organisateurs de zoos humains, comme Barnum le précurseur américain des spectacles de monstres (hommes-tronc, femmes à barbe,…).



Des Pygmées sont ainsi exhibés en 1886 aux Folies-Bergères par l’organisateur de spectacle Farinelli.


Mais c'est surtout à Londres et aux Jeux olympiques de Saint-Louis qu'ils feront un tabac (voir plus bas).



Famille de Pygmées et homme blanc (1)



La Nature, 1904

Des revues spécialisées sont créées, comme le Congo Illustré ou Le Mouvement géographique, qui relatent les expéditions exotiques et tiennent informés des nouveaux arrivages de sauvages du monde entier et des spécimens rares.

Comme les photos de Pygmées sont encore bien rares à l'époque, les revues spécialisées ont recours à la gravure pour illustrer leurs articles, comme la gravure des ateliers Etching pour la revue La Nature. 


(1) : Pygmées au Royal Aquarium, à Londres en 1884. (Pitt Rivers Museum, University of Oxford). C'est aussi l'affiche de l'exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage », Musée du quai Branly, Paris, du 29 novembre 2011 jusqu’au 3 juin 2012, Tél. : (33) 01 56 61 70 00. Mardi, mercredi et dimanche : de 11 h à 19 h / Jeudi, vendredi et samedi : de 11 h à 21 h .



Mon Pygmée d'Amérique

 

SAINT-LOUIS, 1904.
 

Aux Amériques, c’est évidemment en bien plus grand qu’on voit les choses.

J.O. de SAINT- LOUIS

Les Américains aussi, comme les Européens veulent voir des Pygmées, il n'y a pas de raison !
Justement, une gigantesque exposition universelle est prévue à Saint-Louis en 1903.

Elle est reculée d’une année pour la faire coïncider avec les fêtes du Centenaire de l’acquisition de la Louisiane par les Etats-Unis en 1804.


La rue principale

Pour que la fête soit plus énorme encore, les Américains lui adjoignent les Jeux Olympiques qui devaient initialement se dérouler à Chicago

Tout doit se passer de mai à novembre 1904.

En définitive, la foire va rameuter près de 20 millions de personnes en 7 mois !!!

L’exposition universelle de Saint-Louis avait pour objectif déclaré de dépasser toutes celles tenues jusque là en Europe et de célébrer les progrès, les inventions et les grandes découvertes de l’Humanité, tant sur le plan scientifique, technique que naturaliste (plantes, animaux, races humaines,…).

Les représentants des peuples « primitifs » attrapés aux quatre coins du monde étaient exhibés dans les classiques zoos humains de l’exposition et dormaient dans des baraquements minables.

Ainsi, les taudis que vous voyez ci-dessous dans lesquels logeaient les Pygmées étaient au fond de l'allée centrale.


Les Pygmées à St Louis



Pygmées à St Louis






Concernant les Pygmées, le comité d’organisation des J.O.embaucha dès 1903 un certain Samuel Phillips Verner, sorte d’ex-faux missionnaire et vrai aventurier, pour vite aller en « acquérir » en Afrique.

Le nouveau « special agent » employé par la St. Louis Exposition Company se vit alors remettre une liste détaillée des desiderata des J.O., soit :
Dix Pygmées (1 vieux, 2 femmes, 4 adultes, 2 enfants et 1 sorcier, de préférence âgé), des objets de culte, et éventuellement quelques autres indigènes « intéressants ».

Verner échoua à moitié dans sa mission puisqu’il ne ramena que 5 Pygmées, tous des hommes, ainsi que 5 autres autochtones.
.




Parmi les Pygmées, un certain Ota Benga troqué par Verner sur un marché d’esclaves du Kasaï contre du sel et des tissus, dont la destinée – voir plus bas – fut particulièrement singulière et dramatique. 



Un des 5 Pygmées

Les Pygmées eurent d’emblée beaucoup de succès auprès du public.

