09/01/2015
L'oeil de Glez.
© Glez
Les journalistes africains ont la
réputation d’être davantage en danger que leurs confrères européens. Ce
n’est peut-être plus le cas de ceux qui pratiquent le dessin de
presse.
L’Afrique est sous le choc, après l’attentat perpétré contre
l’hebdomadaire français "Charlie Hebdo".
Ce jeudi, bien des journaux du continent accordaient une place significative à l’attentat qui a endeuillé, ce 7 janvier, la rédaction de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo. Au même moment, de nombreuses radios programmaient des émissions de témoignages et de débats.
Ce qui leur est arrivé, ce 7 janvier, on aurait imaginé ça qu’en Afrique.Seuls les Africains ayant "fait" l’Europe connaissent réellement le magazine "Bête et méchant", même si le titre fut évoqué à plusieurs reprises, lors des polémiques successives sur les caricatures de Mahomet. Et des caricatures du prophète de l’Islam, justement, il en est apparu très peu dans les colonnes africaines.
Même par solidarité confraternelle, ces dessins "blasphématoires" furent jugés, la plupart du temps, impubliables sur un continent où l’on ne titille guère les croyances, notamment religieuses.
Car c’est souvent sous l’angle de la transposition que l’on observe la presse impertinente d’Europe. "Ce qu’ils publient là-bas, on ne pourrait pas le publier ici", entend-on souvent.
"Ce qui leur est arrivé, ce 7 janvier, on aurait imaginé ça qu’en Afrique", entend-on depuis mercredi…
Des journalistes abattus à la kalachnikov ? Celui qui n’aurait pas entendu parler de la tuerie de Charlie Hebdo
aurait immédiatement localisé ce pitch en Afrique.
Les dessinateurs de
l’hebdomadaire français, eux-mêmes, lorsqu’ils avaient l’occasion de
fouler le continent noir, se pâmaient d’admiration devant des
dessinateurs africains censément menacés.
Car "Charlie Hebdo" n’est pas
la rédaction parisianiste que l’on croit. Elle n’est pas insensible aux
dangers que ses caricatures anticléricales firent courir aux
représentations françaises en Afrique.
S’ils ne badinent pas avec leur
liberté quasi-absolue d’expression, les cartoonists de l’hebdo satirique
ont les yeux rivés sur le continent. Il n’est pas rare de croiser Luz
ou Willem au Burkina ou au Cameroun.
Bons nombres d’Africains se
souviennent aussi de prestations publiques du regretté Tignous. Tignous
qui a été abattu aux côtés de ses collègues Cabu, Wolinski, Honoré et
Charb.
Il revient maintenant aux dessinateurs d’une planète groggy de continuer la lutte.
Il revient maintenant aux dessinateurs
d’une planète groggy de continuer la lutte. Ceux d’Afrique en
particulier, eux qui représentent la pratique caricaturale la plus
juvénile.
Voilà seulement deux décennies que la frange francophone du
continent a expérimenté le printemps de la presse.
Deux décennies que
les dessinateurs font le bonheur de populations souvent majoritairement
analphabètes.
Deux décennies qu’ils se battent dans une presse
généraliste frileuse.
Deux décennies qu’ils tentent des expériences
satiriques plus ou moins pérennes.
Comme la France a donné naissance au Canard enchaîné et à Charlie Hebdo, l’Afrique a enfanté Le Lynx guinéen, Le Kpakpa désenchanté togolais, le JJ burkinabè ou le Gbich !
ivoirien.
Avec une impertinence louable, les satiristes subsahariens
francophones naviguent entre l’aridité politique et la sécheresse
économique. Et les talents pullulent : Nyemb Popoli, Odia, TT Fons, El
Pacho, Mendozza, Alassane Aguellasse ou Hector Sonon.
Ils survivent le
plus souvent à la moulinette des comités de censure, empruntant les pas
de leurs aînés anglophones comme le Sud-Africain Zapiro, le Zimbabwéen
Tony Namate ou le Tanzano-Kenyan Gado.
Ils meurent parfois comme Azzo,
assassiné par le Revolutionary United Front, ou Kaïs, abattu en Libye
par un sniper. La situation des dessinateurs français semblait à mille
lieux de celle des caricaturistes africains.
Aujourd’hui, les martyrs du
crayon des deux continents se tirent le portrait dans le même paradis.
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Damien Glez
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Damien Glez
Jeune Afrique
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