vendredi 27 décembre 2013

Autopsie du paradigme occidental

 
Après un long obscurantisme médiéval, l’Europe prend subitement conscience de l’étendue du monde et de la singulière diversité de l’humanité: « Pour l’Europe, la découverte de l’Amérique est un choc culturel équivalent à ce que serait aujourd’hui la découverte d’extra-terrestres »1. 

Dans cette rencontre inopinée, l’Europe impose un rapport de domination aux peuples non-blancs par la force. Elle produit sans tarder une idéologie qui végète dans le paradigme occidental : la hiérarchisation des êtres humains basée sur la supériorité intellectuelle de l’homme occidental. 

Dès lors l’Occident s’autoproclame dépositaire de l’ensemble des attributs de l’humanité et pense être la seule à posséder la pleine qualité d’humain : « En même temps que son horizon s’élargit aux dimensions du monde et qu’elle prend connaissance de l’étonnante diversité d’une humanité moins homogène qu’elle ne l’imaginait, elle entreprend de réduire le territoire du genre humain à ses seules frontières, une fois son identité construite sur le rejet de tout ce qui altère l’image qu’elle veut avoir d’elle-même »[2].

Le discours idéologique de l’inégalité des "races " n’est donc pas une innovation moderne, il prend naissance très tôt au XV ème siècle où l’homme blanc prétend être « plus humain » que les autres. 


Après s’être hissé au sommet de la nature, l'homme indo-européen s’est octroyé le droit de dominer les autres êtres vivants et de se les approprier. Il distribue autour de lui avec ténacité et conviction le label de civilisation, d’humanité, de barbarie, d’esclavage naturel ou d’animalité. Il ne peut concevoir sa propre identité qu’en niant, en méprisant, en réduisant celle de l’autre, du non européen (domination). 

Comme durant le Moyen Age, il pense toujours que l'asservissement et la déshumanisation de l'homme répondent à une loi de la nature confirmée par une loi divine: « Et il sera toujours juste et conforme au droit naturel que ces gens (« nations barbares et inhumaines ») soient soumis à l’empire de princes et de nations plus cultivés et humains (…) 

Et s’ils refusent cet empire, on peut le leur imposer par le moyen des armes et cette guerre sera juste ainsi que le déclare le droit naturel (…) 

En conclusion : il est juste, normal et conforme à la loi naturelle que les hommes probes, intelligent, vertueux et humains dominent tous ceux qui n’ont pas ces vertus. (…) Et cela est juste et utile qu’ils soient serfs, et nous le voyons sanctionné par la loi divine elle-même. Puisqu’il est écrit dans le livre des proverbes : " le sot servira le sage" »[3].

À cause du système de pensées occidental et de leurs propres dispositions morales, les Européens ont perpétré le premier génocide de l’histoire de l’humanité : la destruction des Indiens. 


Les atrocités, la violence, la barbarie inhérents au monde occidental ne sont que l'expression de l’héritage ancestral de l’Occident construit depuis des millénaires (esprit de conquête, comportement guerrier, rapport de force, négation de l’humain): « Si le mot génocide s’est jamais appliqué avec précision à un cas, c’est bien celui-là. C’est un record, me semble-t-il, non seulement en termes relatifs (une destruction de l’ordre de 90% et plus), mais aussi en termes absolus, puisqu’on parle d’une diminution de la population estimée à 70 millions d’êtres humains. 

Aucun des grands massacres du XX ème siècle ne peut être comparé à cette hécatombe »[4]. Pour comprendre la violence des Occidentaux , il est nécessaire de comprendre la différence profonde de leurs propres systèmes de pensées avec celui des autres peuples de monde. 

Le comportement des Européens s'inscrit dans le paradigme occidental où la violence, la brutalité de leurs envahissements et l’ignoble génocide des populations amérindiennes dont ils sont responsables sont légitimés: « Les Espagnols avaient vite réduit en esclavage les Indiens qui les avaient reçus amicalement ; de ce fait, ces derniers conclurent que ces étrangers ne devaient pas être venus du ciel. Ils prirent alors les armes, dans le but de les chasser de leurs terres. Mais les chrétiens, avec leurs chevaux, leurs lances et leurs épées d' acier, eurent le dessus et se livrèrent à des massacres d' une grande cruauté. Ils pénétraient dans les villages et éventraient les femmes, enfants, vieillards. La guerre étant finie, et avec elle les tueries, les Espagnols se partagèrent entre eux la population réduite (de fait) en esclavage »[5]. 

