le 14 novembre 2014
Jalousie, perfidie, individualisme sont les premiers mots utilisés lorsqu’on commence une description du tissu social rwandais actuel. Pourtant, il y a peu, ce peuple était décrit comme accueillant, solidaire et bienveillant.
Si les Rwandais ont énormément de séquelles liées à leur histoire, le nouveau système ultra-libéral installé à l’après-guerre au Rwanda joue un grand rôle dans un tel déracinement, un tel abandon de valeurs.
Le choc du peuple rwandais
Déssin du Député Bamporiki (FPR) illustrant la théorie du choc à la rwandaise.
Comme stipulé dans le Mémorandum du Partenariat-Intwari, au lendemain de la fin de la guerre de 1994 au Rwanda, conformément aux accords signés entre le FPR du Rwanda, les pays de la région tels que l’Ouganda et les groupes étrangers anglais et américains , il fut décidé de mettre les décisions de l’appareil économique du Rwanda aux mains de groupes étrangers basés à Washington.
Ces groupes, alliés du FPR, installèrent un nouveau système économique ultra-libéral au Rwanda.
On y retrouve ainsi les mêmes modi operandi qui sont les applications des théories de Milton Friedman décrites par Naomi Klein comme «stratégie du choc », que l’on retrouve dans les pays comme le Chili, l’Indonésie, la Birmanie ou la Russie.
Avec le génocide au Rwanda, la population rwandaise s’est retrouvée dans un état de choc, un état où elle était désorientée, sans repères.
C’est la première étape de la stratégie du choc, qui consiste à créer et/ou à profiter d’un choc pour imposer à l’ensemble de la population de nouvelles directives et réformes qui ne seraient pas acceptées en temps normal.
Selon cette « stratégie du choc » seul un grand bouleversement est susceptible d’apporter des changements profonds. C’est en 1973 que commence l’imposition de l’ultra-libéralisme, avec l’aide de l’Angleterre et des Américains.
Le président démocratiquement élu au Chili, Salvador Allende, est renversé par un coup d’Etat d’Augusto Pinochet. S’ensuit une imposition de cet ultra-libéralisme impopulaire, elle-même suivie d’une répression sanglante de la population qui s’oppose aux réformes du régime.
En 1982, c’est en Angleterre que Margaret Thatcher, suite à son « succès » dans la guerre des Malouines dont elle tirera d’ailleurs son surnom de « la dame de fer », applique les théories ultra-libéralistes de Milton Friedman qui incluent la privatisation des entreprises nationales et la réduction du pouvoir des syndicats.
Les rapports des services secrets ougandais regroupés dans le Mémorandum du Partenariat-intwari, démontrent une implication très active de Margaret Thatcher et de sa Ministre au développement Lady Linda Chalker dans la préparation de l’attaque et de la victoire du FPR en 1994 contre le gouvernement rwandais de l’époque.
Il n’est alors pas étonnant de voir cette politique s’installer au Rwanda après la prise du pouvoir par le FPR.
L’intérêt de ces groupes anglo-saxons est l’instauration d’une puissance sous leur contrôle en Afrique centrale et en Afrique de l’est, puissance qui à l‘origine devait réunir l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, l’Erythrée, la Tanzanie et l’Ethiopie.
Cette puissance devait être composée de pays capitalistes et anglophones formant un marché commun et avec une puissance militaire considérable.
Avec une telle force sous leur contrôle, les groupes anglo-saxons seraient assurés de pouvoir exercer une influence sur l’ensemble du continent africain, luttant notamment contre l’influence islamique du nord d’Afrique, ils assureraient des rentrées d’argent considérables pour leurs entreprises et pourraient exporter leurs modèles culturels et économiques.
Les dynamiques qui secouent l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Est sont en rapport direct avec cet objectif.
Le Rwanda est le pays qui a intégré le mieux le capitalisme dans son système, devenant ainsi le meilleur élève des anglo-saxons dans ce domaine et devenant également le pays le plus profondément déraciné du continent.
Nouvel ordre rwandais
Bob Diamond, Ashish Thakkar et Claver Gatete, Ministère de l’Économie et des Finances du Rwanda
Dans les villes, cette politique ultra-libérale va engendrer de forts mouvements économiques.
Des entreprises publiques du Rwanda vont être vendues aux multinationales essentiellement anglophones, et la plupart de ces entreprises sont vendues aux nouveaux dirigeants du Rwanda pour une bouchée de pain.