D’abord, ils arrivaient avec beaucoup de retard (à la fin juin, pour une expo commencée le 30 avril) à cause des difficultés rencontrées par Verner à en dénicher et à en convaincre de venir aux Amériques.

Ensuite, tout bêtement, parce que les Américains n’en avaient jamais vu.

Les Journées de l'anthropologie

Cerise sur le gâteau, le Commissaire général aux Jeux ainsi qu’un célèbre anthropologue de l’époque décidèrent, pour divertir le bon peuple, d’organiser des Jeux Olympiques d’ indigènes à destination des« représentants des tribus sauvages et non civilisées » poétiquement appelées « Journées de l’Anthropologie ». Pour les grands esprits de l’époque, il s'agissait seulement de " les défier aux épreuves habituelles des civilisés", dixit Pierre de Coubertin qui ne fut d’ailleurs pas présent à ces « jeux » 


Au cours de ces fameuses Journées de l’Anthropologie, des compétitions sportives entre indigènes de tous poils étaient au programme. (course, saut en hauteur, tir à l'arc javelot,…). 



Les Pygmées à l'arc



tir à l'arc



Tir au javelot. 


Y participèrent - pêle-mêle - des géants Patagoniens, des minuscules Pygmées, des

Esquimaux, des Apaches (dont ce pauvre Géronimo ! ), des Sioux, des Cocoppas du Mexique, des Négritos des Philippines, des Ainous du Japon, des Zoulous et autres Baloubas d’Afrique. 

Il y avait également deux Syriens de Beyrouth et un Turc (de Turquie)…

 


Question performances sportives, en définitive, ces athlètes improvisés se révélèrent lamentables aux courses des 440 yards et des 100 yards (1 yard=0,91m) mais semblèrent tous apprécier le ….base-ball (sic) !

Les organisateurs conclurent que « dans toute l’histoire du sport mondial, on n’a jamais

enregistré d’aussi médiocres performances ».

 


Pygmée-Patagonien

Concernant les Pygmées, ils furent jugés inaptes à tout exercice physique sauf pour le lancer de boue !!!

L'essentiel, c'est qu'on s'amusait bien.

Pour clore le chapitre, ce commentaire du Hongrois Franz Kemeny (membre du CIO depuis 1894), un proche de Coubertin, qui fut témoin de ces Journées anthropologiques :

« Ces hommes [...] n'avaient jamais entendu parler d'un poids ou d'une lance, d'une haie qu'on franchit [...] . Leurs gesticulations grotesques provoquaient des rires révoltants [...] la piste les happait comme un long fil d'araignée et les balayait comme des mouches. C'était affreux. Le lendemain, on les laissa se livrer à leurs activités folkloriques. Le public s'en désintéressa : ce n'était que beau, ce n'était plus drôle... »



Danse des Pygmées

Fait notable à la décharge dudit Verner, personnalité complexe, les cinq Pygmées qui y avaient participé retournèrent tous sains et saufs en Afrique.
Un seul désira revenir à nouveau en Amérique, Ota Benga. Mal lui en pris…

A cette époque, déjà, le débat entre évolutionniste darwiniens de tous poils à la recherche du "chaînon manquant" et illuminés mystiques bat son plein.

Ota Benga va vite se retrouver pris dans la nasse.

Pour la fine bouche, et pour la fin, voici 2 terribles épreuves auxquelles nos aimables concurrents étaient conviés : le tirage de corde et le saut de tunnel !



tirage de corde



Saut de tunnel

$ $ $

NEW YORK

L' "Ancêtre de l'Evolution" arrive au Zoo du Bronx...

Le destin tragique du premier Pygmée américain

Au Congo, Ota Benga avait été marié deux fois. Sa première femme avait été enlevée par une ethnie voisine, et sans doute mangée ; la seconde était morte mordue par un serpent...
Il avait eu un enfant. 


Il fut ramené du Congo Belge avec huit autres Pygmées en 1904 par un missionnaire aventurier Samuel Verner en vue de la Foire Internationale de Saint Louis et de ses « Journées de l’Anthropologie » où il fut présenté comme « le lien transitionnel le plus proche de l’homme ».