L’antique déshumanisation de l’homme vaincu a permis l’émergence de l’idéologie de la supériorité raciale qui a connu un franc succès jusqu’à aujourd’hui : « La connaissance de l’Amérique par les Européens du XVème siècle déclencha la manifestation d’un fascisme des temps modernes inégalé dans l’Histoire. (…) Les Européens n’apportèrent que mort et désolation pour les autochtones des Amériques »6.

 


Puis vient le second génocide provenant des razzias négrières transatlantiques: l’anéantissement des Africains, il est le prolongement du premier génocide commis en Amérique. Ce crime reste de loin la plus importante entreprise de destruction, d’asservissement et d’avilissement de l’histoire de l’humanité. 

L’Europe en prédateur insatiable a décimé l’Afrique sans relâche. L’Eglise chrétienne joue un rôle important dans ce génocide puisqu’elle soutient l’infâme exploitation des Africains et exhorte l’Europe à asservir l’Afrique sous une forme de guerre de sainte: « Nous avions jadis, par de précédentes lettres, concédé au Roi Alphonse, entre autres choses, la faculté pleine et entière d’attaquer, de conquérir, de vaincre, de réduire et de soumettre tous les sarrasins (c’est à dire les Nègres), païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient, avec leurs royaumes, duchés, principautés, domaines, propriétés, meubles et immeubles, tous les biens par eux détenus et possédés, de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle (...) de s’attribuer et faire servir à usage et utilité ces dits royaumes, duchés, contrés, principautés, propriétés, possessions et biens de ces infidèles sarrasins (Nègres) et païens (...) »[7]. 

L’argument religieux est mis en exergue pour normaliser l’agression et l’exploitation des Africains, le but étant de déculpabiliser les différents acteurs du système négrier: « L’Eglise chrétienne, dès la mise en chantier du système des razzias négrières transatlantiques, se positionna comme la base de l’organisation de ce génocide qui allait ravager l’Afrique Noire pendant quatre siècles sur le principe idéologique d’une guerre juste, parce que menée contre les païens dont la mise en esclavage n’était pas seulement permise, mais souhaitée, encouragé, exaltée. Il est nécessaire de se pénétrer d’un tel climat psycho-religieux, pour comprendre que toute capture d’un Noir était considérée comme une opération héroïque destinée à s’attirer les bonnes grâces divines »[8].

La falsification de l’histoire a souvent édulcoré les razzias négrières transatlantiques en prônant le mercantilisme comme moteur de cette entreprise. Il faut souligner à la lumière des documents officiels de l’époque, qu’il n’est en aucun cas fait mention d’un accord commercial entre l’Afrique et les nations européens souvent évoqué dans la légende du « commerce triangulaire ». 


Les termes employés par le pape Nicolas V lui-même ont le mérite d’être claire et sans équivoque: « attaquer »; « conquérir »; « vaincre »; « réduire »; « soumettre ». Le champ lexical utilisé par le Pape est conforme au paradigme occidental (domination par la force, asservissement).

La déportation transatlantique et l’asservissement des Africains sont le résultat du patrimoine morale et intellectuel de l’Occident. Le rapport de force, la domination, la déshumanisation de l’homme vaincu, la barbarie et la violence de l’Europe y atteignent leurs paroxysmes. 


Cependant l’édification de cet injuste système d’exploitation de l’homme nécessite des prétextes pour légitimer le cruel comportement de l’Europe. Le mythe de Noé est convoqué en renfort puisque la descendance de Cham qui est l’ancêtre biblique de l’homme Noir est maudit et réduit en servitude. 

Les textes des Anciens occidentaux sont rappelés pour le besoin de la cause comme par exemple les propos d’Aristote sur l’esclavage naturel: « La science blanche s’ y prend comme elle peut. Mais au fond d’elle-même, elle bricole tant qu’elle peut pour pouvoir asservir avec tout le confort idéologique, en pleine sécurité rationnelle »[9].

 


Dans le paradigme occidental, depuis l’antiquité, l’homme asservi perd de facto son humanité, il est impitoyablement déshumanisé, on lui refuse son statut d’être humain. 