On a assisté ainsi à la privatisation des usines de café et de thé, des pêcheries, des mines, du marché de l’énergie, des centres d’élevage, des hôtels comme l’hôtel méridien et Guest House Kibuye, des banques comme la Banque Centrale du Rwanda (BCR), l’ancienne Banque Continentale Africaine Rwanda (BACAR), ou encore dernièrement la Banque Rwandaise de Développement (BRD) acquise par la société Atlas Mara co-fondée par le financier britannique Bob Diamond et l’homme d’affaires anglo-ougandais Ashish Thakkar.
On proclame haut et fort l’émergence d’un capitalisme florissant au Rwanda mais en réalité seule une poignée d’entreprises rwandaises, de multinationales et le FPR en tirent une apparente richesse phénoménale.
Avec une rapidité surprenante, le Rwanda est devenu une société de consommation, il a été gratifié de plusieurs récompenses de la part des puissances sponsors.
La raison d’une telle rapidité dans la mise en place de l’ultra-libéralisme est liée à la profondeur du choc subi par les habitants et par le caractère répressif du régime du FPR.
Cette société de consommation est à l’origine d’incessants besoins et de frustrations qui caractérisent actuellement les Rwandais et en particulier la jeunesse.
Les écarts de richesse et de salaires entre le peu de gens qui réussissent dans cette société et les autres, le chômage galopant, les injustices, l’Etat totalitaire, accentuent ces sentiments de frustration, d’égoïsme et de besoin.
Dans les campagnes, le nouveau système, sous prétexte de vouloir améliorer la condition paysanne, a créé une misère généralisée. Les paysans qui avaient des cultures diversifiées pour assurer la subsistance de leur famille, se sont vu obligés, sous menace d’emprisonnement, de développer des monocultures en vue d’alimenter une logique de profit qui ne tourne pas assez efficacement et qui est en train d’affamer les paysans.
Les paysans sont entrés dans ce système de mondialisation avec comme références des responsables cherchant à s’enrichir à tout prix, n’hésitant pas à le faire sur le dos des autres.
Les histoires abracadabrantes inventées par des paysans pour s’accaparer de l’argent ou des biens d’autres paysans, pour faire souffrir ou pour assouvir une jalousie, sont devenues monnaie courante sur l’ensemble du territoire rwandais.
Pour le paysan, c’est une réalité à la mesure des exigences de la vie, de ses aspirations qui lui ont été enlevées et ont été échangées contre une réalité de désirs insatiables et inatteignables, une idéologie du lucre.
Avec en prime, la destruction des valeurs héritées de leurs ancêtres, héritées de leurs histoires, des valeurs d’entraide, de bienveillance et autres qui forment pourtant encore l’identité culturelle rwandaise.
Les facilitateurs du nouvel ordre
Paul Kagamé et son principale conseillé, le libéral, Tony Blair
L’instauration de l’ultra-libéralisme a été précédée par une période tout à fait particulière qui explique la rapidité de son instauration, ce qui fait du Rwanda un cas d’école idéal pour les installateurs des systèmes ultra-libéraux dans le monde.
Si l’instauration d’un nouveau système doit être précédée par un choc, les Rwandais ont subi un véritable tremblement de terre : le génocide de 1994 hautement médiatisé, 2 millions de réfugiés qui s’en sont suivis, des massacres à caractère génocidaire selon l’ONU dans les forêts du Congo par le FPR, des massacres à l’intérieur du pays par les milices du FPR dites « local defense », et cela dans quasi toutes les régions du pays,…
Après un tel choc, les nouveaux dirigeants pouvaient partir d’une « feuille blanche», comme on dit dans « la stratégie du choc », où les dirigeants peuvent redessiner l’ensemble des croyances d’un peuple, y compris leur histoire, pour instaurer un nouveau système dans ce cas-ci impopulaire.
L’imposition d’un tel système a également été fortement facilitée par le totalitarisme du régime du FPR.
Toutes les nouvelles directives qui écrasent le peuple sont obligatoires, cette obligation couvre l’exécution de ces directives mais aussi la dénonciation de ceux qui y dérogent sous peine de lourdes sanctions.
La limitation de droit d’expression en public mais également en privé, a permis d’empêcher de voir naître un mouvement de protestation envers ces politiques.
