14/01/2014
Juvenal Habyarimana, ex président rwandais décédé en 1994
Les parties civiles s'inquiètent de blocages dans l'enquête française sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvenal Habyarimana en 1994, notamment après le meurtre à Johannesburg d'un ancien chef des services secrets rwandais que les enquêteurs voulaient entendre comme témoin.
L'attentat du 6 avril 1994, au cours duquel fut tué le président hutu, est considéré comme l'événement déclencheur du génocide rwandais, qui a fait au moins 800.000 morts, essentiellement de la minorité tutsi.
Plusieurs proches de l'actuel président rwandais Paul Kagame, qui dirigeait en 1994 les rebelles tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), sont toujours mis en examen (inculpés) dans l'enquête ouverte en France en 1998.
Mais le camp Kagame a toujours attribué les tirs sur le Falcon présidentiel à des extrémistes hutu qui auraient voulu faire échec aux négociations engagées avec le FPR.
"Près de 20 ans après les faits, il y a de nombreux blocages", a déploré auprès de l'AFP le conseil de la veuve Habyarimana, Philippe Meilhac, qui vient de rencontrer le magistrat instructeur Marc Trévidic avec plusieurs avocats de parties civiles.
Au centre de leurs inquiétudes, le meurtre de Patrick Karegeya, un ancien proche de Paul Kagame tombé en disgrâce puis entré en dissidence. Le corps de l'ex-chef du renseignement a été découvert le 1er janvier à Johannesburg, où il vivait en exil.
Une enquête pour meurtre est ouverte en Afrique du Sud, sans que l'on en sache pour l'instant ce qui l'a motivé. Les proches de Patrick Karegeya accusent le régime rwandais de l'avoir commandité, ce que Kigali dément.
Dans un entretien en juillet à Radio France Internationale (RFI), ce dissident accusait Paul Kagame, parmi d'autres griefs, d'être responsable de l'attentat, affirmant en avoir la preuve.
"On a l'impression dans cette enquête qu'à chaque fois qu'un témoin veut parler, on l'assassine", a accusé Jean-Yves Dupeux, qui représente les enfants Habyarimana.
En 2010, un autre dissident exilé en Afrique du Sud, Faustin Kayumba Nyamwasa, avait été la cible d'une tentative d'assassinat. Ancien chef de l'état-major rwandais, il accuse également M. Kagame d'être l'instigateur de l'attentat de 1994.
Visé par un mandat d'arrêt pris par la justice française, il est l'objet d'une demande d'extradition à laquelle Pretoria n'a jamais répondu.
Faute d'obtenir cette extradition, M. Trévidic avait en 2012 délivré une commission rogatoire internationale pour demander -sans succès- l'audition par la police sud-africaine de M. Kayumba Nyamwasa, mais aussi de M. Karegeya. Cette requête vient d'être réitérée.
"Voie de garage"
"Nous voulons savoir ce que vont faire les autorités françaises face à l'absence de coopération de l'Afrique du Sud, qui viole les accords d'entraide judiciaire", a insisté Me Dupeux.
Du côté des proches de Paul Kagame inculpés, on juge que l'intérêt de ces auditions est "relatif", comme la crédibilité des dissidents rwandais témoins.
"M. Kayumba Nyamwasa a mis près de 20 ans à découvrir qu'il avait des choses à dire", a ironisé Léon-Lef Forster, avocat des proches du président rwandais Kagame.
"Il pourrait très bien venir en France où sa sécurité serait totale, ou à défaut adresser ses déclarations aux juges".
"L'insistance des parties civiles pour faire entendre ces témoins intervient alors que, matériellement, la preuve de l'innocence de nos clients est faite", a-t-il ajouté.
Le camp Kagame veut pour preuve de son innocence les expertises techniques présentées début 2012 par les juges qui avaient cité comme zone de tir des missiles "la plus probable" un camp alors tenu par la garde présidentielle de Juvenal Habyarimana.
Pour les parties civiles, ces expertises n'offrent aucune certitude sur l'identité des tireurs et des commanditaires. Et les juges ont cet automne rejeté une demande de non-lieu faite par les inculpés.
"Aucune piste ne doit être écartée, et tous ceux qui savent quelque chose doivent être entendus", estime Emmanuel Bidanda, l'avocat de la famille d'une victime française (l'équipage de l'avion d'Habyarimana était français), qui dénonce un manque de moyens alloués aux juges.
"La France avait pris la responsabilité de cette enquête dont personne ne voulait et se doit d'aller jusqu'au bout", renchérit Me Meilhac. "Or les parties civiles craignent qu'elle ne s'achève sur une voie de garage pour des raisons diplomatiques".
Le lancement des mandats d'arrêt en 2006 contre les proches de Kagame avait amené Kigali à rompre ses relations avec Paris avant que celles-ci ne soient rétablies à partir de 2009.
La détente franco-rwandaise s'est accélérée par la levée des mandats d'arrêt pour les six proches de Paul Kagame mis en examen en 2010.