 La négation de l’être humain est une ancienne idéologie occidentale, elle permet de diaboliser injustement le vaincu et de l’assujettir sans scrupule : « Il fallait non seulement animaliser le Noir mais surtout l’accabler de tous les vices afin de le rendre repoussant pour que chacun puisse le brutaliser aisément, c'est-à-dire sereinement, en toute légalité, sans heurter ni la norme ni la bonne conscience »[10]. 

En définitive si l’Europe avait rencontré un homme physiquement identique c'est-à-dire avec la couleur de peau blanche en Afrique, il l’aurait impitoyablement déshumanisé de la même façon. 

Depuis l’extermination des Indiens d’Amérique, le dogme idéologique de l’inégalité des « races » s’est enraciné dans le paradigme occidental.

L’européen, héritier de l’univers blanco-chrétien du Moyen Age, revendique son aspect physique extérieur : sa peau blanche. Il ne perçoit en l’homme Noir que le diable en personne et l’échelon le plus bas de l’humanité, ainsi la distinction entre le vainqueur et le vaincu est renforcée par la différence de phénotype qui devient par la suite une barrière infranchissable: « La couleur de peau des Noirs était donc tout et autorisait tous les excès…en toute impunité. Comme souvent encore aujourd’hui »[11]. 


Il est important de relever que Colbert a nommé le texte qui rassemble toutes les lois inhumaines qui régissent l’esclavage dans les colonies le « code Noir » et non le code « de l’esclavage » ce qui prouve l’importance de la couleur de peau. 

Pour l'Europe, l’Africain devient et symbolise l’assujettissement désormais l'homme Noir devient un objet à disposition de l’Europe. L’Occident nie l’humanité des Africains, il ne cesse de les rabaisser au rang d’animal, de sous-homme, de bien matériel : «Déclarons les esclaves être meubles » dans le Code Noir en 1685 [12]. Les esclaves sont savamment considérés comme des animaux, des bêtes de somme.

Avant les razzias transatlantiques, l’homme asservi peut être de n’importe couleur de peau, de n’importe quel phénotype plus exactement, il n’y a encore aucune considération anthropologique. 


À partir de l’exploitation systématique de l’Africain pendant la durée ininterrompue de l’esclavage, l’homme asservi devient l’Africain. Par ce mécanisme l’Occident a réussi à connoter la couleur de peau noire avec l’état transitoire de l’homme assujetti. 

Le mot « nègre » entre dans l’usage de la langue française au XVIII ème siècle, dans le dictionnaire de Trévoux il signifie justement « esclave ». La barrière entre les deux statuts celui de l’homme dominant et l’homme dominé est nettement affirmée par la différence de phénotype. 

À l’éloignement physique entre l’homme blanc et l’homme Noir, il faut ajouter l’éloignement géographique. En effet l’Afrique Noire et par extension les colonies représentent des terres lointaines pour l’Occident. 

La distance entre les deux continents permet aux européens de passer sous silence l’exploitation barbare commise aux Amériques et de calomnier confortablement l’Afrique. 

La déshumanisation de l’homme Noir est développée au maximum dans un climat d’arrogance et de profonde ignorance pour certains. L’animalisation de l’être humain, la dégradation de l’homme asservi au titre de chose, d’objet animé sont poussés à l’extrême : « Le droit fondé sur la violence est fatalement condamné à la violence pour se maintenir »13. 

Désormais peau noire et servitude se confondent : être Noir, c’est être esclave. La domination occidentale de l’Afrique par la force entraîne une perception dépréciative instinctive vis-à-vis des Africains, elle génère toute une idéologie sans aucun fondement, tout un mythe sans socle historique, tout une théorie construite sans aucune réalité. 

L'Europe invente une myriade d’idées reçues, de préjugés et de stéréotypes qui sont encore bien vivaces à l’heure actuelle : « Et comme l’être humain est toujours soucieux de justifier sa conduite, on ira même plus loin ; le souci de légitimer la colonisation et la traite des esclaves – autrement la condition sociale du Nègre dans le monde moderne – engendrera toute une littérature des prétendus caractères inférieurs du Nègres. 

L’esprit de plusieurs générations européennes sera ainsi progressivement faussé. 

L’opinion occidentale se cristallisera et admettra instinctivement comme une vérité révélée que Nègre = Humanité inférieure…» [14]. L'intelligence n'a jamais et ne sera jamais le monopole de l'Occident, il n'y aucune différence d'ordre intellectuelle entre l’Européen et l’Africain. 