Enfin, le nouveau régime de Kigali a bénéficié d’anciennes expériences d’utilisation de « la stratégie du choc » via l’expérience acquise par les sponsors dans les autres pays où l’ultra-libéralisme a été inculqué de force.
Les conseils et les soutiens du FPR ont aujourd’hui une forte expérience qui a permis au régime d’anticiper certains difficultés et obstacles dans l’établissement de cette politique forcement impopulaire.
Ainsi certains documents nous montrent qu’avant même d’avoir tiré le premier coup de feu, le FPR savait qu’une fois au pouvoir, il devrait changer tous les noms des localités, surveiller la population, restreindre les protestations de la population….
Un avenir sans espoir
Cette situation dramatique dans laquelle est plongée l’ensemble de la population rwandaise se combine avec des rancœurs ethniques pour former un mélange explosif, qui se dresse comme une épée de Damoclès sur le destin du peuple rwandais.
Pour beaucoup de personnes, le moment de l’implosion est le seul paramètre inconnu.
Ces rancœurs ethniques sont encouragées par des politiques du régime menées de façon irresponsable, et d’autres menées volontairement pour attiser ces rancœurs.
On a vu dernièrement le régime encourager cette division pour ressouder l’ethnie tutsie autour de sa base, car les Tutsis qui étaient derrière le FPR au lendemain de la prise du pouvoir, sont aujourd’hui de plus en plus désillusionnés par le système mis en place.
Lorsque les poids lourds dans les rangs du FPR commençaient à rejoindre le camp des dissidents en grand nombre, le président Paul Kagame lui-même a lancé cet appel au regroupement au travers un discours fortement controversé, où il exhorta tout Hutu de demander pardon aux Tutsis, ceci en vue de recréer un sentiment d’appartenance ethnique autour de sa personne, au détriment de l’unité nationale et d’une cohabitation pacifique.
Cette politique a été intégrée par les idéologues du FPR dans le programme appelé « Ndi umunyarwanda » qui veut dire littérairement « Je suis rwandais ». Il est déclaré comme étant destiné à identifier « l’esprit Rwandais », ce qu’est être un Rwandais du point de vue historique et culturel.
Seulement cette étude définie comme telle, aurait dû être un préalable à l’assassinat et l’emprisonnement des prêtres de la religion ancienne héritée de l’histoire rwandaise, ce statut de « prêtre de religion ancienne» est toujours prohibé jusqu’à aujourd’hui.
Préalable également à l’instauration de cette économie sauvage qui ne prend justement en compte aucun de ces spécificités culturelles et historiques. Par contre, les témoignages des dégradations des relations ethniques que provoque ce programme ne désempilent pas.
Voir: Rwanda : « Ndi umunyarwanda », un virage dangereux emprunté par le FPR
Bien que la pauvreté et le désarroi créés par ce nouvel ordre touchent l’ensemble des ethnies qui composent le Rwanda, la population tutsie bénéficie plus largement des avantages du système que la population hutue.
Cet écart est observé chez les détenteurs du pouvoir et leur entourage, que ce soit pour la monopolisation des secteurs financiers, l’octroi des marchés publics, mais également au sein de la population, avec les nombreuses aides sociales et financières, entre autres pour les frais de scolarité, fournies uniquement aux rescapés tutsis.
Lors des procès Gacaca, subis uniquement par la population hutue, on observa des complots visant exclusivement l’aspect financier, certains procès étant montés uniquement pour s’approprier des biens d’autrui et cela au vu et au su de tous.
Cet écart basé sur le caractère ethnique qui s’accentue de jour en jour, amplifie la division du peuple, une division Hutu-Tutsi où les Hutus se sentent exclus dans plusieurs domaines nationaux mais également entre tutsis où certains sont privilégiés plus que d’autres.
Certains se sentent utilisés et abusés par le système du FPR pour atteindre ses objectifs.
Avec les nombreuses blessures de cœur que porte ce peuple et le peu de choses faites pour apaiser ces blessures, avec l’atmosphère de peur, de jalousie, de méfiance et de haine qui règne entre les citoyens, l’avenir du pays parait très sombre même pour les observateurs les moins avisés, et des épisodes apocalyptiques sont de nouveau fortement à craindre.
Si les responsables du régime se complaisent dans la course au lucre et à la séduction, s’ils continent à s’acharner à placer le pays dans une vision ultra-libérale, ils doivent être conscients qu’ils auront très certainement à répondre de leurs actes face à cette catastrophe annoncée.
