lundi 25 août 2014

Rwanda et RDC s’accordent sur leur frontière commune

Cette semaine, du 25 au 30 août, une équipe d’experts ainsi que des représentants des autorités locales doivent mener une délicate mission : matérialiser un peu plus de 200 km de frontière entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. 

Une frontière à la fois terrestre (de Gomas à Gisensy), lacustre (à travers le lac Kivu) et fluviale (le long de la rivière Ruzizi), marquée par de multiples tensions et exactions depuis des années.


Des soldats congolais surveillant la frontière avec le Rwanda dans le Nord-Kivu (Radio Okapi).
24.08.2014 Par Camille Sarret

C'est au cours d'une rencontre bipartite, qui s'est tenue début août dans la ville congolaise de Goma dans le Nord-Kivu, que la décision a été prise. 

Le Rwanda et la République démocratique du Congo vont matérialiser leur frontière commune par des bornes sur la partie terrestre et par des bouées au niveau du lac Kivu.

A priori, le tracé de la frontière n'a pas été source de discorde. Les délégués des ministères congolais et rwandais de l’Intérieur ainsi que les membres de la commission permanente des frontières Rwanda–RDC se sont facilement mis d'accord en se basant sur la carte coloniale dressée en 1911, entre la Belgique (le premier colonisateur du Congo)et l'Allemagne (le second colonisateur du Rwanda).

  
Le géant congolais et le petit Rwanda à l'est (cliquez pour agrandir la carte).

A la sortie de la réunion, le vice-gouverneur du Nord-Kivu, Feller Lutayichirwa Muiwahale, a assuré que les travaux de démarcation iraient jusqu’à leur terme, d’autant que six bornes-frontières sur les vingt-deux mises en place à l’époque coloniale ont déjà été localisées. 

Du côté rwandais, le chef de la délégation James Ngango a affiché la même confiance. « Le procès-verbal qui vient d’être lu et signé l’atteste, il n’y a aucune seule raison de penser que ce qui vient d’être signé ne sera pas appliqué », a-t-il déclaré devant la presse sur place. 

Les deux parties se sont même engagées à se revoir en septembre pour évaluer l'opération de terrain.

Au regard de la situation mouvementée dans l'Est de la RDC, cette entente peut surprendre. Kigali est régulièrement accusé d’ingérence et soupçonné de nourrir des ambitions territoriales du côté congolais, tandis que Kinshasa a bien du mal à imposer son autorité sur son immense territoire. 

Mais force est de constater que la donne a changé depuis que la rébellion du M23 dans le Nord-Kivu a déposé les armes après l’offensive, en octobre dernier, des forces congolaises appuyées par les casques bleus de l’ONU.


Ouvrage de Michel Foucher, CNRS éditions.

Un signe ?

« La RDC a repris la main et a fait évoluer sa politique », observe le géographe et diplomate français, Michel Foucher. Pour le spécialiste, auteur de Frontières d'Afrique pour en finir avec un mythe (CNRS Editions), c’est ce que révèle ce travail de délimitation frontalière. 

« C’est un vrai signe de pacification, souligne-t-il dans une interview à la rédaction de TV5MONDE. Les deux capitales sont désormais prêtes à s’entendre sur l’usage de la frontière. » 

« En rendant la frontière visible, on supprime tout prétexte d’incursion pour telle ou telle force armée », poursuit Michel Foucher.

Dans cette zone stratégique qui fait le pont entre l’ouest et de l’est du continent, c’est aussi l’annonce d’une frontière normalisée facilitant les échanges. 

« C’est cela le but de l’opération : mettre fin au racket des douaniers, lutter contre la contrebande, encourager le commerce transfrontalier. Dès lors, analyse Michel Foucher, la frontière ne sera plus vécue comme une barrière mais deviendra une ressource pour les populations locales. »

La démarche semble d’autant plus prometteuse que la République démocratique du Congo a également entrepris un abornement de sa frontière plus au sud avec son voisin ougandais. 

« A la demande des deux pays, un dossier est en cours », affirme Michel Foucher. A croire que le très sarcastique adage rwandais, « là où finit la logique, commence le Congo », est sur le point de tomber en désuétude...

Un programme continental

A l’échelle africaine, l'affirmation des frontières est largement encouragée depuis le lancement en 2007 d’un programme spécifique sous l’égide de l’Union africaine. 

« Initié par l’ancien président du Mali Alpha Oumar Konaré et financé par la coopération allemande, précise Michel Foucher, le programme fonctionne très bien dans l’ouest, autour du Mali, du Sénégal et du Burkina, ainsi qu’autour du Mozambique qui a développé des politiques spécifiques. 

En revanche, ça ne marche pas du tout dans la corne de l’Afrique, autour de l’Ethiopie, de la Somalie et du Soudan » où les conflits politico-territoriaux sont loin d’être réglés.

Les Etats n’ont pas obligation de se conformer au programme. « Cela se fait sur la base du volontariat, explique le géographe. Quand ils le veulent, les Etats déclarent leur situation frontalière et s’engagent à procéder à la démarcation. 

Cela va même jusqu’à la création d’un poste unique de contrôle sur les grandes axes routiers et à la création d’écoles dans le cadre d’une coopération transfrontalière d’initiative locale », se réjouit Michel Foucher. Il est prévu que ce programme prenne fin d'ici 2020.
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