Tous les acteurs du système négrier le savent très bien c’est pourquoi : « Les colons savent que, pour maintenir béant le fossé entre eux et les esclaves, pour survivre, ils doivent tailler et tailler encore, brimer et meurtrir, torturer et tuer » [15] ( Tailler un Nègre » signifie fouetter ).

L'Homme Noir perçu par les penseurs occidentaux au XVIII ème siècle

Quelle est la vision de l’homme Noir devenu l’homme soumis par excellence pour l’Occident ? Les penseurs européens du XVIII ème siècle, siècle réputé très éclairé sont sans conteste les mieux placés pour parler de leur propre conception de l’homme, quelle est leur perception de l’homme Noir et de l’Afrique?

• «Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête, et ils ont le nez si écrasé, qu’il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité(…) Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous- mêmes chrétiens. Des petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains »

Montesquieu dans « L’esprit des Lois », 1748.

• « le Nègre serait à l’homme ce que l’âne est au cheval ; ou plutôt si le Blanc était l’homme, le Nègre ne serait plus un homme, ce serait un animal à part comme le singe »

Georges Buffon dans « Histoire naturelle de l’Homme De la dégénération des animaux », 1766, Tome XIV. 


• « Je suspecte les Nègres et en général les autres espèces humaines d’être naturellement inférieurs à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur que la couleur blanche, ni d’individu illustre par ses actions ou par sa capacité de réflexion... Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. Sans faire mention de nos colonies, il y a des Nègres esclaves dispersés à travers l’Europe, on n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence ».

David Hume dans « Sur les caractères nationaux » Vol. III

• « Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu’une race bâtarde d’un noir et d’une blanche, ou d’un blanc et d’une noire. »

• « Il n’est pas improbable que dans les pays chauds des singes aient subjugué des filles.»

Voltaire dans « Essai sur les mœurs » et « l’Esprit des Nations ».

• « L’Afrique Noire n’a pas d’histoire » ; « L’homme en Afrique noire, vit dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation... » ; « Ce qui caractérise les nègres, c’est précisément que leur conscience n’est pas parvenue à la contemplation d’une quelconque objectivité solide, comme par exemple Dieu, la loi... »
Hegel dans « La raison dans l’histoire »

• « Je suis donc amené à penser, mais ce n’est là qu’un sentiment, que les noirs, qu’ils forment une race distincte ou qu’ils aient subi une séparation due au temps et aux circonstances, sont inférieurs aux blancs quant au corps et à l’esprit. »

Thomas Jefferson

• « Tout sentiment d’honneur et d’humanité est inconnu à ces barbares...Point de raisonnement chez les nègres, point d’esprit, point d’aptitude à aucune sorte d’étude abstraite...Leur naturel est pervers... »

Rousselot de Surgy.

Nous pouvons indéfiniment répertorier tous les propos des penseurs occidentaux, il s’agit là juste d’une courte liste non exhaustive relative au XVIII ème siècle. 


Les penseurs occidentaux rivalisent de passion, de véhémence et d’entrain pour calomnier impunément l’homme Noir et l’Afrique en général, si il fallait consigner toutes les citations fallacieuses, on pourrait remplir une bibliothèque universitaire complète. 

Nous sommes contraint de citer ses auteurs afin de bien dégager les axes de réflexion du paradigme occidental. Pendant le siècle des lumières, les penseurs occidentaux prônent le respect absolu de la personne humaine, ils se donnent pour mission de dénoncer les préjugés, de mettre en avant le fait qu’il n’y a pas qu’une vérité, d’engager à porter un regard différent sur "l’autre", de développer l’esprit critique, de combattre l’intolérance, le fanatisme religieux, l’injustice, la guerre, l’esclavage et d’éclairer les esprits aveuglés par les croyances trompeuses d’où leur nom de "philosophes des Lumières". 

Ce projet qui a l’allure philosophique est en vérité anti-philosophique. En apparence il est couvert de valeurs fortes, universelles pour tous les hommes, des idéaux ambitieux pour l’époque cependant il reste un programme idéologique dont les acteurs n'ont fait qu'accentuer les préjugés, renforcer les idées reçues et banaliser l’assujettissement de l’homme en condamnant et en diabolisant à outrance l’homme Noir. 