______________________
Mugabowindekwe Robert
Jalousie, perfidie, individualisme sont les premiers mots utilisés lorsqu’on commence une description du tissu social rwandais actuel. Pourtant, il y a peu, ce peuple était décrit comme accueillant, solidaire et bienveillant.
Si les Rwandais ont énormément de séquelles liées à leur histoire, le nouveau système ultra-libéral installé à l’après-guerre au Rwanda joue un grand rôle dans un tel déracinement, un tel abandon de valeurs.
Le choc du peuple rwandais
Déssin du Député Bamporiki (FPR) illustrant la théorie du choc à la rwandaise.
Comme stipulé dans le Mémorandum du Partenariat-Intwari, au lendemain de la fin de la guerre de 1994 au Rwanda, conformément aux accords signés entre le FPR du Rwanda, les pays de la région tels que l’Ouganda et les groupes étrangers anglais et américains , il fut décidé de mettre les décisions de l’appareil économique du Rwanda aux mains de groupes étrangers basés à Washington.
Ces groupes, alliés du FPR, installèrent un nouveau système économique ultra-libéral au Rwanda.
On y retrouve ainsi les mêmes modi operandi qui sont les applications des théories de Milton Friedman décrites par Naomi Klein comme «stratégie du choc », que l’on retrouve dans les pays comme le Chili, l’Indonésie, la Birmanie ou la Russie.
Avec le génocide au Rwanda, la population rwandaise s’est retrouvée dans un état de choc, un état où elle était désorientée, sans repères.
C’est la première étape de la stratégie du choc, qui consiste à créer et/ou à profiter d’un choc pour imposer à l’ensemble de la population de nouvelles directives et réformes qui ne seraient pas acceptées en temps normal.
Selon cette « stratégie du choc » seul un grand bouleversement est susceptible d’apporter des changements profonds. C’est en 1973 que commence l’imposition de l’ultra-libéralisme, avec l’aide de l’Angleterre et des Américains.
Le président démocratiquement élu au Chili, Salvador Allende, est renversé par un coup d’Etat d’Augusto Pinochet. S’ensuit une imposition de cet ultra-libéralisme impopulaire, elle-même suivie d’une répression sanglante de la population qui s’oppose aux réformes du régime.
En 1982, c’est en Angleterre que Margaret Thatcher, suite à son « succès » dans la guerre des Malouines dont elle tirera d’ailleurs son surnom de « la dame de fer », applique les théories ultra-libéralistes de Milton Friedman qui incluent la privatisation des entreprises nationales et la réduction du pouvoir des syndicats.
Les rapports des services secrets ougandais regroupés dans le Mémorandum du Partenariat-intwari, démontrent une implication très active de Margaret Thatcher et de sa Ministre au développement Lady Linda Chalker dans la préparation de l’attaque et de la victoire du FPR en 1994 contre le gouvernement rwandais de l’époque.
Il n’est alors pas étonnant de voir cette politique s’installer au Rwanda après la prise du pouvoir par le FPR.
L’intérêt de ces groupes anglo-saxons est l’instauration d’une puissance sous leur contrôle en Afrique centrale et en Afrique de l’est, puissance qui à l‘origine devait réunir l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, l’Erythrée, la Tanzanie et l’Ethiopie.
Cette puissance devait être composée de pays capitalistes et anglophones formant un marché commun et avec une puissance militaire considérable.
Avec une telle force sous leur contrôle, les groupes anglo-saxons seraient assurés de pouvoir exercer une influence sur l’ensemble du continent africain, luttant notamment contre l’influence islamique du nord d’Afrique, ils assureraient des rentrées d’argent considérables pour leurs entreprises et pourraient exporter leurs modèles culturels et économiques.
Les dynamiques qui secouent l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Est sont en rapport direct avec cet objectif.
Le Rwanda est le pays qui a intégré le mieux le capitalisme dans son système, devenant ainsi le meilleur élève des anglo-saxons dans ce domaine et devenant également le pays le plus profondément déraciné du continent.
Nouvel ordre rwandais
Bob Diamond, Ashish Thakkar et Claver Gatete, Ministère de l’Économie et des Finances du Rwanda
Dans les villes, cette politique ultra-libérale va engendrer de forts mouvements économiques.
Des entreprises publiques du Rwanda vont être vendues aux multinationales essentiellement anglophones, et la plupart de ces entreprises sont vendues aux nouveaux dirigeants du Rwanda pour une bouchée de pain.