Un "ancêtre de l'évolution"

Ota Benga fut ensuite hébergé dans des locaux du Zoo du Bronx, à New York dès 1906, mais pas encore exhibé.
Pour cela,il fallait d’abord l’apprivoiser.

Sournoisement, le directeur du Zoo, un excentrique notoire lié à des scientifiques racistes, lui proposa d’abord de nourrir les animaux, puis l’encouragea progressivement à s’occuper plus particulièrement des primates.

Pour parfaire le tableau, il lui proposa de s’installer et de tendre son hamac dans la cage aux singes, et l’autorisa à jouer avec son arc et ses flèches. 


Le premier jour de l’exposition arriva enfin le 8 septembre 1906. Les visiteurs affluaient pour découvrir celui qui était présenté comme « un ancêtre de l’évolution », dans sa cage, avec sa guenon préférée. 


L’exposition connut un immense succès populaire ; certains dimanches ensoleillés, jusqu’à 40 000 visiteurs se pressaient contre les barreaux de sa cage, en lui lançant blagues, quolibets et insultes. Pire que dans un stade de foot !!!

Très vite, Ota Benga ne supporta plus tout cela et montra des signes d’agressivité. En plus, les associations de Noirs américains protestaient, soutenues par les anti-évolutionnistes. A son grand regret, le directeur du zoo dut se séparer de lui. 


Mais pas question de le faire retourner en Afrique. D’abord placé dans un orphelinat, son éducation se poursuivit dès 1910 en Virginie. 


Habillé à l’américaine, les dents pointues cachées par des couronnes, il travailla un temps dans une usine de tabac. 


Bingo pour Benga Sans doute lassé d’être à jamais un objet de curiosité, le 20 mars 1916, Ota Benga chasse les enfants qui avaient pris l’habitude de jouer avec lui, enlève tous ses vêtements pour ne garder qu’un pagne, arrache ses couronnes dentaires et allume un grand feu cérémoniel.


Après une dernière petite danse rituelle, il prend un pistolet et se tire une balle dans le cœur.
Il avait une trentaine d'années.



Sur son certificat de mort, son nom est ainsi écrit : "Otto BINGO".

Sa tombe à Lynchburg (Virginie), après avoir été déplacée, a aujourd’hui disparu…

Son nom, Ota Benga, en langue Aka, veut pourtant dire
« Bienvenue, Ami »….......
---------------------------------------------------
A lire : “Ota Benga” de Phillip Verner Bradford [le petit-fils du brave missionnaire Verner, ndlr] et Blume Harvey, Ed. Belfond
A consulter : www.otabenga.com

Ainsi, c'est tout naturellement que sous l’appellation « Les ancêtres de l’Evolution », le gorille Dinah, l’orang-outang Dohung et le Pygmée Ota Benga sont exposés au zoo du Bronx de New-York en 1906.


Ota Benga en 1904


NEW YORK TIMES, 9 septembre 1906

Allongé dans un hamac dans la cage aux singes,en compagnie d'un cacatoès, il attire 40 000 visiteurs en un seul dimanche !!!


 

Ota Benga au zoo du Bronx, 1906Pour faciliter le mutuel apprivoisement entre Ota Benga et les singes, le Directeur du zoo avait ordonné de laisser la porte de communication de leurs cages ouverte. Pas de crainte, l'orang-outang Dohung était censé être pacifique puisqu'il avait appris à manger avec cuillère, fourchette et couteau !!!


Ota Benga, zoo du Bronx, 1906

Pour parfaire le décors, Ota benga avait parfois un costume en lin blanc, mais pas de chaussures...

Très vite, des prostestations s'élevèrent devant un tel spectacle. Le, premier fut un pasteur calviniste, le Révérend R.S. Mac Arthur, qui condamne le directeur du zoo : "Le responsable de cette exhibition se dégrade lui-même autant qu'il le fait pour l'Africain. Au lieu d'en faire un animal, nous devrions le mettre à l'école pour le développement des potentialités que Dieu lui a données".