Ces hommes ne sont que de simples hypocrites malhonnêtes qui ont pour mission de défendre leur doctrine, leur paradigme. Ils n’ont jamais modifié leur vision de l’homme Noir et de l’Afrique en général, ils n’ont jamais mis en cause l’anéantissement de l’homme en Amérique, en vérité ils n’ont fait preuve d’aucun courage intellectuel, ils se sont limités à une vision « raciste », négative et erronée de l’homme Noir et de l’Afrique héritée de leurs prédécesseurs. 

Ils n’ont jamais dénoncé les saignantes attaques dont l’Afrique a fait l’objet de la part de l'Europe. Au contraire certains d’entre eux étaient même bénéficiaires de l’exploitation barbare de l’être humain en Amérique comme par exemple Montesquieu, Voltaire (pseudo combattant de l’injustice) qui étaient actionnaires de la compagnie des Indes occidentales, ils percevaient des dividendes et étaient rémunérés par l’asservissement de l’homme Noir aux Amériques.

Les penseurs européens ont renforcé durablement leur système de pensées et non jamais créer de rupture ni même le moindre changement dans leur paradigme, au contraire ils ont préservé leur héritage idéologique et ils ont canonisé les stéréotypes et les préjugés attribués au peuple Noir. 


Ils imaginent une laideur naturelle de l’homme Noir, le bestialisent et lui affublent un caractère animal. La diabolisation de l’homme Noir a été consolidée par tous les philosophes européens, du siècle du "clair obscur" jusqu’à aujourd’hui ils ont fortement contribué à accentuer l’image négative de l’homme Noir en Europe.

Au XVIII ème siècle, le silence coupable sur la traite négrière révèle la fourberie, l’hypocrisie et la grande malhonnêteté intellectuelle de l’Occident. Le silence est le statu quo de toutes les nations européennes. 


L’Europe s’enrichit en revanche elle refuse de regarder la réalité en face, de connaître les mécanismes de l’augmentation de ses propres richesses puisque dénoncer le système négrier revient à remettre en question le propre fondement de son enrichissement, elle le savait bien à l’époque, elle le sait toujours aujourd’hui, c’est pourquoi elle conserve la même stratégie : le silence complice car « Les richesses de la France, de l'Angleterre, du Portugal, de l’Espagne, de la Hollande, du Danemark et de l’Amérique sont bâties dans la sueur, dans le sang, la souffrance, l’humiliation bref sur le martyre des enfants de l’Afrique déportés dans le Nouveau Monde et de leurs descendants » [16].

L’Occident depuis qu’il a entrepris d’asservir le monde "non-blanc" est contraint d’établir une conception idéologique basée sur le dénigrement du non-occidental afin de légitimer sa domination. 


Pour revaloriser son propre statut d’être humain, dont il prétend en être le seul digne représentant, l’Europe est obligé de refuser, de rejeter, de discréditer l’humanité du "non-blanc". 

Par conséquent pour préserver ses valeurs, son système de pensée, son paradigme, et surtout pour justifier l’assujettissement des peuples non blancs, l’Occident est contraint de nier leur humanité, le propos de Montesquieu résume admirablement cet état d’esprit : « Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous- mêmes chrétiens ».

Tous ces hommes ont élaboré de "grandes " théories, ils ont prétendu créer de "grandes" idées, ils ont lancé de "grands" débats dignes d’intérêts en revanche ils ne sont que des fourbes hypocrites, leur fameuse époque connue sous l’appellation de siècle des Lumières est une vaste escroquerie intellectuelle, tous leurs travaux, tous leurs ouvrages, tous leurs discours ne sont qu’un édifice pseudo philosophique ruiné car il repose sur une vision du monde centrée sur l’Europe où l’homme blanc est considéré comme l’unité de mesure de l’humanité or ce postulat ne dispose d’aucun fondement valable, c’est une pure construction intellectuelle bâtie dans l’idéologie pour permettre la domination occidentale. 


Proclamer le respect absolu de l’être humain et cautionner l’asservissement et la déshumanisation de l’homme outre-Atlantique est une démarche intellectuelle des plus malhonnêtes qui n’échappe à personne.

Tenter de prétendre qu’il n’y aucune comparaison possible entre le XVIII ème siècle et aujourd’hui ou proclamer que les philosophes occidentaux avaient une perception erronée de l’homme Noir à cause des circonstances historiques et à l’ignorance des gens de l’époque puisque la tragédie se déroule loin de l’Europe dans les colonies est un véritable mensonge car tous philosophes s’appuient sur la réalité ou sur une situation réelle pour réfléchir et non sur des fantasmes, des préjugés ou des idées reçues. 