On a assisté ainsi à la privatisation des usines de café et de thé, des pêcheries, des mines, du marché de l’énergie, des centres d’élevage, des hôtels comme l’hôtel méridien et Guest House Kibuye, des banques comme la Banque Centrale du Rwanda (BCR), l’ancienne Banque Continentale Africaine Rwanda (BACAR), ou encore dernièrement la Banque Rwandaise de Développement (BRD) acquise par la société Atlas Mara co-fondée par le financier britannique Bob Diamond et l’homme d’affaires anglo-ougandais Ashish Thakkar.
On proclame haut et fort l’émergence d’un capitalisme florissant au Rwanda mais en réalité seule une poignée d’entreprises rwandaises, de multinationales et le FPR en tirent une apparente richesse phénoménale.
Avec une rapidité surprenante, le Rwanda est devenu une société de consommation, il a été gratifié de plusieurs récompenses de la part des puissances sponsors.
La raison d’une telle rapidité dans la mise en place de l’ultra-libéralisme est liée à la profondeur du choc subi par les habitants et par le caractère répressif du régime du FPR.
Cette société de consommation est à l’origine d’incessants besoins et de frustrations qui caractérisent actuellement les Rwandais et en particulier la jeunesse.
Les écarts de richesse et de salaires entre le peu de gens qui réussissent dans cette société et les autres, le chômage galopant, les injustices, l’Etat totalitaire, accentuent ces sentiments de frustration, d’égoïsme et de besoin.
Dans les campagnes, le nouveau système, sous prétexte de vouloir améliorer la condition paysanne, a créé une misère généralisée. Les paysans qui avaient des cultures diversifiées pour assurer la subsistance de leur famille, se sont vu obligés, sous menace d’emprisonnement, de développer des monocultures en vue d’alimenter une logique de profit qui ne tourne pas assez efficacement et qui est en train d’affamer les paysans.
Les paysans sont entrés dans ce système de mondialisation avec comme références des responsables cherchant à s’enrichir à tout prix, n’hésitant pas à le faire sur le dos des autres.
Les histoires abracadabrantes inventées par des paysans pour s’accaparer de l’argent ou des biens d’autres paysans, pour faire souffrir ou pour assouvir une jalousie, sont devenues monnaie courante sur l’ensemble du territoire rwandais.
Pour le paysan, c’est une réalité à la mesure des exigences de la vie, de ses aspirations qui lui ont été enlevées et ont été échangées contre une réalité de désirs insatiables et inatteignables, une idéologie du lucre.
Avec en prime, la destruction des valeurs héritées de leurs ancêtres, héritées de leurs histoires, des valeurs d’entraide, de bienveillance et autres qui forment pourtant encore l’identité culturelle rwandaise.
Les facilitateurs du nouvel ordre
Paul Kagamé et son principale conseillé, le libéral, Tony Blair
L’instauration de l’ultra-libéralisme a été précédée par une période tout à fait particulière qui explique la rapidité de son instauration, ce qui fait du Rwanda un cas d’école idéal pour les installateurs des systèmes ultra-libéraux dans le monde.
Si l’instauration d’un nouveau système doit être précédée par un choc, les Rwandais ont subi un véritable tremblement de terre : le génocide de 1994 hautement médiatisé, 2 millions de réfugiés qui s’en sont suivis, des massacres à caractère génocidaire selon l’ONU dans les forêts du Congo par le FPR, des massacres à l’intérieur du pays par les milices du FPR dites « local defense », et cela dans quasi toutes les régions du pays,…
Après un tel choc, les nouveaux dirigeants pouvaient partir d’une « feuille blanche», comme on dit dans « la stratégie du choc », où les dirigeants peuvent redessiner l’ensemble des croyances d’un peuple, y compris leur histoire, pour instaurer un nouveau système dans ce cas-ci impopulaire.
L’imposition d’un tel système a également été fortement facilitée par le totalitarisme du régime du FPR.
Toutes les nouvelles directives qui écrasent le peuple sont obligatoires, cette obligation couvre l’exécution de ces directives mais aussi la dénonciation de ceux qui y dérogent sous peine de lourdes sanctions.
La limitation de droit d’expression en public mais également en privé, a permis d’empêcher de voir naître un mouvement de protestation envers ces politiques.
