le 18 février 2015
La production de réfugiés est l’une des manifestations des régimes exclusifs ou du moins des crises. La persistance du problème est la conséquence de sa mauvaise gestion. Le réfugié a toujours un motif qui le pousse à craindre pour sa sécurité physique, matérielle ou immatérielle.
Le problème des réfugiés rwandais ne fait pas exception à cette règle.
Le problème des réfugiés issus de la chute de la monarchie en 1959
Le Rwanda produisit ses premiers réfugiés en 1959 avec la « Révolution sociale » qui apporta des changements radicaux dans l’organisation du pouvoir à tous les niveaux et dans tous les secteurs.
La monarchie héréditaire tutsie se vit ainsi malmenée avant d’être définitivement abolie par le Congrès de Gitarama, le 28 janvier 1961, qui institua le premier drapeau rwandais ainsi que les trois pouvoirs classiques de l’Etat : le législatif, l’exécutif et le judiciaire.
La mauvaise gestion de ces changements importants dans l’histoire du Rwanda fit que beaucoup de Tutsi furent contraints de quitter le pays parce qu’ils ne se sentaient plus en sécurité et certains autres parce qu’ils avaient perdu le pouvoir.
Dès les années 60 ces réfugiés commencèrent à mener des attaques contre la jeune république rwandaise, sans succès.
Les gouvernements qui se succédèrent à la tête du pays n’accordèrent pas assez d’importance au problème de ces réfugiés. Même si elle était jeune, la nouvelle république se sentait assez forte et ne voyait vraisemblablement pas la nécessité de tendre la main à ces réfugiés et leur problème est resté sans réponse durable.
Un quart de siècle plus tard, les réfugiés tutsis installés en Ouganda, malmenés par le pouvoir de Milton Obote, se sont engagés dans la rébellion de la NRA de Yoweri Kaguta Museveni dès son entrée au maquis en 1982.
En 1986 la NRA prit le pouvoir à Kampala. Juvénal Habyarimana qui avait lui-même soutenu le nouveau président ougandais crut, à tort, que la question des réfugiés rwandais était en train d’être résolue puisque le nouveau régime allait les intégrer dans la société ougandaise.
Mais très vite des « rumeurs » disant que les réfugiés tutsis se préparaient à partir de l’Ouganda pour attaquer le Rwanda commencèrent à circuler.
Lors d’une visite à Butare en octobre 1986, le président Museveni assura que personne n’attaquerait le Rwanda à partir de son pays dans ces termes :
« Recently there have been a lot of rumours circulated by people who are ignorant politically that the refugees of Rwanda in Uganda will use Uganda as a base to come and attack Rwanda. This is not possible and it will not happen and I’d like to assure all the people here that it will not happen at all. (…) If you want to get them back, you can come and call them and they come back here. If you can’t have them back, they will stay in Uganda until we find another solution for them.
So there is no problem at all on that issue.” (http://jkanya.free.fr/museveni070709.html)
Le pouvoir au Rwanda privilégia la solution, qui s’avéra mauvaise, de l’intégration des réfugiés dans leurs pays d’accueil, notamment pour des raisons liées à la surpopulation du pays, tout en ouvrant l’option subsidiaire d’un retour individuel et volontaire de ceux qui le voudraient.
Mais il ne fut en réalité probablement pas surpris par l’attaque du 1er octobre 1990, qui conduisit à la prise du pouvoir, quatre ans plus tard, par le FPR dans un océan de sang.
Le problème des réfugiés issus de la prise du pouvoir par le FPR
En 1994, avec la victoire de la rébellion du FPR, le pays se vida d’une partie de sa population. Jusqu’en 1996 le Rwanda fut de loin le pays avec le plus grand nombre de réfugiés, hutus dans leur majorité.