Buste d'Ota Benga

Les Baptistes noirs en rajoutèrent par la voix de leur Président, James H. Gordon : " Nous pensons que notre race est déjà assez méprisée sans qu'il soit nécessaire d'exhiber l'un des nôtres avec des singes. Nous pensons que nous méritons d'être considérés comme des êtres humains, avec une âme".

Signe du mépris qui lui fut porté en son temps, un moulage en plâtre de la tête d' Ota Benga, conservé aujourd'hui au Museum of Natural History de New York, ne porte gravée que la mention "PYGMY".

Le Pygmée africain, "OTA BENGA".
Age, 23 ans. Taille,1,52 m. Poids, 46,7 kg.
Rapporté de la rivière Kasai, Etat indépendant du Congo, Afrique Centrale, par le Dr Samuel P. Verner.

Présenté tous les après-midi
du mois de septembre.

Sur la pancarte placée devant sa cage...

Bref, son destin fut tragique (voir encadré).


^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
LONDRES

Six Pygmées Batwa arrivent à en Grande-Bretagne le 31 mai 1905 après un long périple qui les a conduit – à dos d’âne - de leur forêt jusqu’à Karthoum (Soudan) puis l’Egypte.
Ces trois hommes, deux femmes et un enfant ont été amenés par un aventurier, amateur de chasse au gros, James Jonathan Harrison.


Les Six Pygmées (Bokani le "chef", au centre) avec James Jonathan Harrison, 1905. Il vont y rester près de 3 ans(!), avec un petit intermède de 6 mois en Allemagne, pays natal de leur traducteur William Hoffman. 



Studio Downey



Studio Downey, The Tatler


D’emblée, le public est emballé.
Le Tout-Londres ne parle que de ça !

Les magazines populaires ne parlent que de « ape-like people, human monkey,…» (gens ressemblant à des singes, singe humain), des studios photos aussi célèbre qu’Harcourt chez nous se les arrachent.

Enfin, des magazines aussi selects que The Tatler titrent : "The much-discussed Pigmies from Congo"... et montre "ces petites personnes dans leurs habits du dimanche ! ".

Cinq jours après leurs premiers pas sur le sol anglais – on ne perd pas de temps - les six Pygmées sont dès le 5 juin 1905 sur la scène de l’Hippodrome de Londres, haut lieu festif de l’époque. Ils sont montrés dans un grand bassin où pataugeaient encore la semaine précédente 17 ours polaires avec quelques esquimaux !



Au Parlement de Westminster

On avait équipé trois des hommes avec des sagaies miniatures, le quatrième avait un tam-tam, et les 2 femmes restaient assises près de leurs hommes. Ce fut un succès énorme.

Fin juin, c’est au Parlement de Westminster qu’on retrouve nos Pygmées armés jusqu’aux dents devant de grandes huiles ébahies.
On y retrouve les membres du Parlement, de gauche à droite :

Sir John Batty Tuke ; Lord Nurburnholme ; Mr Price; explorer, Mr J Harrison [leur découvreur, derrière Mongonga, ndlr] ; Sir Charles Cayzer ; Mr King; Lady Hutchinson ; Sir Walter Foster ; Sir R Ropner ; Mr N Hoffman, interpreter ; Sir Lees Knowles ; Sir Charles Hutchinson. (Photo by Benjamin Stone/Hulton Archive/Getty Images). 



Studio Gale & Polden

C’est encore armés comme des porte-avions que les Pygmées se rendent carrément vers le 21 juin à Buckingham Palace pour la célébration de l’anniversaire de la Princesse Victoria. Le Beverly Guardian titre « Des petits hommes marrons à Buckingham”.

Il y a 150 invités, un bébé éléphant prête par le Royal Italian Circus, et les Pygmées font (encore) un show dansant.
Pour amuser la galerie, Mongonga tente de tuer un moineau avec sa sagaie !

Ce fut un succès étourdissant.