Enfin, le nouveau régime de Kigali a bénéficié d’anciennes expériences d’utilisation de « la stratégie du choc » via l’expérience acquise par les sponsors dans les autres pays où l’ultra-libéralisme a été inculqué de force.
Les conseils et les soutiens du FPR ont aujourd’hui une forte expérience qui a permis au régime d’anticiper certains difficultés et obstacles dans l’établissement de cette politique forcement impopulaire.
Ainsi certains documents nous montrent qu’avant même d’avoir tiré le premier coup de feu, le FPR savait qu’une fois au pouvoir, il devrait changer tous les noms des localités, surveiller la population, restreindre les protestations de la population….
Un avenir sans espoir
Cette situation dramatique dans laquelle est plongée l’ensemble de la population rwandaise se combine avec des rancœurs ethniques pour former un mélange explosif, qui se dresse comme une épée de Damoclès sur le destin du peuple rwandais.
Pour beaucoup de personnes, le moment de l’implosion est le seul paramètre inconnu.
Ces rancœurs ethniques sont encouragées par des politiques du régime menées de façon irresponsable, et d’autres menées volontairement pour attiser ces rancœurs.
On a vu dernièrement le régime encourager cette division pour ressouder l’ethnie tutsie autour de sa base, car les Tutsis qui étaient derrière le FPR au lendemain de la prise du pouvoir, sont aujourd’hui de plus en plus désillusionnés par le système mis en place.
Lorsque les poids lourds dans les rangs du FPR commençaient à rejoindre le camp des dissidents en grand nombre, le président Paul Kagame lui-même a lancé cet appel au regroupement au travers un discours fortement controversé, où il exhorta tout Hutu de demander pardon aux Tutsis, ceci en vue de recréer un sentiment d’appartenance ethnique autour de sa personne, au détriment de l’unité nationale et d’une cohabitation pacifique.
Cette politique a été intégrée par les idéologues du FPR dans le programme appelé « Ndi umunyarwanda » qui veut dire littérairement « Je suis rwandais ». Il est déclaré comme étant destiné à identifier « l’esprit Rwandais », ce qu’est être un Rwandais du point de vue historique et culturel.
Seulement cette étude définie comme telle, aurait dû être un préalable à l’assassinat et l’emprisonnement des prêtres de la religion ancienne héritée de l’histoire rwandaise, ce statut de « prêtre de religion ancienne» est toujours prohibé jusqu’à aujourd’hui.
Préalable également à l’instauration de cette économie sauvage qui ne prend justement en compte aucun de ces spécificités culturelles et historiques. Par contre, les témoignages des dégradations des relations ethniques que provoque ce programme ne désempilent pas.
Voir: Rwanda : « Ndi umunyarwanda », un virage dangereux emprunté par le FPR
Bien que la pauvreté et le désarroi créés par ce nouvel ordre touchent l’ensemble des ethnies qui composent le Rwanda, la population tutsie bénéficie plus largement des avantages du système que la population hutue.
Cet écart est observé chez les détenteurs du pouvoir et leur entourage, que ce soit pour la monopolisation des secteurs financiers, l’octroi des marchés publics, mais également au sein de la population, avec les nombreuses aides sociales et financières, entre autres pour les frais de scolarité, fournies uniquement aux rescapés tutsis.
Lors des procès Gacaca, subis uniquement par la population hutue, on observa des complots visant exclusivement l’aspect financier, certains procès étant montés uniquement pour s’approprier des biens d’autrui et cela au vu et au su de tous.
Cet écart basé sur le caractère ethnique qui s’accentue de jour en jour, amplifie la division du peuple, une division Hutu-Tutsi où les Hutus se sentent exclus dans plusieurs domaines nationaux mais également entre tutsis où certains sont privilégiés plus que d’autres.
Certains se sentent utilisés et abusés par le système du FPR pour atteindre ses objectifs.
Avec les nombreuses blessures de cœur que porte ce peuple et le peu de choses faites pour apaiser ces blessures, avec l’atmosphère de peur, de jalousie, de méfiance et de haine qui règne entre les citoyens, l’avenir du pays parait très sombre même pour les observateurs les moins avisés, et des épisodes apocalyptiques sont de nouveau fortement à craindre.
Si les responsables du régime se complaisent dans la course au lucre et à la séduction, s’ils continent à s’acharner à placer le pays dans une vision ultra-libérale, ils doivent être conscients qu’ils auront très certainement à répondre de leurs actes face à cette catastrophe annoncée.
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