Le nouveau régime choisit de résoudre cette question par l’attaque des camps des réfugiés du Congo, pour les forcer à rentrer et en éliminer un grand nombre. Ce fut à certains égards un succès pour le FPR car en effet environ 500 000 rentrèrent et au minimum 190 000 autres furent tués entre le début et la fin de la 1ère guerre du Congo (août 1996- mai 1997) (http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44913.asp).
D’autres échappèrent à travers les forêts congolaises. Certains sont parvenus à sortir du Congo pour s’installer ailleurs dans le monde. D’autres sont toujours là-bas et sont estimés à 245 000 par le gouvernement congolais.
Cette opération ne mit pas fin au problème des réfugiés rwandais évidemment. Beaucoup d’autres échappèrent à cette chasse et sont toujours là, partout dans le monde aujourd’hui mais surtout au Congo-Kinshasa. L’opération s’avéra donc être une mauvaise solution.
Aujourd’hui le régime du FPR continue de produire des réfugiés. Sa solution est de les traquer partout où ils sont, surtout ceux qui sont près de ses frontières et ceux qui osent l’affronter où qu’ils soient, qui qu’ils soient.
Le régime a en outre fait pression pour que le statut de réfugié soit retiré aux Rwandais qui ont quitté le pays entre 1959 et 1998. Ceci sans jamais s’attaquer aux raisons de l’exil de ces réfugiés et ainsi persistant dans la mauvaise manière de résoudre le problème.
Il est à remarquer dès lors que les solutions qui ont été apportées jusqu’à maintenant à ce problème ont été celles du plus fort. Or le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître[i].
Même si les réfugiés encore présents en Républiques démocratique du Congo étaient rapatriés de force, voire massacrés, le problème des réfugiés rwandais serait loin d’être résolu tant que le plus fort n’a pas encore compris que sa force face à ces désarmés cessera nécessairement et qu’il est nécessaire d’examiner sérieusement les causes qui produisent encore des réfugiés issus d’ailleurs de plus en plus aussi bien de l’ethnie hutue que de l’ethnie tutsie.
[i] Rousseau, Contrat social, Chapitre III, Du droit du plus fort
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Pacifique Habimana
La production de réfugiés est l’une des manifestations des régimes exclusifs ou du moins des crises. La persistance du problème est la conséquence de sa mauvaise gestion. Le réfugié a toujours un motif qui le pousse à craindre pour sa sécurité physique, matérielle ou immatérielle.
Le problème des réfugiés rwandais ne fait pas exception à cette règle.
Le problème des réfugiés issus de la chute de la monarchie en 1959
Le Rwanda produisit ses premiers réfugiés en 1959 avec la « Révolution sociale » qui apporta des changements radicaux dans l’organisation du pouvoir à tous les niveaux et dans tous les secteurs.
La monarchie héréditaire tutsie se vit ainsi malmenée avant d’être définitivement abolie par le Congrès de Gitarama, le 28 janvier 1961, qui institua le premier drapeau rwandais ainsi que les trois pouvoirs classiques de l’Etat : le législatif, l’exécutif et le judiciaire.
La mauvaise gestion de ces changements importants dans l’histoire du Rwanda fit que beaucoup de Tutsi furent contraints de quitter le pays parce qu’ils ne se sentaient plus en sécurité et certains autres parce qu’ils avaient perdu le pouvoir.
Dès les années 60 ces réfugiés commencèrent à mener des attaques contre la jeune république rwandaise, sans succès.
Les gouvernements qui se succédèrent à la tête du pays n’accordèrent pas assez d’importance au problème de ces réfugiés. Même si elle était jeune, la nouvelle république se sentait assez forte et ne voyait vraisemblablement pas la nécessité de tendre la main à ces réfugiés et leur problème est resté sans réponse durable.
Un quart de siècle plus tard, les réfugiés tutsis installés en Ouganda, malmenés par le pouvoir de Milton Obote, se sont engagés dans la rébellion de la NRA de Yoweri Kaguta Museveni dès son entrée au maquis en 1982.