Une semaine plus tard, le 25 juin, nous les retrouvons dans un studio de musique pour le premier enregistrement commercial, en Grande-Bretagne, de musique africaine.

Sortis début 1906, les disques restent évidemment une rareté. Un enregistrement est en swahili ; sur un autre, les femmes parlent ; sur les deux, Matuka et le « chef » Bokani sont aux 

percussions et chants.

 



On les voit à Driffield et York, ils font 4 apparitions par jour.

En octobre, un spectacle est prévu pour le Roi, la Reine et leurs fils.
A la suite d’un contre-temps royal, seule la Reine mère y assistera.

Puis, ils partirent pour une grande tournée à travers toute la Grande-Bretagne qui les conduisit d’abord à Manchester. A raison de 2 représentations par jour, plus une troisième trois jours par semaine, 20 000 personnes ont pu les voir en une semaine.

Puis, ce fut Liverpool où les journaux titrèrent « Toute l’Europe en parle, les gens les plus
curieux jamais vus »

 .

Puis, ce fut l’Ecosse, Edinburgh et Glasgow. Dans toutes ces villes, deux shows par soir sont programmés, avec une après-midi 2 à 3 fois par semaine.

A Glasgow, les « anthropoïdes apes » (singes anthropoïdes) - comme l’annonçait « l’Evening News »apparaissaient aussi pour une heure tous les mardis au Scottish Zoo.
Leur impressario du moment, l’interprète Hoffman, rencontra même des difficultés à les loger à cause du racisme ambiant.

Puis , Birmingham, Shepherds, Bradford, au même rythme endiablé qu’une starlette de l’Eurovision, , et enfin, le retour à Londres, au Brandesburton Hall.

A la veille de Noël 1905, ils partirent tous en Allemagne avec Hoffman, d'origine allemande, pour retrouver sa maman.

De retour en Angleterre en août 1906, ils repartirent pour une tournée nationale qui s’acheva en novembre 1907.

Le médecin qui les suivait, au Brandesburton Hall, Dr J.E.S. Walker, nota : « Les Pygmées se sentaient certainement chez eux au Brandesburton Hall (…). Ils aimaient jouer au football avec des personnes de leur même taille – avec lesquels ils avaient une force supérieure – mais n’aimaient pas perdre. Ils étaient aussi amateurs de bonnes blague. » 


Les 6 Pygmées ne retourneront en Afrique en bateau, tous sains et saufs, qu’en décembre 1907.



Quelques années plus tard, nous les retrouvons aussi dans le principal livre et support pédagogique utilisé par les enseignants du primaire et secondaire anglo-saxon, "The New Student’s Reference Work", 1910-1914 :


Fig. 3, 1910



The New Student’s Reference Work, Fig.1.



Fig. 2

Fig. 1 : 1 – 3 Mbundu (Angola), 4 – 6 Pygmées Mbuti (Congo), 7 – 9 Bambara (Mali), 10 – 12 Wolof (Senegal) ,
Fig. 2 : 1 – 6 Tutsi (Rwanda) , 7 – 12 PygméesTwa (Rwanda) ,
Fig. 3 : 1 Shilluk , 2 Dinka , 4 Fulah , 5 Taberma , 8 Waushagga , 11 Pygmées ,


La suite : 1930 - 1960 Apprivoisement et mondialisation
 
Références - Bibliographie :

- Sur les 6 Pygmées de Londres :
*Black Edwardians : Black people in Britain, 1901-1914 , par Jeffrey Green,Jeffrey P. Green , p 115 à p 135,

- Sur les 5 Pygmées de Saint-Louis :
* l'article de "l'importateur", S.P. Verner dans "Popular science",p.471 et s., de nov. 1906
* Le site otabenga.com, crée par le petit-fils de SP Verner, Phillips V. Bradford
* Un résumé du livre "Ota Benga, The Pygmy in the Zoo", de P.V. Bradford
* Le livre "Le Pygmée congolais exposé dans un zoo américain" de Ngimbi Kalumvueziko, Ed. L'Harmattan.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire