jeudi 6 novembre 2014

Kangamba, le général angolais qui se croit au dessus des lois

le 26 Octobre 2014

Casino, grosses berlines, prostitués et liasses de billets à profusion, c'est le quotidien de Bento dos Santos, alias Kangamba, le neveu par alliance du président angolais Eduardo dos Santos. 

Et ce mode de vie, notre homme ne le pratique pas seulement dans son pays. Ses aventures se déroulent au Portugal, au Brésil, mais aussi en France...


Photo : Jose David Baptista de Sousa - Wikimedia commons - cc

D’où viennent les millions de Bento dos Santos, le surnommé Kangamba, neveu par alliance du président angolais Eduardo dos Santos ? 

A défaut de pouvoir y répondre, les polices du monde entier se contentent de compter les liasses de billets, à peine dissimulées par l’illustre héritier, au gré de ses déplacements et des affaires dans lesquelles il est impliqué.

Ainsi la « récolte », pour la police judiciaire portugaise, le 15 octobre dernier, a-t-elle été « bonne ». 

Au moins 8 millions d’euros, discrètement hébergés par plusieurs banques nationales, du Nord au Sud du pays, ont été saisis. Trois biens immobiliers appartenant au général, dont un luxueux appartement situé dans le quartier futuriste du Parque das Nações, à Lisbonne, évalué à 2 millions d’euros, ont par ailleurs fait l’objet de perquisitions.

En cause, des « mouvements » suspects d’argent liquide, transporté, comme dans un polar à l’ancienne, dans des mallettes. Bento dos Santos est d’ailleurs devenu, à 49 ans, en toute impunité, un spécialiste de ce type de convoi. 

Au Portugal notamment, où les autorités ne veulent surtout pas voir leurs relations diplomatiques se dégrader avec l’Angola et sont contraintes de fermer les yeux. Et pour cause : ce pays, ces dernières années, est devenu l’un de ses principaux investisseurs.

Car quand le président Eduardo dos Santos menace, en octobre 2013, de mettre fin au partenariat stratégique avec son ancien colonisateur, puisque les relations, juge-il, ne « sont pas bonnes », les autorités portugaises s’exécutent, présentent immédiatement leurs « excuses », par la voix de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Rui Machete. 

Leur faute ? Avoir poursuivi plusieurs hauts dignitaires angolais, y compris les deux filles du président, dans une affaire d’évasion fiscale.

D’habitude si lente, la justice portugaise n’a cette fois mis que quelques semaines pour innocenter le vice-président angolais, Manuel Vicente ou encore le procureur général de la République, José Maria de Sousa, accusés de blanchiment d’argent. 

Le second était, entre autres, soupçonné d'avoir rapatrié près de 100 000 dollars d’une société offshore sur un compte portugais.

La Côte d’Azur, terrain de jeu du millionnaire angolais

La France n’est pas en reste. A la même période, c’est sur la Côte d’Azur que Kangamba a décidé de poser ses valises (de billets). Deux de ses voitures, des Mercedes de belle cylindrée sont ainsi interceptées, à quelques heures d’intervalle, comme le rapporte alors la presse locale, dans la nuit du 12 au 13 juin 2013, à Arles, dans les Bouches-du-Rhône et dans l’Hérault.

Dans le coffre, les enquêteurs font une drôle de découverte. Quarante liasses de 50000 euros se cachent en effet dans un sac plastique et une boîte à chaussure. 

Dans la deuxième voiture, l’argent déposé moins soigneusement, n'était enveloppé que dans du papier blanc. « En Angola, on a l’habitude de transporter de l’argent comme ça » se justifiera l’un des convoyeurs arrêtés.

Le reste de la fine équipe, des ressortissants cap-verdiens, angolais et portugais, se rendra par la suite, par ses propres moyens, au commissariat de Montpellier pour tenter de libérer les copains malchanceux. 

Sur l’un des nouveaux arrivants, richement vêtu, les enquêteurs trouveront jusqu’à 70 000 euros en espèces. Et encore 5 000 euros placés sous le siège de l’une des voitures.

En tout, près de trois millions d’euros seront confisqués par les autorités françaises destinés semble-t-il, à être misés au casino de Monaco où le général Kangamba a, à l’époque, pris ses quartiers. 

Au jeu, « on peut perdre vite » et beaucoup aurait-il expliqué à l’un de ses transporteurs de fonds. Sur le Rocher, au même moment, l’étrange délégation du général s’installe donc confortablement. Réserve 22 chambres, au Métropole, un établissement cinq étoiles, qui a encaissé, dans la juteuse opération, 86 000 euros en liquide.

Les petites mains arrêtées plus tôt finiront, quant à elles, leurs vacances à la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille. Cinq amis du général seront mis dans la foulée en examen pour blanchiment d’argent en bande organisée sans que l’on sache aujourd’hui encore d’où viennent ces millions. Le général Kangamba, lui, ne sera pas inquiété.

Les prostituées brésiliennes de Kangamba

Au Brésil cependant, les choses se corsent quelques mois plus tard, en décembre 2013, pour le haut gradé, décoré un an auparavant d’une troisième étoile par le président dos Santos en personne.

Les va-et-vient incessants à l’aéroport de Guarulhos, à São Paulo, en provenance ou destination de Luanda, la capitale angolaise, ne sont en effet pas passés inaperçus des fédéraux. 

L’opération « Garina », jeune femme en argot angolais, qui a commencé dans le plus grand secret est d’ailleurs spectaculairement dévoilée dans les médias le 15 décembre 2013.

Bento dos Santos se réveille alors pour la première fois officiellement mis en cause à l’étranger, en l’occurrence pour sa participation à un important réseau de prostitution, le Brésil ayant émis dans le cadre de cette affaire un mandat d’arrêt international. Pas de quoi inquiéter toutefois le protégé du président, qui ne peut être extradé d’Angola, où il réside à ce jour, faute d’accord entre les deux pays.

Les révélations écornent néanmoins sérieusement l’image du pouvoir angolais. Marié à la nièce du président, Avelina, Bento dos Santos apparaît en effet à la télévision brésilienne comme un redoutable proxénète. 

« [Kangamba] n’aime pas les petites, il aime les femmes qui ont des formes, qui ont de la chair. Si j’avais mon corps d’avant, des fesses de la taille du monde, je suis sûre qu’il m’aurait choisie » confie l’une des prostituées dans une des nombreuses communications téléphoniques enregistrées par la police. 

« Ce mec est célébrissime » renchérit une autre femme, « il est le maître de tout en Angola. Il a des tiroirs, comme ça, plein de dollars. Plein. Des millions de dollars » précise-t-elle.

Une fascination qui s’explique facilement. Pour satisfaire ses désirs, Kangamba sait se montrer généreux. Et exigeant. Après avoir fait défiler les prostitués dans une chambre d’hôtel en deux temps (une fois habillée, une autre fois en sous-vêtements), le général choisit sa favorite, celle qui l’accompagnera pendant une semaine, en exclusivité, pour la modique somme de 100 000 dollars. 

Dix mille « seulement » pour les autres groupes de cinq ou six filles, qui se partageront les clients restants. Cinquante millions de dollars (33 millions d’euros) auraient été générés par le réseau entre 2007 et 2013.

Au plus fort de l’activité, les prostituées, des personnalités de la télévision brésiliennes pour certaines, se rendaient deux fois par mois en Angola où elles n'avaient pas le droit de quitter l’hôtel. Celles qui le désiraient y recevaient par ailleurs un douteux « cocktail anti-sida », Kagamba n’utilisant pas de préservatif.

Controversé en Europe et ailleurs dans le monde, l'héritier reste étonnamment populaire en Angola où il possède un club de football : le sport club de Palanca, grand vainqueur du championnat national 2013. 

Son groupe, le Kabuscorp a également investi dans un club portugais, le Victoria de Guimarães. Des investissements qui serviraient en réalité à blanchir ses millions, gagnés notamment grâce au commerce de diamants.

Kangamba a néanmoins été condamné en 2000 et en 2002 pour fraude et falsification de documents en Angola. Ce n’est d'ailleurs qu’en 2009 qu’il est réintégré dans l’organe du parti au pouvoir, le MPLA. Trois ans avant de se faire écarté de l’Assemblée, en novembre 2012, pour... absences répétées !

Au Brésil, malgré tous les éléments à charge recueillis par la justice, Bento dos Santos a été innocenté en juin dernier. Juste après, curieusement, la visite du président angolais sur les terres du Lula où il a notamment été question (là aussi) de réactiver le partenariat commercial stratégique entre les deux pays… 
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Patricia Neves

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