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Jacques CLEMENT
Juvenal Habyarimana, ex président rwandais décédé en 1994
Les parties civiles s'inquiètent de blocages dans l'enquête française sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvenal Habyarimana en 1994, notamment après le meurtre à Johannesburg d'un ancien chef des services secrets rwandais que les enquêteurs voulaient entendre comme témoin.
L'attentat du 6 avril 1994, au cours duquel fut tué le président hutu, est considéré comme l'événement déclencheur du génocide rwandais, qui a fait au moins 800.000 morts, essentiellement de la minorité tutsi.
Plusieurs proches de l'actuel président rwandais Paul Kagame, qui dirigeait en 1994 les rebelles tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), sont toujours mis en examen (inculpés) dans l'enquête ouverte en France en 1998.
Mais le camp Kagame a toujours attribué les tirs sur le Falcon présidentiel à des extrémistes hutu qui auraient voulu faire échec aux négociations engagées avec le FPR.
"Près de 20 ans après les faits, il y a de nombreux blocages", a déploré auprès de l'AFP le conseil de la veuve Habyarimana, Philippe Meilhac, qui vient de rencontrer le magistrat instructeur Marc Trévidic avec plusieurs avocats de parties civiles.
Au centre de leurs inquiétudes, le meurtre de Patrick Karegeya, un ancien proche de Paul Kagame tombé en disgrâce puis entré en dissidence. Le corps de l'ex-chef du renseignement a été découvert le 1er janvier à Johannesburg, où il vivait en exil.
Une enquête pour meurtre est ouverte en Afrique du Sud, sans que l'on en sache pour l'instant ce qui l'a motivé. Les proches de Patrick Karegeya accusent le régime rwandais de l'avoir commandité, ce que Kigali dément.
Dans un entretien en juillet à Radio France Internationale (RFI), ce dissident accusait Paul Kagame, parmi d'autres griefs, d'être responsable de l'attentat, affirmant en avoir la preuve.
"On a l'impression dans cette enquête qu'à chaque fois qu'un témoin veut parler, on l'assassine", a accusé Jean-Yves Dupeux, qui représente les enfants Habyarimana.
En 2010, un autre dissident exilé en Afrique du Sud, Faustin Kayumba Nyamwasa, avait été la cible d'une tentative d'assassinat. Ancien chef de l'état-major rwandais, il accuse également M. Kagame d'être l'instigateur de l'attentat de 1994.
Visé par un mandat d'arrêt pris par la justice française, il est l'objet d'une demande d'extradition à laquelle Pretoria n'a jamais répondu.
Faute d'obtenir cette extradition, M. Trévidic avait en 2012 délivré une commission rogatoire internationale pour demander -sans succès- l'audition par la police sud-africaine de M. Kayumba Nyamwasa, mais aussi de M. Karegeya. Cette requête vient d'être réitérée.
"Voie de garage"
"Nous voulons savoir ce que vont faire les autorités françaises face à l'absence de coopération de l'Afrique du Sud, qui viole les accords d'entraide judiciaire", a insisté Me Dupeux.
Du côté des proches de Paul Kagame inculpés, on juge que l'intérêt de ces auditions est "relatif", comme la crédibilité des dissidents rwandais témoins.
"M. Kayumba Nyamwasa a mis près de 20 ans à découvrir qu'il avait des choses à dire", a ironisé Léon-Lef Forster, avocat des proches du président rwandais Kagame.
"Il pourrait très bien venir en France où sa sécurité serait totale, ou à défaut adresser ses déclarations aux juges".
"L'insistance des parties civiles pour faire entendre ces témoins intervient alors que, matériellement, la preuve de l'innocence de nos clients est faite", a-t-il ajouté.
Le camp Kagame veut pour preuve de son innocence les expertises techniques présentées début 2012 par les juges qui avaient cité comme zone de tir des missiles "la plus probable" un camp alors tenu par la garde présidentielle de Juvenal Habyarimana.
Pour les parties civiles, ces expertises n'offrent aucune certitude sur l'identité des tireurs et des commanditaires. Et les juges ont cet automne rejeté une demande de non-lieu faite par les inculpés.
"Aucune piste ne doit être écartée, et tous ceux qui savent quelque chose doivent être entendus", estime Emmanuel Bidanda, l'avocat de la famille d'une victime française (l'équipage de l'avion d'Habyarimana était français), qui dénonce un manque de moyens alloués aux juges.
"La France avait pris la responsabilité de cette enquête dont personne ne voulait et se doit d'aller jusqu'au bout", renchérit Me Meilhac. "Or les parties civiles craignent qu'elle ne s'achève sur une voie de garage pour des raisons diplomatiques".
Le lancement des mandats d'arrêt en 2006 contre les proches de Kagame avait amené Kigali à rompre ses relations avec Paris avant que celles-ci ne soient rétablies à partir de 2009.
La détente franco-rwandaise s'est accélérée par la levée des mandats d'arrêt pour les six proches de Paul Kagame mis en examen en 2010.
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Jacques CLEMENT
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