Aucun de ces "grands " penseurs occidentaux n’a tenté même une fois d’établir un contact neutre, objectif avec le peuple Noir dans des conditions normales pour vérifier la véracité de sa réflexion ("conditions normales" signifie une relation équitable sans rapport de force ou de domination) : « Aucun de ces individus n’ a jamais foulé le sol africain, humé son air et encore moins aperçu ses habitants du pont d’un navire ou du hublot d’un avion ; et pourtant tous sont unanimes à décréter la supériorité de l’intelligence de la race blanche sur celle de la race noire »

[17]. Tous les petits esprits qui essayent de taxer nos propos ci-dessus de "racisme à rebours " ou de prêter à nos remarques un caractère passionné sont des esprits trop limités qui ne peuvent rien apporter à l’humanité, ils ne peuvent pas débattre de choses qu’ils n’ont pas eux même acquises : « On fuit le débat scientifique d’une façon qui ne trombe personne lorsqu’on substitue à la réfutation des arguments une explication "psychologique" de la motivation d’une œuvre »[18].

La falsification de l’histoire tente de disculper l’Occident et de mettre en avant tout ce qui peut réhabiliter son comportement criminel depuis des siècles. Au lieu d’évoquer la férocité des peuples européens, on parle volontiers du courage, d’ambition ou de témérité des colonisateurs. 


Pour atténuer la brutalité du génocide, on évoque l’appât du gain, la soif de l’or, l’esprit de lucre. Pour occulter le vol et la spoliation des terres des Amérindiens, on discute de la mise en culture des terres du "Nouveau Monde" ainsi la réalité est édulcorée, la violence et la barbarie sont noyées dans une sombre histoire de négoce. 

L’Occident est contraint d’occulter la réalité, de falsifier la vérité et de mentir inlassablement depuis plus de cinq siècles pour justifier son comportement animal et sa barbarie ancestrale, légitimer la violence intrinsèque à sa propre histoire et permettre sa domination sur le monde. 

Cette histoire fabriquée, falsifiée est actuellement la seule enseignée dans les manuels scolaires, elle est présentée comme la seule objectivement valable. 

L’Occident continue de s’octroyer des circonstances atténuantes, de s’auto-pardonner dans une histoire où sa cruauté, son instinct de prédateur ont ravagé la planète. Le poids de la domination occidentale est encore présent mais pour combien de temps encore?
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Sources:

[1] George Minois, Les origines du Mal , Paris, Fayard, 2002, p190.

[2] Sophie Bessis, L'Occident et les autres, Histoire d'une suprématie, Paris, La découverte, 2002, p28.

[3] Juan Gines de Sepulveda, Dialogum de justis belli causis, homme d’Eglise XVIème siècle.

[4] Tzvetan Todorov, La conquête de l'Amérique, 1988, p138-139.

[5] Bartolomé de Las Casas.[6] Alexandre Kuma N’Dumbé III, Hitler voulait l’Afrique, Paris, 1980

[7] Extrait de la Bulle du Pape Nicolas V, 8 janvier 1454.

[8] Bwemba Bong, Quand l’Africain était l’or noir de l’Europe, Paris, Menaibuc, 2005, p163.

[9] Louis Sala-Molins, Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Paris, PUF, 2005, p34.

[10] Rosa Amelia Plumelle Uribe, La férocité Blanche, Paris, Albin Michel, 2001, p53.

[11] Bwemba Bong, Quand l’Africain était l’or noir de l’Europe, Paris, Menaibuc, 2005, p161.

[12] Article 44 du Code Noir, 1685.

[13] Victor Schoelcher, Des colonies françaises, Paris, 1842, p86.

[14] Cheikh Anta Diop, Nations Nègres et culture, Paris, Présence Africaine, 1979, p53.

[15] Louis Sala-Molins, Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Paris, PUF, 2005, p174.

[16] Pierre Ajavon, Traite et Esclavage des Noirs. Quelle responsabilité Africaine?, Paris, Menaibuc, 2005, p158.

[17] Doumbi Fakoly, La colonisation l'autre crime contre l'humanité, Paris, Menaibuc, 2006.

[18] Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres, Paris, Présence Africaine, 1993, p11.

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