En 1986 la NRA prit le pouvoir à Kampala. Juvénal Habyarimana qui avait lui-même soutenu le nouveau président ougandais crut, à tort, que la question des réfugiés rwandais était en train d’être résolue puisque le nouveau régime allait les intégrer dans la société ougandaise.
Mais très vite des « rumeurs » disant que les réfugiés tutsis se préparaient à partir de l’Ouganda pour attaquer le Rwanda commencèrent à circuler.
Lors d’une visite à Butare en octobre 1986, le président Museveni assura que personne n’attaquerait le Rwanda à partir de son pays dans ces termes :
« Recently there have been a lot of rumours circulated by people who are ignorant politically that the refugees of Rwanda in Uganda will use Uganda as a base to come and attack Rwanda. This is not possible and it will not happen and I’d like to assure all the people here that it will not happen at all. (…) If you want to get them back, you can come and call them and they come back here. If you can’t have them back, they will stay in Uganda until we find another solution for them.
So there is no problem at all on that issue.” (http://jkanya.free.fr/museveni070709.html)
Le pouvoir au Rwanda privilégia la solution, qui s’avéra mauvaise, de l’intégration des réfugiés dans leurs pays d’accueil, notamment pour des raisons liées à la surpopulation du pays, tout en ouvrant l’option subsidiaire d’un retour individuel et volontaire de ceux qui le voudraient.
Mais il ne fut en réalité probablement pas surpris par l’attaque du 1er octobre 1990, qui conduisit à la prise du pouvoir, quatre ans plus tard, par le FPR dans un océan de sang.
Le problème des réfugiés issus de la prise du pouvoir par le FPR
En 1994, avec la victoire de la rébellion du FPR, le pays se vida d’une partie de sa population. Jusqu’en 1996 le Rwanda fut de loin le pays avec le plus grand nombre de réfugiés, hutus dans leur majorité.
Le nouveau régime choisit de résoudre cette question par l’attaque des camps des réfugiés du Congo, pour les forcer à rentrer et en éliminer un grand nombre. Ce fut à certains égards un succès pour le FPR car en effet environ 500 000 rentrèrent et au minimum 190 000 autres furent tués entre le début et la fin de la 1ère guerre du Congo (août 1996- mai 1997) (http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44913.asp).
D’autres échappèrent à travers les forêts congolaises. Certains sont parvenus à sortir du Congo pour s’installer ailleurs dans le monde. D’autres sont toujours là-bas et sont estimés à 245 000 par le gouvernement congolais.
Cette opération ne mit pas fin au problème des réfugiés rwandais évidemment. Beaucoup d’autres échappèrent à cette chasse et sont toujours là, partout dans le monde aujourd’hui mais surtout au Congo-Kinshasa. L’opération s’avéra donc être une mauvaise solution.
Aujourd’hui le régime du FPR continue de produire des réfugiés. Sa solution est de les traquer partout où ils sont, surtout ceux qui sont près de ses frontières et ceux qui osent l’affronter où qu’ils soient, qui qu’ils soient.
Le régime a en outre fait pression pour que le statut de réfugié soit retiré aux Rwandais qui ont quitté le pays entre 1959 et 1998. Ceci sans jamais s’attaquer aux raisons de l’exil de ces réfugiés et ainsi persistant dans la mauvaise manière de résoudre le problème.
Il est à remarquer dès lors que les solutions qui ont été apportées jusqu’à maintenant à ce problème ont été celles du plus fort. Or le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître[i].
Même si les réfugiés encore présents en Républiques démocratique du Congo étaient rapatriés de force, voire massacrés, le problème des réfugiés rwandais serait loin d’être résolu tant que le plus fort n’a pas encore compris que sa force face à ces désarmés cessera nécessairement et qu’il est nécessaire d’examiner sérieusement les causes qui produisent encore des réfugiés issus d’ailleurs de plus en plus aussi bien de l’ethnie hutue que de l’ethnie tutsie.
[i] Rousseau, Contrat social, Chapitre III, Du droit du plus fort
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Pacifique Habimana
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